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Nucléaire iranien : En attendant des résultats concrets

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 19 janvier 2015

Une vaste activité diplomatique a été lancée entre Téhéran et les Six, afin d'aboutir à un accord nucléaire final avant le 1er juillet 2015. Un nouveau round de pourparlers est attendu début février.

Nucléaire iranien : En attendant des résultats concrets
Après quatre jours de négociations intensives, Kerry et Zarif n'ont pas réalisé de progrès notable. (Photo:AP)

Le nouvel an portera-t-il une solution à la crise nucléaire iranienne? Pour l’heure, la réponse à cette question semble peu sûre. Alors que les uns s’attendent à un accord nucléaire final avant la date butoir du 1er juillet 2015, les autres prévoient un nouveau prolongement des négo­ciations entre Téhéran et les Six. Loin de ces pronostics, une réalité semble indéniable: les deux parties vont se déployer, les six mois à venir, pour signer un accord qui jouera dans leurs intérêts réciproques. Côté iranien, la signature de cet accord permettrait la levée des sanctions économiques qui ont fortement étranglé son économie et lui permettrait aussi de jouer le rôle dont il a tant rêvé, celui de superpuis­sance régionale. Côté américain, le président Barack Obama, sous la forte pression d’un Congrès à majorité républicaine, veut sauver un accord qui redorerait son image et effacerait ses échecs cuisants en Iraq et en Afghanistan, à deux ans de son départ de la Maison Blanche.

La chose étant, un intense marathon diplomatique s’est lancé cette semaine entre l’Iran et les Six, afin de paver la voie à un accord définitif. Dimanche, les responsables des deux camps avaient eu des discussions officielles à Genève, afin d’aplanir les deux prin­cipales pierres d’achoppement: le taux de l’enrichissement de l’uranium iranien et le calendrier de la levée des sanctions occidentales. Pourtant, leurs réunions, à huis clos, n’ont permis que des « progrès limités ». Seule avan­cée: une nouvelle réunion aura lieu début février. « Le dialogue des sourds et la crise de confiance persis­tent. Téhéran n’est pas prêt à enlever un seul clou de son programme nucléaire. Il est seulement prêt à le geler, de quoi inquiéter l’Occident. Qui peut garantir que Téhéran ne va pas reprendre ses activités nucléaires dans des sites souterrains après la levée des sanctions? Une question qui pousse Washington à s’attacher à la destruction totale des réacteurs nucléaires iraniens, surtout le réac­teur à eau lourde d’Arak. Ce que Téhéran ne va jamais accepter », ana­lyse Mohamad Abbas, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

A la veille de ces négociations offi­cielles, d’autres discussions aussi importantes au niveau des ministres des Affaires étrangères ont eu lieu pendant plusieurs jours entre Javad Zarif et les chefs de la diplomatie des Six, sans toujours aboutir à une percée majeure. Outre ses entretiens avec ses homologues allemand et français, M. Zarif s’est entretenu pendant quatre jours consécutifs avec son homologue américain John Kerry, mais leurs dis­cussions ont bloqué sur la volonté de l’Iran d’avoir une filière nucléaire civile complète, surtout un pro­gramme d’enrichissement d’uranium. Autre accroc: les 5+1 souhaitent que l’Iran gèle son programme nucléaire pendant 10 à 15 ans, pour démontrer sa nature pacifique, alors que Téhéran veut que cette période ne dépasse pas les dix ans. L’Iran veut aussi une levée totale des sanctions, mais Washington défend une suspension graduelle.

Le Congrès accentue sa pression
A l’issue de ces discussions, Zarif a affirmé que l’Occident devait cesser de faire pression sur son pays, afin de sortir de l’impasse. « Tant que les faucons des deux régimes, américain et iranien, mettent la pression sur leurs régimes, il serait difficile de trouver un compromis. Les durs des deux parties sont méfiants. Ils veulent mettre les bâtons dans les roues », explique M. Abbas.

Envenimant de plus en plus l’am­biance des négociations, le Congrès américain, où le lobby israélien est très fort, a accentué sa pression sur l’administration américaine, affir­mant qu’il envisage de renforcer le régime des sanctions contre l’Iran. Menaçant, le président de la commis­sion des Affaires étrangères du Sénat américain, Bob Corker, a prédit que le débat parlementaire sur le nucléaire iranien démarrerait d’ici février. Deux voies sont désormais envisa­gées au Congrès, afin d’influencer le contenu de tout accord final sur le nucléaire. L’une vise à adopter une loi obligeant Obama à soumettre tout accord nucléaire à un vote du Congrès, l’autre prend la forme d’une loi qui déclencherait graduellement de nouvelles sanctions automatique­ment à partir de juillet, au cas où aucun accord final ne serait signé avant la date butoir.

De peur que ces nouvelles sanc­tions ne fassent capoter les négocia­tions en cours, le président Obama a demandé au Congrès d’être « patient », menaçant qu’il oppose­rait son veto contre de nouvelles sanctions qui réduiraient ses efforts au néant. « Des négociations doivent avoir lieu vite entre Américains eux-mêmes. L’Administration américaine doit s’entretenir avec le Congrès, afin de le convaincre de donner la chance à Obama d’aboutir à un règlement pacifique à la crise ira­nienne avant la fin de son dernier mandat dans deux ans. Lors de ces pourparlers, le Congrès pourrait imposer au président une sorte d’ul­timatum, afin de se rassurer que l’Iran ne va pas poursuivre son jeu des atermoiements », prévoit l’expert Mohamad Abbas.

Montrant ses dents à son tour, le régime iranien a menacé qu’il étudie­rait un projet de relance à grande échelle de son programme nucléaire à n’importe quel niveau d’enrichisse­ment, si l’Occident lui imposait de nouvelles sanctions. L’Iran avait déjà gelé, depuis janvier 2014, une partie de ses activités nucléaires sensibles et a accepté de réduire l’enrichissement de 20% à 5%, en échange d’une levée partielle des sanctions. « Les Occidentaux doivent utiliser les occasions qui s’offrent à eux et ne devraient pas croire qu’ils peuvent nous avoir en marchandant », a menacé M. Larijani, président conservateur du Parlement. « Les Iraniens ne sont pas faciles: ils pos­sèdent l’art de négocier et ils sont à la fois ambigus et insaisissables. Imaginez qu’ils ont réussi à diviser les Américains eux-mêmes. Six super­puissances peinent à négocier avec eux pendant plus d’une décennie. Un accord avec eux serait difficile, mais pas impossible », conclut M. Abbas, pour qui un accord de dernière minute serait toujours possible.

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