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Contre un accord avec l’Iran, Israël joue son va-tout

Abir Taleb , (avec Agences) , Mercredi, 31 août 2022

Alors que l’on semble s’approcher d’un compromis sur le nucléaire iranien, Israël pèse de tout son poids pour saboter l’éventuel accord entre Téhéran et les Occidentaux.

Contre un accord avec l’Iran, Israël joue son va-tout
A Washington, Benny Gantz a tenté de dissuader ses interlocuteurs américains de signer un accord avec l’Iran. (Photo ; AFP)

Va-et-vient diplomatique intense. Les Européens sont au coeur de l’action. L’Union Européenne (UE) a reçu la réponse américaine à son plan destiné à raviver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, duquel l’ancien président américain, Donald Trump, s’était retiré avec fracas. Puis elle l’a relayée à Téhéran. C’est ce qu’ont confirmé, mercredi 24 août, le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, ainsi que le ministère iranien des Affaires étrangères. « L’Iran a commencé à examiner attentivement l’avis des Etats-Unis et la République islamique d’Iran va transmettre son opinion au coordinateur (de l’UE) après cet examen », a indiqué le porte-parole de la diplomatie iranienne, Nasser Kanani, en référence à Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, qui pilote le dossier. Ce dernier avait soumis aux deux parties, le 8 août, une « version finale » d’un accord prévoyant la levée de sanctions économiques contre l›Iran, dont la vente de pétrole en échange de restrictions drastiques sur son programme nucléaire, lançant d’intenses consultations de part et d’autre. Pour autant, rien n’est définitivement joué. Washington a certes reconnu que l’Iran ne bloque plus certaines inspections de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), alors qu’il exigeait auparavant que l’agence cesse son enquête sur des sites non déclarés où des traces d’uranium enrichi avaient été retrouvées.

Les Américains ont aussi reconnu que Téhéran a fait des concessions sur des points-clés, notamment l’abandon de sa demande de lever la désignation des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, en tant qu’organisation terroriste. Un haut responsable américain a indiqué la semaine dernière, sous couvert de l’anonymat, qu’il restait encore « des disparités » à surmonter avant de parvenir à un accord.

« Il nous reste des jours. Quelques jours. Parce qu’après l’été, nous allons entrer dans une dynamique politique différente », a prévenu Josep Borrell, mercredi dernier, puisque, selon le représentant européen, la reprise des négociations après la période estivale pourrait devenir une tâche « très difficile ». Le texte final, selon Borrell, comprend le consensus d’« une partie très importante », mais les « franges » qui sont encore en suspens — a-t-il reconnu — « pourraient faire échouer l’accord final ». Ce pacte « ne réglera pas tout, mais le monde sera beaucoup plus sûr et les citoyens iraniens bénéficieront de meilleures conditions économiques », a déclaré le haut représentant, qui a souligné que le retour de l›Iran sur le marché international du pétrole serait bénéfique pour toutes les parties, car il constitue une offre alternative au brut russe.

Forcing diplomatique

Et pendant que toutes les parties s’évertuent à faire renaître le plan d’action global conjoint (JCPOA) de ses cendres, Israël multiplie les démarches pour torpiller l’accord. Et l’Etat hébreu n’attend pas la conclusion de l’accord pour réagir. Les puissances occidentales doivent « cesser » de négocier avec l’Iran au risque de « déstabiliser » le Moyen-Orient, a plaidé la semaine dernière le premier ministre israélien, Yaïr Lapid.

Aussitôt les informations sur la réponse américaine aux « ajustements » iraniens sur le plan européen rendues publiques, Lapid a dépêché, jeudi 25 août, son ministre de la Défense, Benny Gantz, à Washington. Il y a rejoint le conseiller de Lapid à la sécurité nationale, Eyal Hulata, qui s’était rendu quelques jours auparavant à la capitale américaine. Des émissaires qui font le maximum de convaincre les Américains de ne pas sauter le pas avec Téhéran. A Washington, Gantz s’est entretenu avec son homologue américain, Lloyd Austin, le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et le chef du Commandement central américain, le général Michael Kurilla. « Un accord nucléaire n’est pas un traité de paix. Une menace militaire a beaucoup de poids et peut aider à dissuader dans une réalité où il y a un accord », a dit Gantz, soulignant que l’accord avec l’Iran, qui en est aux derniers stades de négociation, n’a aucune incidence sur les « activités perturbatrices » de l’Iran dans la région, en référence au soutien de Téhéran aux forces de la résistance telles que le Hezbollah au Liban, ainsi que le Hamas et le Djihad islamique dans la bande de Gaza.

Pour leur part, les responsables américains ont souligné qu’un retour au pacte nucléaire était le moyen « le plus efficace » d›assurer la sécurité régionale au Moyen-Orient. Pas suffisant pour apaiser les craintes israéliennes. « Ce qu’il y a sur la table actuellement est un mauvais accord. Cela donnera 100 milliards de dollars par année à l’Iran. Cet argent (...) sera utilisé pour déstabiliser le Moyen-Orient (...) en renforçant le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique », a déclaré M. Lapid sans expliquer sur quoi était basé ce chiffre. Pour Lapid, le nouveau texte proposé n’est qu’une preuve supplémentaire que les puissances du G5+1 (Allemagne, Chine, France, Royaume- Uni et Russie, et — indirectement après leur sortie unilatérale du pacte en 2018 — les Etats-Unis) ont cédé aux exigences iraniennes.

Outre les Américains, Israël tente aussi de dissuader les Européens. Ces derniers jours, Yaïr Lapid a exhorté le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, à ne pas signer d’accord avec Téhéran. Mais la presse israélienne s’interrogeait si le gouvernement pensait véritablement pouvoir convaincre les Occidentaux de quitter la table des négociations, ou s’il ne commençait pas plutôt à se faire à l’idée d’un retour du JCPOA.

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