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Tensions croissantes entre Manama et Téhéran

Sabah Sabet avec agences, Dimanche, 04 octobre 2015

Les relations entre l’Iran et les pays du Golfe, notamment Bahreïn, se sont à nouveau détériorées. Avec, comme toujours, en toile de fond, le conflit chiites-sunnites.

Tensions croissantes entre Manama et Téhéran
En 2011, Bahreïn accusait déjà Téhéran d'être derrière les manifestations massives de la majorité chiite. (Photo:AP)

« Persona non grata », c’est le message envoyé cette semaine par le gouvernement du Bahreïn au chargé d’affaires iranien à Manama. Accusant l’Iran de chercher à provoquer des troubles dans ce petit pays du Golfe, le gouvernement de Bahreïn a décidé de rappeler son ambassadeur à Téhéran et de renvoyer le chargé d’affaires iranien à Manama.

Selon l’agence officielle BNA, le ministère des Affaires étrangères a indiqué que « la poursuite des ingérences iraniennes dans les affaires internes du Royaume » et ses tentatives d’y provoquer « une sédition confessionnelle » sont la cause de ces décisions prises récemment. L’Iran soutient les actes « de sabotage et de terrorisme » à Bahreïn et appuie « les groupes terroristes qu’il aide par des trafics d’armes et d’explosifs », a accusé le ministère des Affaires étrangères, ajoutant que « l’Iran forme des membres de ces groupes et donne refuge à ceux qui fuient la justice bahreïnie ».

Ce n’est pas la première fois que les relations entre les deux pays se détériorent : le gouvernement bahreïni accuse constamment la République islamique d’Iran de s’ingérer dans ses affaires et de soutenir des opposants de la majorité chiite qui réclament, depuis 2011, des réformes politiques à la dynastie sunnite au pouvoir.

Pourtant, cette guerre par procuration entre plusieurs pays du Golfe et l’Iran n’est pas récente. « L’ingérence de l’Iran au Yémen et à Bahreïn date depuis des années sans confrontation directe », explique Abdallah Ismaïl, analyste spécialise du Golfe.

Le renvoi du chargé d’affaires iranien et le rappel de l’ambassadeur du Royaume n’est pas la seule mesure prise par Manama. Bahreïn a saisi les Nations-Unies en déposant plainte contre l’Iran. Cette plainte a été officiellement remise au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, par le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled bin Ahmad Al-Khalifa, lors d’un entretien à New York en marge de l’Assemblée générale de l’Onu. « L’Iran a choisi de poursuivre l’escalade en cherchant à imposer son hégémonie aux pays voisins », a ajouté le ministre.

Ce durcissement de ton et les procédures prises par Bahreïn arrivent à la suite de la découverte, la semaine dernière, d’une importante cache d’armes et de l’arrestation d’un nombre indéterminé de suspects. Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur a affirmé que les armes et les explosifs avaient été découverts dans une cache aménagée dans une maison de la localité à majorité chiite de Noueidrat, au sud de la capitale Manama. « Plusieurs suspects ont été arrêtés », a indiqué le ministère, assurant qu’ils avaient « des liens avec l’Iran et l’Iraq ».

Ce n’est pas la première fois que les autorités annoncent l’arrestation de suspects liés à l’Iran. Le 13 août, Bahreïn avait fait état de l’arrestation de cinq suspects « liés à l’Iran » après un attentat ayant tué deux policiers. Pour sa part, le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré, vendredi soir, « persona non grata » le numéro deux de l’ambassade de Bahreïn, et lui a demandé de quitter le territoire iranien. « Téhéran ne s’ingère et ne s’ingérera pas dans les affaires de Bahreïn », a affirmé le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian. « Depuis plusieurs années, les responsables bahreïnis sont confrontés à des problèmes internes et, au lieu d’essayer d’y apporter des solutions, ils accusent les autres », a-t-il ajouté.

Ces dernières années, le gouvernement bahreïni a réprimé dans le sang les manifestations qui réclamaient plus de droits pour la majorité chiite, largement exclue des cercles du pouvoir. Des vagues d’arrestations ont touché les manifestants, et le Conseil de Coopération du Golfe avait envoyé d’importants renforts militaires à Manama pour casser la contestation. Depuis, le pays vit dans un climat sécuritaire renforcé.

Bahreïn, gouverné par la minorité sunnite, s’est toujours aligné sur les politiques de l’Arabie saoudite, depuis longtemps en confrontation avec l’Iran.

Récemment, la guerre des mots entre Iraniens et Saoudiens s’est encore envenimée à la suite de la catastrophe à La Mecque et de l’interception d’un bateau iranien chargé d’armes destinées aux rebelles chiites du Yémen. Pour les pays du Golfe, Téhéran continue de rêver d’établir un empire perse dans la région. « L’Iran a subi des pertes dans deux de ses importants terrains d’action : le Yémen et la Syrie. Au Yémen, la coalition a pu reprendre plus de 75 % des territoires yéménites et a réussi à empêcher de nombreux soutiens iraniens aux Houthis », explique le Saoudien Anwar Eishqi, directeur du Centre du Proche-Orient pour les études stratégiques. Pour le Saoudien, « l’Iran joue avec la carte confessionnelle dans la région, mais ne pourra pas poursuivre ses plans » .

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