
Après cinq semaines de combats, les belligérants sont convaicus que la solution militaire, à elle seule, ne suffit pas.
(Photo : Reuters)
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Les combattants qui affrontent les miliciens chiites houthis autour de l’aéroport de Aden sont des Yéménites et non des membres des forces spéciales de la coalition formée par l’Arabie saoudite ». Cette déclaration lancée par Ali Al-Ahmadi, porte-parole de la Résistance populaire du Sud, mouvement favorable au président yéménite en exil Abd-Rabbo Mansour Hadi, vient démentir les rumeurs d’une intervention terrestre menée par l’Arabie saoudite sur les territoires yéménites. Des rumeurs qui se sont propagées ces derniers jours et qui prouvent la difficulté de la situation sur le terrain. Pourtant, la presse yéménite et certains dirigeants avaient auparavant affirmé qu’une quarantaine de soldats des forces spéciales de la coalition étaient arrivés dans le grand port du sud du Yémen pour se joindre aux combats contre les miliciens chiites.
La coalition a elle aussi formellement nié le lancement d’une offensive terrestre. Le général saoudien Ahmed Asseri a affirmé qu’il n’y avait pas de combattants étrangers engagés contre les Houthis dans la ville, mais que la coalition continuait d’appuyer la résistance locale. La question est donc de savoir de quel genre d’appui il s’agit. « La coalition arabe, notamment l’Arabie saoudite, peut éventuellement envoyer quelques membres de la force de la Garde nationale ou des services de renseignement pour découvrir des positions vitales des chiites. Sans plus », explique Dr Eman Ragab, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. En effet, passer à une offensive terrestre n’est pas une mince affaire. « L’armée saoudienne ne peut pas s’y aventurer pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle n’est ni habituée ni formée aux combats terrestres, elle ne possède ni l’expérience ni la capacité d’affronter des combattants habitués à ce genre de guerre. Les effectifs de l’armée saoudienne sont aussi modestes et elle souffre d’un manque d’entraînement. Le Pakistan a préféré être neutre dans ces combats et refusé d’envoyer ses troupes. L’Egypte refuse aussi d’intervenir. Elle a annoncé la poursuite de la présence de ses troupes maritimes dans le golfe d'Aden pour garder ses intérêts seulement », explique Dr Eman Ragab.
Sommet à Riyad
Or, près de six semaines après le début de l’offensive lancée par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, il est devenu clair que la solution militaire à elle seule ne suffit pas. Lors de leur sommet à Riyad, les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) doivent se mettre d’accord sur les termes du lancement du dialogue national. « Aujourd’hui, il est devenu urgent de passer à l’étape suivante, c’est-à-dire réunir les Yéménites autour d’une table de négociation », estime Dr Moatez Salama, analyste au CEPS. « Le principe de la tenue des négociations à Riyad est pour le moment accepté, mais à condition que soient présentes les différentes parties en conflit : les Houthis, les sudistes, les Frères musulmans, le parti de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, avec bien sûr le régime actuel », explique Dr Moatez Salama.
Il s’agit là d’une avancée en soi. Auparavant, l’Arabie saoudite avait refusé la présence des Houthis dans les négociations de paix. Mais les combats n’ont pas suffi pour anéantir la menace des Houthis, et le réseau extrémiste Al-Qaëda a profité du chaos pour s’emparer notamment de Moukalla, capitale de la province du Hadramout dans le sud-est du Yémen, et des importants gisements pétroliers et de gaz naturel.
Cependant, l’Iran, qui soutient les Houthis, tente de faire en sorte que les négociations ne se tiennent pas en Arabie saoudite et qu’elles soient parrainées par la communauté internationale. Et ce, pour garantir une certaine neutralité.
L'Onu met en garde contre un effondrement des infrastructures
Depuis le 26 mars, date du lancement de l’offensive contre les Houthis, les combats ont fait 1 200 de morts et 5 000 blessés, selon un comptage des hôpitaux yéménites. L’Onu estime également à 300 000 le nombre de personnes déplacées par le conflit et la situation humanitaire est régulièrement qualifiée de catastrophique. A cet égard, le coordinateur humanitaire de l’Onu pour le Yémen a mis en garde contre un épuisement rapide des stocks de fuel et de nourriture dans le pays, faisant craindre un effondrement des infrastructures de base d’ici quelques jours. « Les services encore en fonction dans le pays en termes de santé, d’eau et de nourriture sont en train de disparaître parce que le pétrole ne rentre plus », a prévenu Johannes van der Klaauw dans un entretien à l’AFP à Djibouti. Si rien n’est fait, le fonctionnaire onusien prédit une situation humanitaire bien pire que celle que le Yémen connaît actuellement. « Sans pétrole, les hôpitaux ne peuvent pas fonctionner, les ambulances ne peuvent pas sortir et l’eau ne peut plus être pompée dans le système de distribution. Le réseau de télécommunication risque de s’arrêter. Tout cela est extrêmement préoccupant. Si rien n’est fait dans les prochains jours pour livrer du pétrole et de la nourriture, le Yémen s’arrêtera complètement », a ajouté Van der Klaauw. Les livraisons de fuel et d’aide humanitaire sont rendues très difficiles par les risques liés aux combats et par l’embargo sur les armes en direction du Yémen qui exige un contrôle strict de tous les cargos.
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