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Situation périlleuse en Ukraine

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 28 avril 2014

La Russie menace d'intervenir militairement dans l'Est ukrainien, où Kiev mène une vaste opération militaire pour reprendre les régions séparatistes.

Ukraine
Photo: Reuters

Lettre morte depuis sa signature mi-avril, l’accord international visant une désescalade à la crise ukrainienne n’a réussi à mettre fin à la confrontation entre Moscou et les Occidentaux, ni aux affrontements sur terrain entre Kiev et les séparatistes pro-russes sur terrain. Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Pour la première fois depuis le début de la crise fin février, Moscou a menacé cette semaine d’une intervention militaire dans l’Est ukrainien. Passant à l’acte, Moscou a lancé des manoeuvres militaires impliquant son aviation le long de la frontière ukrainienne afin de riposter à l’assaut lancé par Kiev contre les séparatistes à Slaviansk (est). Exacerbée, Kiev a affirmé que des avions russes sont entrés dans son espace aérien « à plusieurs reprises ». « L’aviation militaire russe a violé l’espace aérien ukrainien dans le seul but de pousser l’Ukraine à déclencher une troisième guerre mondiale », a affirmé le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, qui a dû écourter sa visite à Rome à cause de ce spectre de guerre qui menace son pays.

Selon les experts, ce défi russe prouve que le président russe Vladimir Poutine ne veut pas voir à ses frontières une Ukraine européenne où pourraient être implantées des bases de l’Otan qui menaceraient fort les intérêts russes. « Si l’armée ukrainienne n’arrête pas vite son opération militaire à l’est, Moscou va intervenir. L’opération de Kiev aura de lourdes conséquences », a menacé, pour sa part, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui a accusé les Occidentaux de faire de l’Ukraine « un pion » pour servir leurs ambitions géopolitiques et non les intérêts du peuple ukrainien.

Sentant leur pays s’effriter, les autorités ukrainiennes pro-occidentales ont accusé la Russie de préparer une invasion ou au moins vouloir déstabiliser la situation avant la présidentielle du 25 mai. Désormais, la tenue de ce scrutin semble très périlleuse, alors que Kiev cherche à l’organiser, à tout prix, pour remplacer le président déchu Viktor Ianoukovitch et obtenir une légitimité.

Loin de ces calculs politiques, la situation sur le terrain ukrainien est plus qu’alarmante. Toutes les villes de l’est sont proie à de hautes tensions. A commencer par Slaviansk où 13 observateurs de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) étaient retenus par des séparatistes, au grand dam de l’Occident qui a demandé leur libération immédiate. Dimanche, l’OSCE a annoncé l’envoi d’une équipe de négociateurs à Slaviansk pour chercher à obtenir la libération de ses observateurs, mais sa demande a été rejetée par les séparatistes qui les ont qualifiés de « prisonniers de guerre ».

Ne pouvant plus rester les bras croisés, les autorités ukrainiennes ont lancé un assaut meurtrier contre les séparatistes de Slaviansk, et ont décidé d’y mettre en place un blocus afin d’empêcher les insurgés de recevoir des renforts. Bilan : 5 morts dans les rangs des insurgés. Malgré ces assauts, les séparatistes ont affirmé qu’ils ne rendraient pas leurs villes, appelant le président russe à envoyer ses troupes pour les soutenir. Même entêtement affiché par les séparatistes de Donetsk où un référendum portant sur la déclaration d’indépendance de la région aura bien lieu le 11 mai, selon le chef de la « république populaire » auto-proclamée de la région, Denis Pouchiline. Marquant un nouveau point, les insurgés de Donetsk ont occupé dimanche la télévision régionale de leur ville sans que la police intervienne pour les en empêcher. Selon les analystes, tout ce déluge d’évolutions inquiétantes renforce les craintes d’une intervention russe dans l’est et à terme d’une prise de contrôle de ces régions à l’image de la Crimée en mars dernier.

Nouvelles sanctions

Craignant une invasion russe qui plongerait la planète dans l’abîme d’une guerre sans merci, l’Occident a décidé cette semaine de sanctionner davantage Moscou. Jugeant les manoeuvres russes aux frontières de l’Ukraine « menaçantes », Washington a déployé 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes, appelant Moscou à la retenue. « La Russie n’a pas pris la moindre initiative pour mettre en oeuvre l’accord conclu de Genève », a martelé le président Obama, mettant en garde Moscou contre « une erreur coûteuse ».

Ne possédant comme carte de pression que l’arme des sanctions, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont réunis lundi pour adopter une liste supplémentaire de sanctions de « phase 2 », comme le gel d’actifs et des interdictions de voyage. Une liste ajoutant 15 personnes aux 55 Russes et Ukrainiens qui figurent déjà sur la liste noire de l’UE a été approuvée à la veille de l’accord de Genève mi- avril, mais les 28 ont préféré ne pas appliquer ces sanctions afin de ne pas mettre en péril les discussions de paix. Pourtant, l’accroissement des tensions en Ukraine ces derniers jours ont poussé le G7 à décider cette semaine de nouvelles sanctions qui frappent lourdement l’économie, le commerce et le secteur financier russes, malgré l’opposition de Pékin, unique allié de Moscou. Parallèlement, Washington a imposé lundi de nouvelles sanctions qui visent le cercle rapproché de Poutine et de nouvelles restrictions concernant les exportations dans les secteurs de la défense et des technologies de pointe. « Ces nouvelles sanctions sont destinées à faire cesser les provocations de Moscou », a expliqué le président Obama qui a affirmé que la prochaine étape pourrait être « sectorielle » par exemple dans la Banque et la Défense.

Là, une question importante s’impose : quel prix aura à payer Moscou en contrepartie de son attachement à l’Ukraine ? Va-t-il endurer plus de sanctions occidentales douloureuses pour son économie ? Déjà, la Bourse de Moscou a chuté de plus de 2 % et les prix du pétrole sont en hausse. Selon les analystes, Moscou va payer très cher son bras de fer avec l’Occident, mais il semble que l’existence d’une Ukraine pro-européenne à ses frontières est, pour lui, une question de vie ou de mort.

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