Vendredi, 29 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Monde >

Vent de colère au Khouzestan iranien

Maha Salem avec agences, Mardi, 27 juillet 2021

La tension reste palpable dans la province iranienne du Khouzestan, théâtre de manifestations depuis plus d’une semaine. Une grogne sociale mêlée d’une contestation politique.

Vent de colère au Khouzestan iranien
Les manifestations, qui entrent dans leur deuxième semaine, auraient fait une dizaine de morts, selon les médias iraniens.

Dans un climat de tension et de violence, les Iraniens de la région du Khouzestan manifestent quotidiennement depuis mi-juillet malgré la forte répression des forces de l’ordre. Cette région du sud-ouest de l’Iran, qui abrite les principaux gisements de pétrole iraniens, est frappée depuis fin mars par une sécheresse inédite. Selon les médias, 700 villages et 25 villes sont affectés. La sécheresse sans précédent depuis 50 ans et des barrages construits en amont depuis trois décennies qui retiennent l’eau ont asséché les rivières dans la province, qui compte une importante minorité arabe. A l’origine donc, les manifestations ont été déclenchées pour protester contre le manque d’eau et les coupures très fréquentes d’électricité. Le mouvement de contestation a ensuite pris une tournure politique, ciblant même la plus haute autorité, le guide suprême, Ali Khamenei. « La cause directe est certes la pénurie d’eau, mais la cause profonde est que cette région est négligée par les autorités. Et les habitants, Arabes sunnites, se sentent délaissés à cause de leur appartenance. Ils sont privés de nombreux droits, et malgré la richesse de leur région, ils n’en tirent aucun profit », explique Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.

En effet, le Khouzestan abrite une importante minorité arabe. La population se plaint régulièrement d’être laissée pour compte par les autorités. La province avait été l’un des points chauds de la vague de contestation violemment réprimée contre le pouvoir en novembre 2019. Pour les calmer, la télévision d’Etat a montré des images de longues files de camions transportant de l’eau, indiquant qu’ils avaient été envoyés au Khouzestan par les Gardiens de la Révolution.

Les autorités se justifient

Essayant de calmer le jeu malgré la répression des manifestations, le président sortant, Hassan Rohani, a déclaré que les habitants du Khouzestan avaient le droit de s’exprimer et même de descendre dans la rue dans le cadre de la loi. « Se sentir discriminé est plus douloureux que la sécheresse et le manque d’eau », a de son côté reconnu l’amiral Ali Chamkhani, secrétaire-général du Conseil suprême de la sécurité nationale, regrettant que la population locale n’ait pas profité économiquement « des compagnies pétrolières et des grandes unités industrielles » basées dans la province. Quant au Guide suprême, il a justifié les protestations tout en affirmant qu’il ne fallait pas tomber dans le piège des ennemis. « Les gens ont exprimé leur mécontentement. On ne peut rien leur reprocher. Le problème de l’eau n’est pas un problème mineur, en particulier dans le climat particulier du Khouzestan. Mais les gens doivent faire attention, car l’ennemi veut utiliser le moindre petit problème contre le pays, contre la révolution, contre la République islamique », a averti le guide suprême iranien. « L’ennemi cherche à tout utiliser contre la Révolution (iranienne), le pays et les intérêts du peuple, il faut donc veiller à ne pas lui donner un prétexte », a-t-il lancé, vendredi 24 juillet, à l’adresse des habitants de la province.

Ce n’est pas la première fois que l’Iran est traversé par une gronde sociale du genre. Ces dernières années, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions de ce pays pétrolier pour protester contre les conditions de vie et la crise économique exacerbée par les sanctions américaines. « Mais, comme d’habitude, elles ne mènent à rien. A chaque fois, elles sont réprimées par les forces de l’ordre. Quant à la communauté internationale, elle n’intervient pas », explique Dr Mona Soliman, en ajoutant que ces manifestations ne vont pas dépasser les frontières de cette province, car les autres régions sont chiites et ne vont pas soutenir les sunnites.

Cela dit, il s’agit d’un premier test concret pour le président élu, Ibrahim Raïssi, qui prendra le pouvoir en août. Selon l’analyste, il va tenter de calmer la situation, peut-être en visitant la région sans plus. « Raïssi est connu par sa position rigide envers les minorités. Il a d’autres priorités, et les ambitions de Téhéran ne vont pas être freinées par de telles manifestations », conclut-elle.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique