
L'avenir des milliers de réfugiés ukrainiens reste sombre. (Photo: Reuters)
Le bras de fer entre les superpuissances de la planète s’est poursuivi de plus belle cette semaine, en dépit de la signature d’une trêve entre Kiev et Moscou lors du sommet de l’Otan la semaine dernière. Suscitant la colère de l’Occident, les autorités ukrainiennes et l’Otan ont affirmé cette semaine la présence toujours de 1 000 soldats russes en Ukraine alors que 20 000 autres sont massés le long de la frontière entre les deux pays. Pire encore : l’armée ukrainienne a affirmé avoir repoussé un assaut rebelle contre l’aéroport de Donetsk, bastion des séparatistes de l’est de l’Ukraine, sur fond de violents combats.
Exacerbés par cet entêtement russe, les Occidentaux ont renforcé leurs sanctions contre Moscou cette semaine, de quoi prouver que le bras de fer entre les grands va se durcir les jours à venir. Selon les experts, ce duel au sommet, où nulle partie ne cède le pas, pourrait embraser la planète et déclencher une troisième guerre mondiale dans le pire des scénarios.
Pour les Occidentaux, l’arme des sanctions semble, pour le moment, l’unique carte de pression sur la Russie. Une arme qui reste pourtant « infructueuse », car Moscou n’est pas disposée à renoncer à son ex-République soviétique, coûte que coûte, pour ne pas voir à ses frontières une Kiev européenne où seraient plantées des bases de l’Otan. Selon les analystes, Moscou semble avoir des visées guerrières sur l’Ukraine et pourrait aller jusqu’à annexer la moitié de l’Ukraine. « Vladimir Poutine ne va jamais accepter que l’Ukraine fasse partie de la famille européenne. Il veut restaurer l’Union soviétique », a dénoncé le premier ministre ukrainien, affirmant que le premier pas serait la création d’un couloir reliant la frontière russe à la Crimée annexée par la Russie en mars dernier.
Décidés à barrer la route aux ambitions russes, les Européens ont imposé cette semaine de graves sanctions à la Russie pour limiter le financement de son économie. Ces sanctions prévoient des mesures ciblées contre des personnalités russes et ukrainiennes visées par un gel des avoirs et une interdiction de voyager dans l’UE. Depuis cette semaine, la liste noire de l’UE comprend plus de 110 personnes, dont les chefs des groupes séparatistes de l’est de l’Ukraine, ainsi que les chefs des services de renseignements russes. Les sanctions européennes bloquent aussi le financement de la dette de 3 compagnies pétrolières, outre 9 entreprises produisant des biens dits à double usage civil et militaire.
Emboîtant le pas à l’UE, Washington a ajouté vendredi à sa liste noire plusieurs entreprises russes, dont la principale banque du pays, Sberbank, qui abrite un quart des actifs financiers russes et qui sera privée de financements américains à long terme. Ce nouveau train de mesures s’attaque également au secteur énergétique russe en tentant de freiner l’exploitation de ses réserves de pétrole en Arctique. Washington interdit désormais la vente à 5 sociétés russes, dont Gazprom, Lukoil et Rosneft, de biens, services et technologies dans cette région stratégique. Conséquence : la monnaie russe est tombée cette semaine à un nouveau record de faiblesse face au dollar. Ce qui n’augure rien de bon pour l’économie russe.
Accentuant la pression sur Moscou, le président ukrainien, Petro Porochenko, pro-européen, a espéré samedi obtenir pour son pays « un statut spécial » auprès de l’Otan, lors de sa visite aux Etats-Unis la semaine prochaine. Décidé à éloigner son pays du giron russe, M. Porochenko a annoncé que le Parlement ukrainien ratifierait cette semaine l’accord d’association avec l’UE, un accord historique scellé en juin à Bruxelles, qui rapproche Kiev du club européen, au grand dam de la Russie.
L’arme du gaz
Malgré toutes ces pressions, la Russie ne semble pas céder le pas. A son tour, elle a riposté, en décrétant un embargo sur la plupart des produits alimentaires des pays qui la sanctionnent à l’attente de nouvelles mesures de rétorsion contre les pays occidentaux prévoyant notamment des restrictions aux importations de certaines voitures ou de produits de l’industrie légère.
Sur un autre front beaucoup plus important, celui du gaz, la Russie a lancé un avertissement aux Européens en brandissant la menace de la coupure du gaz russe à l’approche de « la saison du chauffage ». Passant à la guerre des mots, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’en est violemment pris samedi aux Etats-Unis qui cherchent, selon lui, à « affaiblir et isoler la Russie » et à couper ses liens économiques avec l’Europe, notamment pour imposer à l’UE ses livraisons de gaz dont les prix sont nettement supérieurs à ceux du gaz russe.
Réalisant que la manière forte ne remporterait aucun fruit avec Moscou qui a des visées guerrières sur l’Ukraine, les Occidentaux ont tenté samedi de jouer au bâton et à la carotte, en faisant « une concession » à la Russie. Alors que l’accord d’association entre Kiev et l’UE devrait entrer en vigueur début novembre, la Commission européenne a repoussé cette date jusqu’à la fin 2015. Selon les experts, il s’agit d’une tentative européenne de contenir une crise qui risque de dégénérer en guerre sans foi ni loi. Soufflant le chaud et le froid, l’UE a aussi envisagé de « suspendre » voire d’ « abroger » ses sanctions en fonction d’une évaluation, d’ici fin septembre, des progrès sur le terrain en Ukraine. Selon les analystes, cette bonne volonté européenne n’est qu’une tentative de contenir un bras de fer qui empire face à un rival russe prêt à tout sacrifier pour ne pas perdre « son Ukraine ». La question qui s’impose actuellement est la suivante : jusqu’où Vladimir Poutine est-il prêt à aller en Ukraine ?
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