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La colère d’Ankara

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 21 avril 2015

A l'approche du centenaire des massacres de 1915 com­mis par l'Empire ottoman contre les Arméniens, la ten­sion monte d'un cran entre l'Europe et Ankara qui n'a jamais reconnu ce génocide.

Comme s’il manquait à la Turquie de nouvelles crises. Déjà plongé dans la violence à l’approche des législatives, Ankara a vu cette semaine ses relations fort perturbées avec le club européen auquel il espère adhérer depuis plus d’une décennie. A l’origine de cette tension : le génocide arménien. Attisant la colère d’Ankara, le Parlement européen a touché à un « tabou » turc, en reconnaissant le génocide arménien commis par l’Empire ottoman en 1915, demandant à Ankara de reconnaître ces massacres à l’approche de la centième commémoration du massacre qui se tiendra en Arménie le vendredi 24 avril. Ne reconnaissant jamais ces mas­sacres, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a considéré la décision euro­péenne comme « nulle et non avenue », alors que son premier ministre, Ahmet Davutoglu, a fustigé : « Ce vote européen symbolise la montée du racisme en Europe. Si le Parlement européen veut contribuer à la paix, il ne devrait pas prendre de décisions qui incitent à la haine ». Relevant de plus en plus le défi à l’Europe et surtout à l’Arménie, Ankara a décidé de célébrer vendredi en grande pompe le 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli — avec un jour d’avance — s’attirant de vives critiques, certains l’accusant de vouloir faire de l’ombre au centenaire du « génocide » arménien. Exacerbé, le président armé­nien a clairement accusé Erdogan de vouloir se livrer à une « manipulation de l’histoire » et « détourner l’attention du monde des activités marquant le cente­naire du génocide ».

Il semble qu’Ankara soit décidé à ne jamais normaliser ses relations avec Erevan puisque l’an dernier, il a fait le même geste, suscitant la fureur d’Erevan.

Et comme l’an dernier, la controverse se transforme en cauchemar diplomatique pour les grands du monde, sommés de choisir entre Gallipoli et Erevan.

Plus qu’une simple querelle de calen­drier, les deux événements précités revê­tent une même importance historique pour l’Arménie et la Turquie. Pour les Turcs, la bataille de Gallipoli est une victoire meur­trière, mais elle a également été un événe­ment précurseur de la fondation de la Turquie moderne, et le colonel Mustafa Kemal, qui proclamera en 1923 la République turque moderne née de la chute de l’Empire ottoman, s’est illustré à Gallipoli. Pour les Arméniens, le 24 avril 1915 marque le coup d’envoi des arresta­tions et des déportations massives qui ont coûté la vie à un million et demi des leurs dans le cadre d’une campagne d’élimina­tion systématique.

Selon les experts, la crise actuelle ne va pas se cantonner dans une simple tension entre la Turquie et l’Arménie, car la récente résolution du Parlement européen, bien qu’elle ne soit pas contraignante, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles tensions entre l’Union européenne et la Turquie, et entraver plus encore les négociations d’adhésion à l’UE ouvertes il y a dix ans et qui sont toujours dans l’impasse.

Cette résolution européenne intervient quelques jours après que le pape François eut évoqué ce génocide, provoquant la fureur d’Ankara qui a rappelé son ambassadeur au Vatican .

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