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Palestine : Israël seul contre tous

Abir Taleb avec agences, Mardi, 25 décembre 2012

L’Etat hébreu défie la communauté internationale et intensifie sa politique de colonisation dans les Territoires palestiniens, ruinant encore plus l’espoir des Palestiniens de voir naître un Etat indépendant viable.

Palestine
Quelque 340 000 Israéliens habitent dans des colonies de Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est, alors que les Palestiniens vivent dans des conditions déplorables. (Photo: AFP)

D’ici aux élections législatives israéliennes du 22 janvier 2013 et sans doute bien après, aucune voix consensuelle ne risque de se faire entendre en Israël, et les chances d’une reprise du processus de paix israélo-palestinien sont nulles. Pour preuve, sourd aux critiques internationales, l’Etat hébreu vient de lancer de nouveaux projets massifs de construction de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Israël a ainsi autorisé jeudi dernier le lancement d’un projet de création d’une colonie dans un important bloc d’implantations en Cisjordanie occupée. Ce projet prévoit à terme la construction de 6 000 logements. Une commission du ministère israélien de l’Intérieur examine en outre la construction de 1 000 logements dans le quartier de colonisation de Gilo à Jérusalem-Est, alors que la semaine dernière, le ministère de l’Intérieur avait approuvé un plan de 1 500 logements également à Jérusalem-Est. Ce plan avait été condamné en 2010 par Washington et avait provoqué une grave crise entre Israël et les Etats-Unis, qui avaient appelé Israël à rompre avec ces « actes de provocation ».

Selon le négociateur palestinien Saëb Erakat, si un seul des multiples projets de rattachement entre des colonies de Cisjordanie et les quartiers de colonisation de Jérusalem-Est est mené à bien, « ce cercle étouffera Jérusalem-Est et détruira la solution à deux Etats ». La représentante de l’Union Européenne (UE) pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a dénoncé jeudi dernier une « expansion sans précédent de colonies autour de Jérusalem ». Ces projets de colonisation « compromettent les perspectives d’un règlement négocié du conflit en mettant en danger la possibilité d’un Etat palestinien contigu et viable avec Jérusalem comme future capitale de deux Etats », a déploré la représentante de l’UE pour les Affaires étrangères. Elle a demandé aux deux parties de sortir de l’impasse et de reprendre les négociations « sans conditions préalables », afin de parvenir à une solution durable du conflit israélo-palestinien. La France, de son côté, a évoqué « une provocation qui sape davantage la confiance nécessaire à la reprise des négociations ».

Les 15 pays membres du Conseil de sécurité, à l’exception des Etats-Unis, ainsi que l’Onu ont demandé la semaine dernière à Israël de renoncer à ses plans de colonisation. Ces projets promus par Israël « envoient un message négatif et font douter de sa volonté de négocier », ont souligné les quatre Etats européens membres du Conseil (France, Grande-Bretagne, Allemagne et Portugal) dans une déclaration commune, s’inquiétant en particulier du projet E1, qui « risquerait de séparer Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie ».

L’envoyé spécial du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, Onu, Russie), Tony Blair, a dit « approuver totalement ces déclarations » : « Le problème n’est pas seulement la construction de telles colonies, mais le fait que c’est un moment vital pour relancer une véritable négociation ». Ainsi, la Russie et l’UE sont persuadées que « le temps est venu de prendre des mesures audacieuses et concrètes pour la paix entre Palestiniens et Israéliens », devant s’engager dans des négociations directes « sans conditions préalables », lit-on dans le communiqué reprenant une déclaration commune de la représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à l’issue d’un sommet UE-Russie vendredi dernier à Bruxelles. Selon le document, Mme Ashton et M. Lavrov ont appelé Palestiniens et Israéliens à reprendre des négociations « sans conditions préalables » pour parvenir à « une solution durable » du long conflit palestino-israélien qui règle tous leurs litiges sur la base des résolutions 242, 338, 1397, 1515 et 1850 du Conseil de sécurité de l’Onu, ainsi que des principes de Madrid, notamment du principe dit « la terre contre la paix », de la « Feuille de route », de l’Initiative de paix arabe et des ententes enregistrées auparavant entre les parties.

Un jeu à haut risque

Auparavant, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, avait demandé à l’Etat hébreu de « ne pas continuer dans cette voie dangereuse qui nuit aux perspectives de reprise du dialogue » entre Palestiniens et Israéliens. « Remettons le processus de paix sur les rails avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il dit. Mais il semble qu’il soit déjà trop tard. Ces nouvelles décisions israéliennes montrent tout simplement qu’Israël ne veut pas de la solution de deux Etats, soutenue par la communauté internationale. En effet, la récente démarche israélienne, considérée à la fois comme une manoeuvre électorale et comme une représaille à l’accession de la Palestine au statut d’Etat observateur non membre à l’Onu, témoigne en fait de l’impossibilité de reprendre toute négociation, du moins à l’heure qu’il est. Car les nouvelles constructions approuvées par le gouvernement israélien sont susceptibles à elles seules de faire capoter la possibilité d’une solution à deux Etats. Elle accentue ainsi le phénomène de la « peau de léopard » que forment des enclaves palestiniennes sans continuité territoriale. D’ailleurs, il existe chez le gouvernement israélien une politique délibérée d’intensification de la colonisation à Jérusalem, cette ville étant considérée par les Israéliens comme leur capitale « unifiée et indivisible ».

Certains experts vont plus loin en affirmant qu’Israël est conscient que cette politique donne du grain à moudre aux éléments radicaux du mouvement palestinien, à Gaza comme en Cisjordanie. Plus encore, c’est ce qu’il veut. L’éditorialiste israélien le plus réputé du Yediot Aharonot, Nahum Barnéa, écrit ainsi : « Netanyahu et Lieberman ont fait leurs choix : entre le processus de paix et la perpétuation du statu quo, ils ont choisi le second ; entre le choix de la solution à deux Etats et un bantoustan (palestinien), ils choisissent le bantoustan ; entre Abou Mazen et le Hamas, ils choisissent le Hamas ».

En effet, le Fatah de Mahmoud Abbas est discrédité auprès des Palestiniens à cause de son échec à parvenir à créer un véritable Etat. De son côté, le Hamas, parti islamiste rival, a le vent en poupe. Et, selon les analystes, en « laissant » le Hamas exploiter sa « victoire politique » lors de la récente offensive contre Gaza, Israël a choisi le camp le plus ultra, pour mieux affaiblir M. Abbas, et ainsi torpiller la solution de deux Etats. C’est un calcul qui n’a rien d’original : la division du mouvement palestinien est une constante de la politique israélienne. Mais c’est aussi un calcul à hauts risques pour les deux parties : si la division ne profite pas aux Palestiniens, une reprise de la lutte armée ou une éventuelle 3e Intifada ne profiteront pas non plus à Israël.

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