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Biden, une première année en demi-teinte

Abir Taleb et Sabah Sabet avec agences, Jeudi, 20 janvier 2022

Processus de paix, Iran, Afghanistan, relations avec la Russie … Où en est la politique étrangère de Joe Biden, un an après son entrée à la Maison Blanche ? Eléments de réponse.

Attaque houthie en territoire  mirati
A son arrivée au pouvoir, Biden avait promis une politique de rupture par rapport à son prédécesseur. (Photo : AFP)

Au lendemain de la prise de pouvoir du président américain, Joe Biden, en janvier 2021, son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, annonçait vouloir « remettre à plat » la politique américaine au Moyen-Orient. Un an après, le bilan est en demi-teinte. A commercer par le processus de paix israélo-palestinien, le sujet numéro un dans la région (ou celui qui doit l’être). « Au début du mandat de Biden, on espérait une certaine avancée, surtout qu’il avait évoqué la nécessité d’une solution à deux Etats, une solution qui avait été éloignée sous Donald Trump. Mais la déception est au rendez-vous, tout au long de l’année, les violations israéliennes se sont poursuivies, la colonisation aussi, et ce, dans un silence américain total. Tout compte fait, l’Administration américaine de Biden n’a rien fait pour relancer le processus de paix », explique Dr Hanane Abou- Sekine, spécialiste des régimes politiques au Centre des recherches sociales au Caire et professeure de sciences politiques. Biden a donc simplement maintenu le positionnement américain à ce sujet : Washington reste un soutien indéfectible d’Israël et garde son statut d’unique médiateur entre Israël et la Palestine. « Il n’y a pas de changement dans mon engagement pour la sécurité d’Israël. Point à la ligne. Pas de changement du tout », avait déclaré Joe Biden en mai 2021, ajoutant : « Le changement est que nous avons toujours besoin d’une solution à deux Etats. C’est la solution ». Sauf que, depuis, rien n’a été fait pour.

Dialoguer avec l’Iran, mais …

Dans le reste du Proche-Orient, on est toujours dans un certain « désengagement américain, comme en Syrie et en Iraq », affirme l’analyste. « Washington n’est plus le soutien qu’il était aux pays du Golfe, c’est pourquoi il y a de nouvelles alliances dans la région, comme par exemple le rapprochement entre les Emirats et l’Iran », ajoute-t-elle.

Or, l’Iran est sans aucun doute le sujet où il y a eu une rupture par rapport à la politique de son prédécesseur, Donald Trump, et sans doute l’Iran. Pour autant, jusqu’à présent, la crise n’est pas encore totalement dénouée. Les discussions entre Iraniens et Américains ont repris indirectement et la question du nucléaire semble encore épineuse. « Efforts », « progrès », « chemin positif » : le ton a certes changé ces derniers jours au sujet des négociations de Vienne, après un démarrage dans la douleur. Pour autant, les Occidentaux continuent de déplorer la « lenteur » des négociations, vu de la montée en puissance, en parallèle, du programme nucléaire de Téhéran. Ainsi, si les pourparlers sont partis du mauvais pied, ils ont repris fin décembre dans un climat plus optimiste.

L’espoir de redonner vie à l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, le « plan d’action global commun », connu sous son acronyme anglais JCPoA, et dont les Etats-Unis de Trump se sont retirés en 2018, n’est pas encore gagné. Car en fait, les négociations de Vienne ont un double objectif : faire revenir Washington dans le pacte et ramener Téhéran au respect de ses engagements, rompus en réaction au rétablissement des sanctions américaines, avec un embargo pétrolier draconien et l’interdiction de toute transaction avec l’Iran. Or, malgré la lueur d’optimisme, les positions demeurent éloignées : Téhéran insiste sur la levée des sanctions avant tout, les Occidentaux sur le volet nucléaire, mais aussi les missiles balistiques et le rôle régional de l’Iran. « Malgré ces difficultés, la politique de Joe Biden envers l’Iran est moins stricte. C’est vrai qu’aucun progrès notable n’a jusqu’à présent été réalisé, mais le choix de Washington reste la poursuite des négociations, afin d’éviter le recours à la force, une option rejetée par Biden », explique l’experte. Et pourtant, en cas d’échec des discussions, Washington dit « étudier d’autres mesures » avec les alliés des Etats-Unis « en Europe, au Moyen-Orient et au-delà », a dit le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken. « Nous sommes prêts à tous les scénarios », a-t-il assuré. Et une centaine d’élus républicains ont appelé cette semaine l’Administration de Joe Biden à se retirer des « vaines » discussions de Vienne.

Afghanistan et Russie, deux sujets délicats

Car à l’intérieur des Etats-Unis, Biden ne vit pas ses meilleurs jours. Si cette « déroute » est principalement due à des causes internes, la politique étrangère n’arrange pas les choses. A l’inertie diplomatique au Proche-Orient s’ajoute le retrait d’Afghanistan, qui s’est fait en plein désordre, plongeant aussitôt le pays dans le chaos avec le retour des Talibans, et qui a relevé la question : à quoi ont servi les 20 années de présence américaine dans ce pays ? Surtout qu’elles ont laissé un goût amer auprès des Américains, car même s’il est bien vécu d’arrêter d’envoyer de l’argent et des soldats américains en Afghanistan, l’impression d’une débâcle domine. « C’est un grand échec de la politique étrangère de Biden, estime Dr Hanane Abou-Sekine. Le président américain, qui défend les droits de l’homme, a laissé la porte ouverte aux Talibans qui violent ces droits. En plus, le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan ouvre la voie à une recrudescence du terrorisme dans bien d’autres pays ».

Surtout que Joe Biden n’est pas montré plus habile ailleurs, notamment avec la Russie, avec laquelle la rivalité s’est accentuée ces dernières semaines au sujet de l’Ukraine. Aujourd’hui, la relation transatlantique n’est plus un long fleuve tranquille. Les Russes et les Occidentaux restent sur des positions « totalement divergentes » malgré une semaine d’intense diplomatie, ce qui est « dérangeant », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans un entretien diffusé dimanche par la chaîne américaine CNN. Alors que Washington a dit qu’il se prononcerait dans les jours à venir sur les « prochaines étapes » sur l’avenir du bras de fer avec la Russie après cette impasse. « L’essentiel, c’est que nous sommes prêts à tous les scénarios », a prévenu, dimanche 16 janvier sur la chaîne CBS, le conseiller du président américain Joe Biden pour la sécurité nationale, Jake Sullivan.

Bref, un an après son arrivée au pouvoir, la seule rupture avec son prédécesseur, c’est que Joe Biden peut être résumé à cela : plus de tweets grossiers.

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