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Colloque : L’Iraq, les pays arabes et la stabilité régionale

Mardi, 19 octobre 2021

La situation politique en Iraq, la coopération interarabe et les moyens de limiter l’influence de Téhéran et d’Ankara. Des thèmes largement abordés lors d’un colloque organisé à Al-Ahram. Tour d’horizon.

Colloque : L’Iraq, les pays arabes et la stabilité régionale
Le colloque s’est tenu dans les locaux d’Al-Ahram, dimanche 17 octobre, avec la participation d’experts égyptiens et iraqiens. (Photo : Sabah Sabet)

Promises après le mouvement de contestation populaire contre la corruption et la crise économique de 2019, les élections législatives, les cinquièmes en Iraq depuis 2003, soit depuis la chute de Saddam Hussein, se sont tenues sans grand enthousiasme. Le boycott était au rendez-vous et l’issue sans surprise. Les résultats définitifs officiels ne sont toujours pas publiés, mais le courant de l’influent leader chiite Moqtada Al-Sadr se dit déjà gagnant. Aussi, selon les analystes, le courant sunnite est de nouveau dans l’arène politique et le bloc des Kurdes a remporté des résultats importants. En attendant les résultats officiels, on se pose déjà la question : comment sera formé le prochain gouvernement et comment se dessineront les cartes du jeu politique ?

Des éléments de réponses à ces questions ainsi que les prévisions de scène politique iraqienne ont été les thèmes d’un colloque tenu dimanche 17 octobre à la Fondation Al-Ahram. Car les élections iraqiennes ne sont pas qu’une affaire iraqienne. Elles ont un impact sur les voisins et sur les alliances régionales. Organisé par les magazines Al-Dimocratiya (la démocratie) et Al-Siyassa Al-Dawliya (politique internationale), ce colloque a rassemblé un panel d’analystes iraqiens et égyptiens et leur rédacteur en chef, Ahmad Nagui Qamha.

Pour le Dr Mohamad Mégahed Al-Zayat, conseiller académique au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, « les premières tendances de ces législatives montrent que les Iraqiens rejettent de plus en plus l’hégémonie iranienne ». En effet, au scrutin du 8 octobre, la coalition du Hachd Al-Chaabi, camp allié à l’Iran et deuxième force du parlement sortant, a subi un net recul. A l’encontre, les blocs kurde et sunnite ont remporté une nette avance. Avec ce changement de force, Al-Zayat pense que Moqtada Al-Sadr doit attirer d’autres partis (kurdes ou sunnites) pour parvenir à une coalition et pouvoir former le gouvernement « sinon sa victoire n’aura aucune importance », estime-t-il.

D’ailleurs, le discours d’Al-Sadr, dans lequel il a évoqué son intention d’entamer des alliances avec les blocs sunnite et kurde, va certainement pousser l’Iran à réagir. Les participants au colloque sont quasi unanimes : l’Iran ne va pas rester les bras croisés et fera tout pour maintenir son influence. Téhéran va faire pression pour le retour de son allié Nouri Al-Maliki au poste de premier ministre, d’autant plus que l’Iraq représente une carte de pression entre les mains de l’Iran dans les pourparlers de Vienne et ceux en cours en Arabie saoudite et le règlement en Syrie, estiment les analystes. D’ores et déjà en effet, les partis chiites pro-Iran ont crié à la fraude à la suite de l’annonce des résultats, affirmant qu’ils prendraient les « mesures » nécessaires pour annuler cette « escroquerie ».

Abbas Al-Anbori, président du Centre iraqien d’études stratégiques Rewaq, estime cependant que « le fait de parvenir à tenir le scrutin dans de bonnes conditions est en soi une victoire pour le premier ministre iraqien, Moustafa Al-Kazimi ». Selon lui, Kazimi a réussi à contrer les milices armées, « ce qui lui donne une chance de se maintenir au poste de premier ministre surtout qu’il existe un certain consensus à l’intérieur aussi qu’à l’extérieur sur sa personnalité ».

Contrer les influences iranienne et turque

Au-delà des élections, les participants au colloque ont également abordé les moyens de contrer l’influence iranienne mais aussi celle turque dans la région, notamment en Iraq. Pour cela, estiment les analystes, il est nécessaire de renforcer la présence arabe, surtout économique, en Iraq. « L’Iraq doit s’ouvrir à son environnement arabe au lieu de se concentrer sur les deux pays voisins, l’Iran et la Turquie. On a les moyens de renforcer notre coopération économique », insiste Al-Anbori, en faisant une comparaison aux échanges commerciaux entre l’Iraq et l’Iran, et l’Iraq et la Turquie, qui dépassent les 20 milliards de dollars par an, alors que les échanges avec l’Egypte, par exemple, sont à hauteur de 10 millions de dollars. « La culture, les coutumes et la langue communes sont des éléments qui doivent faciliter et renforcer la coopération interarabe », espère le politologue iraqien.

Dans cette optique, le projet « Al-Cham Al-Gadid », ou le Nouvel Orient, rassemblant l’Iraq, l’Egypte et la Jordanie dans une alliance économique, a été discuté lors du colloque. Dr Weam Osman, président du département des études politiques à l’Université de Port-Saïd, a expliqué l’importance de ce genre de coopération arabe non seulement sur le plan économique, mais aussi sécuritaire. En effet, ce projet représente un axe économique entre les trois pays dans les domaines de l’énergie, de l’électricité, des infrastructures, des investissements et du commerce, et vise à établir une sorte d’intégration stratégique entre ces pays et à faire avancer la roue du développement conjoint. « Ce projet ouvre de nouvelles perspectives absentes de l’arène arabe pendant de longues périodes », explique Dr Weam Osman, en citant des exemples d’opportunités comme l’intégration économique régionale : la force de la main-d’oeuvre égyptienne, les ressources pétrolières iraqiennes et l’emplacement géographique de la Jordanie.

Pour Dr Weam Osman, qui espère son extension à d’autres pays arabes, un tel projet est multi-bénéfique : il sécurise cette région arabe, booste l’intégration économique et freine l’expansion iranienne et turque, non seulement en Iraq, mais aussi en Syrie et dans d’autres pays arabes. « Ce projet doit être le noyau d’autres coalitions et de coopération interarabe », conclut Dr Weam Osman.

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