Les forces ukraniennes refusent de retirer leurs armes lourdes de la ligne de front à cause des attaques des rebelles.
(Photo : Reuters)
S’agit-il d’un vrai accord de paix susceptible de ramener la paix à l’Ukraine après 10 mois de conflits sanglants ou d’un nouveau faux espoir qui n’avancerait rien de concret au bouc émissaire ukrainien déchiré entre les superpuissances de la planète? Entré en vigueur dimanche dernier, l’accord de paix Minsk 2, conclu à l’arraché après 16 heures de débats en début de semaine entre le président russe Vladimir Poutine, ses homologues ukrainien, Petro Porochenko, et français, François Hollande, ainsi que la chancelière allemande Angela Merkel, semble toujours «
menacé ». Selon les analystes, c’est la crainte en Europe et en Russie d’une très grave escalade militaire du conflit qui aurait poussé Poutine, Hollande et Merkel à conclure ce plan de paix basé sur le protocole du cessez-le-feu signé le 5 septembre dernier à Minsk.
A présent, le premier point de cet accord prévoit un cessez-le-feu entre les séparatistes et les autorités ukrainiennes dans l’est rebelle à partir de dimanche 15 février. Un point plus ou moins respecté jusqu’à présent, puisqu’un « calme précaire » y règne depuis l’instauration de la trêve. Lundi, leaders rebelles et autorités ukrainiennes ont assuré que le cessez-le-feu était « globalement respecté », malgré la poursuite des bombardements autour de la ville de Debaltseve où sont stationnés plusieurs milliers de soldats ukrainiens menacés d’encerclement. Cette ville reste le point le plus chaud de l’est ukrainien: des coups de canons et de mortiers ainsi que des tirs de mitrailleuses s’y font toujours entendre lundi. Bien plus, sur l’ensemble de la ligne de front, les positions ukrainiennes ont été visées à 60 reprises depuis l’entrée en vigueur de la trêve, et deux civils ont été tués. Des évolutions inquiétantes qui font craindre aux troupes ukrainiennes que « cette fragile trêve ne sera pas durable ».
Selon les responsables occidentaux, la trêve de dimanche n’est que le premier pas d’un plan de paix visant à mettre fin au conflit ukrainien qui a fait plus de 5500 morts depuis avril dernier. La prochaine étape de l’accord est le retrait des armes lourdes du front, l’élargissement de la zone tampon d’où les armes lourdes doivent être retirées et la révision de la Constitution ukrainienne d’ici la fin 2015 en vue de faire bénéficier les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk d’une « décentralisation ». Autre signe inquiétant: l’armée ukrainienne a refusé lundi de retirer ses armes lourdes de la ligne de front comme prévu, les rebelles poursuivant leurs attaques: « Comment peut-on retirer nos armes si les rebelles tentent de nous attaquer en permanence ? », s’indigne lundi le porte-parole militaire ukrainien, Vladislav Selezniov.
L’UE maintient la pression
Face à ces signes inquiétants, la plupart des experts ont manifesté leur scepticisme, voire leur méfiance quant à la viabilité du nouvel accord de paix, y voyant un « semblant de paix ». « Je ne veux pas donner de faux espoirs. Il y a encore un long et difficile chemin à parcourir avant d’arriver à la paix. Personne ne peut être certain que les conditions d’une paix fixées à Minsk seront remplies », a affirmé le président ukrainien. Même les parrains de l’accord, Angela Merkel et François Hollande, ont laissé entendre dimanche qu’il y aurait des difficultés à appliquer tous les points du nouvel accord et ont même menacé la Russie de lui imposer de nouvelles sanctions si la trêve échoue. La chose étant, l’Union européenne a décidé de maintenir la pression sur Moscou en publiant lundi une nouvelle liste noire de personnes et entités russes sanctionnées pour leur implication dans le conflit ukrainien, dont deux vice-ministres russes de la défense, ainsi que deux membres de la Douma russe.
Cet air de pessimisme a ses motifs. Tout d’abord, le nouvel accord ne prévoit pas de « mécanismes concrets pour régler les questions litigieuses », en particulier le contrôle de la frontière par laquelle l’Ukraine et les Occidentaux accusent la Russie de faire transiter armes, combattants et troupes. En fait, ce contrôle de la frontière est l’un des enjeux cruciaux des accords de Minsk, de quoi inquiéter le chef de la diplomatie ukrainienne Pavlo Klimkine, déplorant que l’accord ne comporte pas malheureusement de date fixée pour le retrait des forces étrangères du territoire ukrainien. Outre la question des frontières, l’affaire des otages et des prisonniers reste « entre parenthèses ». Malgré l’annonce dans Minsk 2 d’un échange des prisonniers et des otages, le sort de certains otages comme la pilote ukrainienne, Nadia Savtchenko, détenue en Russie, et dont Kiev réclame la libération, reste suspendu, le Kremlin soulignant que dans le cas de cette pilote, seule la justice russe pouvait statuer.
Selon les experts, Minsk 2 aurait ainsi toutes les chances d’échouer les jours à venir, et on doit s’attendre à une escalade des violences sur le terrain et au durcissement des sanctions internationales contre Moscou. Tant que les vrais protagonistes du drame — Moscou et Occident— poursuivent leurs bras de fer sur les zones d’influence, la crise ukrainienne pourrait connaître des trêves ou des répits, mais jamais une solution radicale.
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