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Israël, l’Iran et le JCPOA

Abir Taleb avec agences, Mardi, 27 avril 2021

Alors que les discussions de Vienne sur le nucléaire iranien se poursuivent entre Téhéran et les grandes puissances, Israël semble s’engager dans une politique de « sabotage » anti-iranienne, affichant ouvertement son hostilité à un retour des Etats-Unis au JCPOA.

Israël, l’Iran et le JCPOA

Une attaque israé­lienne ? Rien ne le confirme pour le moment. Cela dit, le timing suscite des interrogations : au moment où des discussions se tien­nent à Vienne sur le nucléaire iranien, et quelques jours après qu’Israël eut bombardé la Syrie, un pétrolier ira­nien a été la cible d’une attaque au large de la Syrie, samedi 24 avril, une attaque qui a fait trois morts et touché l’un de ses réservoirs. « Le pétrolier iranien qui venait d’Iran était à l’ar­rêt non loin du port (syrien) de Banias au moment de l’attaque », a affirmé à l’AFP Rami Abdel-Rahmane, le directeur de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). « Au moins trois Syriens ont été tués, dont deux membres d’équipage ». Abdel-Rahmane a dit « ignorer s’il s’agit d’une attaque israélienne ou non », alors qu’Israël a ciblé maintes fois des positions de l’Iran en Syrie, pays voi­sin de l’Etat hébreu en guerre depuis 2011. Mais les Iraniens, eux, ont directement pointé du doigt Israël. « Les sionistes croient qu’ils peuvent nuire en Syrie sans représailles. Les évènements de ces derniers jours et les autres à venir mettront les intérêts d’Israël en danger », a prévenu le chef d’état-major des forces armées iraniennes, Mohammed Hussein Baqeri. « Nous ne ferons aucun com­mentaire sur les derniers événements, nous ne savons pas non plus qui les a commis, mais le front de la résistance donnera une leçon à Israël », a-t-il affirmé. Il a par ailleurs promis que « si les actions d’Israël contre l’Iran » se poursuivaient, « on ne sait pas quelle sera la réponse de l’Iran, mais le régime sioniste ne restera pas tran­quille ». Il y a deux semaines déjà, Téhéran avait accusé Israël d’avoir saboté son usine d’enrichissement d’uranium de Natanz et promis de se venger et d’intensifier ses activités atomiques.

Ces tensions grandissantes entre la République islamique et l’Etat hébreu ne sont pas fortuites. L’Iran a toujours été le grand ennemi d’Israël, qui dit chercher à éviter que l’Iran ne s’implante en Syrie. Mais aussi et surtout, il y a, en toile de fond, les discussions qui se tiennent depuis plus de deux semaines à Vienne entre Téhéran et les grandes puissances et qui visent à une réintégration des Etats-Unis à l’accord sur le nucléaire, le JCPOA, Plan d'action global commun (Washington s’en était retiré en 2018 sous l’Administration Donald Trump), contre une levée des sanctions imposées par les Etats-Unis sur l’Iran et un retour total de l’Iran à ses engagements (Téhéran s’était progressivement désengagé de certaines clauses de l’accord sur le nucléaire suite au retrait américain).

Ce qui est surtout notable, c’est qu’Israël ne cache plus ses actes de sabotage contre l’Iran. Cela a été le cas après l’attaque de Natanz, plusieurs officiels israéliens se sont empressés de le revendiquer dans les médias. Ils l’ont certes fait sous le couvert de l’anonymat, mais ces déclarations sont lourdes de sens. C’est la première fois depuis des décennies qu’Israël rompt avec la « doctrine d’opacité » adoptée dans sa « guerre » contre l’Iran. Auparavant, Israël ne confirmait ni n’essayait de nier, ce qui réduisait la capacité de riposte de l’Iran.

Or, désormais, Israël semble montrer ouvertement qu’il tente de torpiller les négociations qui se tiennent à Vienne. Car Israël le dit directement. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, ne cache pas son désir que les Etats-Unis maintiennent leur politique de « pression maximale », conçue dès 2018 en étroite collaboration avec l’Administration Trump, comme si l’ex-président n’avait jamais quitté la Maison Blanche.

Raid israélien contre la Syrie

Parallèlement, l’armée israélienne a annoncé tôt, jeudi 22 avril au matin, avoir mené des frappes sur la Syrie après un tir de missile depuis ce pays ayant atterri, selon elle, dans le désert du Néguev (sud), à proximité d’une installation nucléaire israélienne jugée secrète. « Un missile sol-air identifié comme provenant de la Syrie est tombé dans le Néguev. En repré­sailles, il y a quelques minutes, l’ar­mée israélienne a frappé la batterie depuis laquelle le missile a été lancé et d’autres batteries syriennes de mis­siles sol-air », a indiqué l’armée israé­lienne dans un bref message. En revanche, selon l’agence officielle syrienne Sana, l’armée israélienne a lancé des missiles depuis le plateau du Golan « vers des positions dans les environs de Damas ». « Notre batterie de défense anti-aérienne a intercepté des missiles et fait chuter la majorité d’entre eux dans cette agression qui a causé des blessures à quatre soldats et causé quelques dégâts matériels », a ajouté l’agence syrienne, citant une source militaire locale. D’après l’Ob­servatoire syrien des droits de l’homme, les frappes israéliennes ont « détruit » des batteries de défense anti-aériennes à Dmeir, une ville située à 40 km au nord-est de la capi­tale syrienne, Damas, où seraient entreposées des armes appartenant à des milices pro-iraniennes.

Tous ces évènements ont lieu alors que les discussions de Vienne se pour­suivent difficilement. La semaine der­nière, un responsable américain a déclaré que les Etats-Unis avaient commencé à partager avec l’Iran des « exemples » de sanctions qu’ils étaient prêts à lever. Téhéran demande la levée de toutes les sanctions et affirme être prêt à revenir à ses enga­gements après l’avoir vérifiée dans la pratique. Selon des diplomates euro­péens, des « progrès » ont été enregis­trés à Vienne « mais il reste beaucoup à faire ». Téhéran, de son côté, évoque l’hypothèse de conclure un accord provisoire d’ici fin mai prochain avant d’envisager un règlement plus durable.

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