Dans un geste d’ouverture visant à montrer sa volonté de régler la crise ukrainienne, le président russe, Vladimir Poutine, a participé, le week-end dernier, à un sommet sur l’Ukraine à Milan où il a rencontré les chefs d’Etat ou de gouvernement ukrainien, français, allemand, britannique et italien. Une rencontre en marge du dixième sommet de l’Asem, forum regroupant Européens et Asiatiques.
Concrètement parlant, la réunion n’a pas abouti à des progrès tangibles pour mettre fin à la crise ukrainienne qui a fait plus de 3 700 morts depuis avril dernier. Mais elle a simplement ouvert la porte de la diplomatie. Aussi, a-t-elle permis quelques avancées : Moscou a accepté de collaborer avec la France, l’Italie et l’Allemagne sur l’utilisation de drones pour surveiller le cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine, notamment à la frontière russo-ukrainienne. Les spécialistes des pays participants doivent se réunir prochainement à Vienne pour régler les questions techniques, sous l’égide de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Auparavant, le président russe avait ordonné le retrait des 17600 soldats russes déployés à la frontière avec l’Ukraine.
Si la Russie tente d’améliorer ses relations avec l’Europe, en optant pour un ton plus conciliant, ce n’est pas le cas avec les Etats-Unis. Le président russe a mis en garde contre toute tentative de chantage sur Moscou dans la crise ukrainienne, accusant son homologue américain d’attitude hostile envers la Russie. Le chef du Kremlin a également accusé les Etats-Unis d’avoir provoqué la crise en Ukraine pour en attribuer ensuite la responsabilité à la Russie. Selon les analystes, Poutine entend désormais enraciner l’influence russe au coeur de l’Europe: il pourrait livrer son gaz aux Européens cet hiver simplement pour gagner les Européens et isoler les Américains de toute négociation concernant l’avenir de l’Ukraine.
Parallèlement aux réunions entre Européens et Russes, une autre rencontre beaucoup plus cruciale a eu lieu entre le président russe et son homologue ukrainien pour discuter des moyens de ramener la paix dans l’Est ukrainien déchiré. Il s’agit du premier tête-à-tête entre les deux leaders depuis août. Principal résultat : Moscou et Kiev se sont mis d’accord sur un prix provisoire du gaz russe livré à Kiev, ce qui permettrait de mettre fin rapidement à leur contentieux gazier. Le président ukrainien, Petro Porochenko, a aussi annoncé un accord avec Moscou en vue de rétablir le contrôle total de la fontière, une condition-clé, selon Kiev, pour pacifier l’est.
Elections test pour Kiev
Or, selon les experts, Poutine souffle le chaud et le froid simplement pour éviter de nouvelles sanctions. Et, malgré tous ces signes positifs, ces rencontres n’ont pas permis d’aboutir à une percée à la crise puisque la situation sur le sol ukrainien est loin d’être réglée. Les combats continuent de faire rage dans l’Est ukrainien entre forces ukrainiennes et séparatistes pro-russes autour de l’aéroport de Donetsk, principal fief des séparatistes. Aussi, est-il difficile d’imaginer que Moscou laisse Kiev sortir de son giron.
Autre donne importante, l’Ukraine s’apprête à élire un nouveau Parlement le 26 octobre prochain. Des élections qui devraient donner aux forces pro-occidentales une majorité sans précédent, dont le président Petro Porocheko espère profiter pour consolider son pouvoir et ramener la paix dans l’Est séparatiste. En effet, selon certains analystes, à l’instar du politologue Vadim Karassev, de l’Institut des stratégies internationales à Kiev, cité par l’AFP, « après les législatives, les chances de rétablir une paix solide dans l’est de l’Ukraine vont se renforcer » car le président ukrainien « disposera d’un soutien plus fort au Parlement et sera moins limité pour se mettre d’accord avec les dirigeants russes ». Or, même avec un Parlement pro-occidental, les pro-Russes ne sont pas une entité négligeable en Ukraine. Et leur réaction à la suite des élections, au cas où elles donneraient une majorité aux forces pro-occidentales, reste inconnue, voire risquée. Tout comme celle de Moscou.
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