Il n’a pas fallu attendre longtemps pour déduire que l’accord de paix Minsk 2 — signé la semaine dernière afin d’instaurer une trêve dans l’est ukrainien séparatiste — n’était que de l’encre sur papier. Dans une claire violation du cessez-le-feu stipulé dans cet accord, les rebelles pro-russes ont infligé cette semaine un nouveau coup dur à Kiev, contraignant son armée à abandonner la ville stratégique de Debaltseve, après des combats qui ont coûté la vie à 179 soldats ukrainiens. Pour les rebelles, l’important est ailleurs : en s’emparant de Debaltseve, verrou stratégique pour le contrôle de l’est de l’Ukraine, ils ont parachevé leurs avancées militaires amorcées pendant l’été. La zone qu’ils contrôlent est maintenant homogène, reliant les territoires séparatistes des régions de Lougansk et de Donetsk. Selon les experts, la bataille de Debaltseve était inéluctable, les rebelles voulant annexer plus de territoires et de ressources pour instaurer un « mini-Etat viable dans l’est ».
Les rebelles vont-ils s’arrêter là ou continuer à avancer plus à l’ouest, ou vers le sud vers Marioupol, dernière grande ville de l’est du pays sous contrôle de Kiev ? Des experts s’attendent à ce que Marioupol soit le nouveau point chaud du conflit. Signe d’une situation inquiétante, l’armée ukrainienne a fait état dimanche de deux attaques de chars près de Marioupol, ville stratégique dont la prise par les rebelles leur permettrait de créer un pont terrestre avec la Crimée annexée en mars dernier par la Russie. Plus grave encore, un convoi militaire de l’armée russe — 50 camions chargés notamment de munitions — a pénétré en Ukraine, selon Kiev, et s’est dirigé vers Novoazovsk, base rebelle à une trentaine de kilomètres de Marioupol.
Deux timides avancées malgré ces évolutions : la première est l’échange samedi de dizaines de prisonniers rebelles et ukrainiens, comme le stipulait Minsk 2. Il s’agit de la première opération de cette ampleur depuis le début de la crise. La deuxième plus hypothétique : l’Ukraine et les rebelles ont signé dimanche des accords pour commencer le retrait d’armes lourdes de la ligne de front comme le stipulait l’accord, un retrait qui semble impossible pour le moment vu la poursuite des combats sur le terrain.
Diviser le gâteau ukrainien ?
Exacerbé par une Russie qui ne fait que souffler le chaud et le froid sans cesser son soutien aux séparatistes, l’Occident a multiplié ses mises en garde à Moscou, surtout les Etats-Unis qui évoquent la possibilité de livrer des armes à Kiev, de quoi compliquer de plus en plus la crise. Réalisant que l’initiative de paix avancée la semaine dernière par la France et l’Allemagne n’avait pas remporté ses fruits, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont affirmé dimanche qu’ils envisagent de « lourdes sanctions supplémentaires » à l’encontre de la Russie, dont le comportement en Ukraine est jugé « extrêmement lâche », a annoncé à Londres le secrétaire d’Etat américain John Kerry. « Nous n’allons pas rester sans rien faire et cautionner ce genre de comportement extrêmement lâche au détriment de la souveraineté et de l’intégrité d’une nation », a menacé le patron de la diplomatie américaine.
Selon les analystes, de nouvelles sanctions seraient maintenant contre-productives et ne feraient qu’avorter les efforts diplomatiques en cours, car Poutine ne va jamais renoncer à « son » Ukraine de peur de voir des bases de l’Otan plantées à ses frontières. Désormais, l’Occident doit réaliser que l’arme des sanctions serait sans effet.
Ayant mis sa main sur la grande partie de l’est ukrainien, Poutine pourrait maintenant arrêter les combats pour éviter de nouvelles sanctions et accepter le partage de l’Ukraine avec les Occidentaux. Quant à ces derniers, ils finiraient probablement par laisser l’est ukrainien à la Russie comme le prix à payer pour la paix, prévoient les experts.
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