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Mona Soliman : En annonçant l’enrichissement de l’uranium, Téhéran fait pression sur les Occidentaux pour reprendre les discussions

Maha Salem , Mercredi, 30 novembre 2022

3 questions au Dr Mona Soliman, politologue, sur les tensions que traverse l’Iran.

Mona Soliman

Al-Ahram Hebdo : Où en est la contestation, 10 semaines après la mort de Mahsa Amini ? Et à quoi peut-elle aboutir ?

Dr Mona Soliman: Pendant ces 10 semaines, les manifestations ont fait au moins 416 morts, dont 51 enfants, plus de 15000 personnes ont été arrêtées, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), dont le siège est en Norvège. Cette vague de contestation est sans précédent depuis la Révolution islamique de 1979. Il est vrai qu’elle est née de revendications sur les droits des femmes après la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour avoir mal porté le voile, mais elle s’est transformée en contestation du pouvoir, avec une longue liste de revendications. Car les Iraniens souffrent d’une crise économique à cause des sanctions imposées sur leur pays. De son côté, Téhéran accuse des forces étrangères d’être derrière ce mouvement pour déstabiliser la République islamique. Mais, cette vague va continuer et Téhéran ne pourra pas la stopper. Les autorités iraniennes attendent l’hiver en tablant sur le fait que les conditions climatiques conduisent à baisser l’intensité des manifestations.

— L’Occident fait-il pression indirectement sur Téhéran à travers le malaise que traverse le pays actuellement ?

— Les pays occidentaux subissent la pression de l’opinion publique et des lobbies iraniens de l’étranger. Mais tout compte fait, ils ne vont rien faire car ils ne peuvent pas intervenir dans les affaires internes d’un pays. Le Conseil des droits de l’homme de l’Onu a décidé, malgré l’opposition de Téhéran et de Pékin, d’ouvrir une enquête internationale sur la répression des manifestations en Iran après la mort de Mahsa Amini, pour rassembler des preuves de violations et éventuellement poursuivre les responsables. Les 47 Etats membres de l’instance onusienne la plus élevée en matière de droits humains ont décidé de nommer une équipe d’enquêteurs de haut niveau pour faire la lumière sur toutes les violations de ces droits liées à la répression des manifestations. Mais cette mission d’enquête internationale indépendante n’a pas de chance de pouvoir se rendre en Iran en raison de l’opposition de Téhéran.

— La semaine dernière l’Iran a annoncé l’enrichissement de l’uranium à 60% à l’usine de Fordo. Est-ce l’arrêt de mort des négociations sur le nucléaire ?

— Evidemment, ces déclarations inquiètent la communauté internationale. Mais il faut savoir que l’Iran exerce une pression sur l’Occident à travers ces annonces afin de pousser les Européens à bouger pour la reprise des négociations sur le nucléaire et accélérer un accord. Les négociations étaient en suspens, notamment à cause des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Parmi ses objectifs essentiels pour le reste de son mandat, le président américain, Joe Biden, veut régler ce dossier. L’Administration veut arriver à un accord avec les Iraniens tout en freinant leur activité nucléaire.

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