Cela fait plus d’un mois que les relations se détériorent entre les Serbes et les Kosovars. Si la question n’est pas très médiatisée et qu’elle est occultée par la guerre en Ukraine, la tension est palpable et fait craindre une explosion entre le Kosovo et la Serbie, qui s’étaient déjà livrés une guerre meurtrière il y a plus de 20 ans.
Vendredi 6 janvier, deux Serbes ont été blessés par balles par un membre des forces spéciales qui a été arrêté, ont annoncé les autorités, après plusieurs semaines de tensions communautaires dans le pays. L’incident a eu lieu près de la petite ville de Strpce (sud), peuplée majoritairement par la minorité serbe. La police kosovare a indiqué, dans un communiqué, avoir arrêté un homme de 33 ans dans le sud du Kosovo, cette ancienne province serbe dont l’indépendance proclamée en 2008 n’a jamais été reconnue par Belgrade. Les autorités kosovares ont dénoncé cette attaque qui survient une semaine après le démantèlement des barricades érigées en décembre par des Serbes dans le nord du Kosovo, pour protester contre l’arrestation d’un ancien policier serbe.
En effet, si les tensions entre Belgrade et Pristina sont récurrentes, la situation s’était aggravée en décembre, lorsque des centaines de Serbes avaient érigé et maintenu pendant deux semaines les barrages sur les routes menant vers deux postes-frontières avec la Serbie. L’armée serbe avait été placée en état d’alerte. Depuis, la Force internationale de maintien de la paix dirigée par l’Otan au Kosovo (KFOR) a effectué plusieurs opérations pour enlever les barrages, alors que les appels à la désescalade se sont intensifiés. L’Union européenne, les Etats-Unis et la KFOR ont exprimé leur volonté de soutenir le dialogue entre les deux voisins des Balkans.
Tout a commencé après l’annonce de l’interdiction des plaques d’immatriculation serbes par le gouvernement kosovar. Une étincelle. Alors que des élections devaient avoir lieu le 18 décembre dans des municipalités à majorité serbe après que les représentants avaient démissionné en masse en raison du projet de Pristina d’interdire les plaques d’immatriculation héritées de l’époque yougoslave, le scrutin a ensuite été reporté à avril 2023 dans le but d’apaiser la situation. Mais la tension est toujours là. Fin décembre, le premier ministre serbe, Aleksandar Vučić, a déclaré qu’il demanderait officiellement l’envoi de militaires et de policiers serbes afin de « préserver la paix », conformément à la résolution 1 244 du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Et la KFOR a déclaré qu’elle continuait d’examiner la demande de la Serbie, alors que la première ministre serbe, Ana Brnabic, a déclaré que la région était au seuil d’une guerre. L’escalade des tensions s’est poursuivie à tel point que le Kosovo a décidé, fin décembre, de fermer son plus grand poste-frontière avec la Serbie, alors que de l’autre côté, des manifestants serbes bloquaient la frontière en soutien à la minorité serbe du nord.
Ex-province serbe, le Kosovo a déclaré son indépendance en 2008, une décennie après une guerre meurtrière entre forces serbes et rebelles albanais. Depuis 2011, des négociations pour normaliser les liens entre les deux parties, avec l’Union européenne comme médiatrice, vont d’échec en échec.
Quelques dizaines de milliers de Serbes vivant dans le nord du Kosovo refusent toujours de reconnaître le gouvernement de Pristina ou le statut du Kosovo en tant que pays. Ils sont soutenus par de nombreux Serbes en Serbie, ainsi que par le gouvernement serbe lui-même. Belgrade encourage la minorité serbe — environ 120 000 personnes sur 1,8 million d’habitants du Kosovo — à refuser toute loyauté à Pristina au moment où les autorités kosovares veulent asseoir leur souveraineté sur l’ensemble du territoire.
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