Depuis quelques jours, les armes se taisent en Syrie. Ou presque. Pour la première fois depuis le début de la guerre civile il y a cinq ans, les habitants des régions concernées par le cessez-le-feu vivent sans le bruit de canons et de bombes. Pourtant, les principaux protagonistes de la guerre en Syrie se sont mutuellement accusés dimanche d’avoir violé le cessez-le-feu. Le général Sergueï Kouralenko, responsable du Centre russe pour la réconciliation des parties belligérantes en Syrie, a accusé les insurgés d’avoir enfreint à neuf reprises l’accord de cessation des hostilités. Pour sa part, Riad Hijab, coordinateur général du Haut Comité des négociations (HCN), un organisme qui regroupe les principaux mouvements rebelles syriens, a envoyé une lettre au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, où il fait état de 24 violations avec un bilan de 29 morts. Il a accusé « les Russes, le régime, l’Iran et d’autres forces étrangères d’avoir commis des actes d’hostilités malgré la trêve ». Selon lui, l’aviation russe aurait mené 26 raids dimanche.
Des violations auxquelles tout le monde s’attendait un peu. « Des incidents, il y en aura forcément », a déclaré l’envoyé spécial de l’Onu sur la Syrie, Staffan de Mistura, mais l’important, c’est de les contenir. Alors qu’un haut responsable américain, cité par l’AFP, a estimé dimanche qu’il fallait « donner une chance » au cessez-le-feu. « Les complications sont inévitables. Même dans les circonstances les meilleures, nous ne nous attendons pas à ce que la violence cesse immédiatement ».
Cela dit, malgré ces violations, Nations-Unies, Etats-Unis et Russie ont dressé un bilan plutôt positif de la cessation des hostilités. Il faut en effet rappeler que c’est une première en près de cinq ans de guerre.
Un pari risqué

Un enfant syrien dans les décombres de la guerre civile qui est loin d'être finie.
(Photo : Reuters)
En effet, la trêve — qui doit aussi permettre à la fois l’acheminement d’aide humanitaire aux populations civiles — devrait surtout faciliter l’ouverture de nouveaux pourparlers pour tenter de trouver une issue à la guerre, qui a déjà fait plus de 250 000 morts et 11 millions de réfugiés et déplacés. Staffan de Mistura a d’ores et déjà annoncé son intention d’organiser trois semaines de discussions de paix à partir du 7 mars.
Mais il est encore trop tôt de se réjouir. Par sa complexité et la multitude de ses acteurs, le conflit syrien ne risque pas d’être réglé du jour au lendemain.
De même, les déclarations russes incitent au doute. La trêve est destinée à « donner une impulsion vers un règlement politique du conflit et créer les conditions pour qu’un tel processus débute », a souligné vendredi le président russe, Vladimir Poutine. Cette trêve est ainsi considérée comme un « premier pas » vers un cessez-le-feu plus permanent entre les belligérants, a auparavant dit son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.
Mais derrière les annonces, la réalité pourrait être bien différente. En effet, un cessez-le-feu permanent se heurte à l’intransigeance des belligérants, aux positions qui paraissent toujours irréconciliables, malgré toutes les déclarations de bonne volonté.
D’abord, il faut rappeler que l’Etat Islamique (EI) et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaëda, sont exclus du cessez-le-feu, et que ces deux groupes contrôlent plus de 50 % du territoire syrien. Le Front Al-Nosra a dénoncé la trêve et a appelé tous les rebelles syriens à intensifier leurs attaques contre les forces du président Bachar Al-Assad et leurs alliés chiites libanais et iraniens. Et le gouvernement syrien a fait savoir que la trêve serait rompue si des Etats étrangers fournissaient les rebelles en armes ou si ces derniers profitaient du cessez-le-feu pour se réarmer.
Surtout, le plus important est que la Russie a prévenu qu’elle ne cesserait pas ses opérations contre ces deux groupes. C’est-à-dire que la trêve est loin d’être totale. Et les chances à long terme, minimes. En déclarant que son pays continuerait, après l’entrée en vigueur de la trêve, à combattre Daech, le Front Al-Nosra et d’« autres organisations terroristes » sans préciser lesquelles, Vladimir Poutine réaffirme son soutien à Bachar Al-Assad et sa guerre affichée à tous les opposants au pouvoir syrien, djihadistes ou non.
C’est-à-dire que dans le meilleur des cas, si les autres parties ayant conclu l’accord de cessez-le-feu le respectent, l’on risque de se diriger vers un affrontement entre d’un côté le régime syrien, ses alliés russes et iraniens, et de l’autre, les djihadistes du Front Al-Nosra et de l’EI ainsi que d’autres opposants à Damas.
C’est donc un pari risqué. Et, tout en faveur de Moscou et Damas. Et ce, pour plusieurs raisons : Les opposants au régime sont toujours incapables de s’unir, le régime n’est toujours pas prêt à négocier un départ de Bachar, et les parties prenantes dans le conflit ont toujours chacune leur agenda et leurs intérêts.
Ce cocktail d’éléments signifie que seul un changement des rapports de force sur le terrain peut peser sur un règlement futur. Et c’est pour cette raison que les Russes pèsent de tout leur poids pour que le régime reprenne la main dans le pays en intensifiant leurs frappes sur les bastions rebelles.
Au milieu de tout cela, Bachar Al-Assad a annoncé des élections législatives le 13 avril prochain ...
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