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Ukraine : A quand la désescalade ?

Mardi, 08 février 2022

Entre la mobilisation militaire des deux parties autour de l’Ukraine, les exigences sécuritaires de part et d’autre et les pressions diplomatiques, l’issue de la crise entre Russes et Occidentaux reste ouverte à tous les scénarios. Décryptage.

Ukraine

Les provocations se poursuivent, la diplomatie s’active. Les deux processus vont de pair alors qu’aucune véritable désescalade ne se dessine sur la crise autour de l’Ukraine. Cette semaine, le renseignement américain a alerté des membres du Congrès et leurs alliés européens: la Russie accentue les préparatifs d’une invasion à grande échelle de l’Ukraine et elle dispose déjà de 70 % du dispositif militaire d’une telle opération. Dans le même temps, un premier contingent de soldats américains est arrivé samedi 5 février en Pologne, où le président américain, Joe Biden, a décidé d’envoyer des renforts pour défendre les pays de l’Otan « contre toute agression ». Et d’autres renforts doivent être déployés dans les jours à venir également en Roumanie.

Tout cela se passe en plein ballet diplomatique. Le président français, Emmanuel Macron, est arrivé lundi 7 février en Russie, avant de se rendre mardi 8 en Ukraine (ndlr: les résultats de cette rencontre n’étaient pas disponibles au moment de l’impression du journal). Un dialogue « en coordination avec les partenaires européens », a dit l’Elysée. En effet, Emmanuel Macron, qui a pris la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne (UE) le 1er janvier, tente d’imposer l’UE en médiateur dans la crise ukrainienne, alors qu’elle a semblé bien peu compter lors des premières discussions russo-américaines. Des discussions qui, somme toute, n’ont rien apporté de concret. Macron a dit souhaiter « amorcer une désescalade », estimant que l’Europe « est aujourd’hui dans une situation éminemment critique ». Poutine disant « apprécier » les efforts français et assurant avoir « la même inquiétude en ce qui concerne la sécurité en Europe ». Mais au-delà de ces paroles, rien de nouveau. Face au président russe, le président français a insisté sur le fait que sa position était « coordonnée » avec ses alliés européens et américains, qui ont tous rejeté les exigences russes de la fin de la politique d’élargissement de l’Otan. En revanche, les Occidentaux proposent des discussions sur les inquiétudes de Moscou, évoquant des visites réciproques de sites militaires ou encore des mesures de désarmement. Des propositions « positives », mais « secondaires », selon Moscou.

Des paroles, en attendant les actes

Les paroles de bonne volonté sont là, reste à voir si les actes suivront. Vladimir Poutine s’est dit prêt à « des compromis » et au fait de se pencher sur les propositions du président français, Emmanuel Macron, pour désamorcer, tout en accusant de nouveau les Occidentaux de menacer la Russie. Au cours de leur conférence de presse commune, Vladimir Poutine a déclaré qu’il reparlerait au président français qui doit s’entretenir mardi à Kiev avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Nous ferons tout pour trouver des compromis qui pourront satisfaire tout le monde », a affirmé le maître du Kremlin, car une guerre Russie-Otan « n’aurait pas de vainqueur ». Sans révéler la teneur des propositions discutées, Poutine a néanmoins dit que « certaines des idées » de son homologue français pourraient « jeter les bases d’avancées communes », après plus de cinq heures de discussions.

Selon la présidence française, les propositions du chef de l’Etat français concernent un engagement à ne pas prendre de nouvelles initiatives militaires des deux côtés, l’amorce d’un dialogue, notamment sur le dispositif militaire russe, ou encore des négociations de paix sur le conflit en Ukraine et le début d’un dialogue stratégique.

Les positions restent donc éloignées. Pendant que le président français tentait d’esquisser une solution, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, recevant son homologue allemande, Annalena Baerbock, à Kiev, a martelé que la Russie n’arriverait pas à « creuser un fossé entre l’Ukraine et ses partenaires ». Plus tôt, il avait fixé ses lignes rouges: « Pas de concessions sur l’intégrité territoriale » et « un retrait durable des forces russes de la frontière ukrainienne et des territoires occupés ». Emmanuel Macron a, quant à lui, promis qu’il n’y aurait aucun « compromis sur la question ukrainienne sans les Ukrainiens ». Avant cette visite à Moscou, Macron avait suivi une première piste, celle du « format de Normandie » (France, Allemagne, Ukraine, Russie). Sous impulsion française, le groupe s’est réuni le mois dernier à Paris et une prochaine réunion aura lieu bientôt à Berlin.

Avant eux, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est membre de l’Otan, a lui aussi tenté une médiation. Après une visite à Kiev jeudi 3 février, il a invité à nouveau Russes et Ukrainiens à des « pourparlers bilatéraux », en Turquie cette fois. « Comme nous l’avons indiqué précédemment, la Turquie est prête à prendre sa part pour résoudre la crise entre deux pays amis, qui sont ses voisins en mer Noire », a affirmé le président turc. Mais il reste très hypothétique qu’Ankara ait un rôle de premier plan.

Reste à voir la réaction des Etats-Unis. Car si l’Europe est entrée en jeu cette semaine par la voix du président français, l’essentiel se jouera entre Washington et Moscou.

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