
Le premier ministre libyen intérimaire, Abdel-Hamid Dbeibah, attend l’approbation du parlement pour dévoiler les noms des membres de son équipe.
(Reuters)
Après des discussions acharnées, le premier ministre libyen désigné, Abdel-Hamid Dbeibah, a soumis, jeudi 25 février, la structure et la vision de son gouvernement en vue de son approbation par le parlement, première étape d’une transition qui prévoit la tenue d’élections en décembre. « Nous avons remis aujourd’hui la proposition de la structure et une vision du Gouvernement d’union nationale (GNA), ainsi que les critères de sélection de l’équipe gouvernementale à la présidence du parlement dans le respect du délai accordé par la feuille de route de l’Onu », a annoncé Dbeibah, lors d’une conférence de presse dans la capitale libyenne. Il n’a dévoilé ni le nombre de portefeuilles, ni les noms des ministres qui seront annoncés au parlement lors du vote de confiance. Le premier ministre par intérim a jusqu’au 19 mars pour obtenir la confiance du parlement. Il a affirmé son souci d’une répartition équitable entre les trois provinces libyennes, l’est, l’ouest et le sud, pour pouvoir s’atteler à la lourde tâche d’unifier les institutions et de mener la transition jusqu’au scrutin du 24 décembre.
« Un partage équilibré du pouvoir en Libye est difficile à réaliser. Depuis sa désignation, le premier ministre libyen a passé ces dernières semaines à discuter avec tous les camps. Il s’est déplacé plusieurs fois dans différentes régions du pays et il s’est entretenu avec des dirigeants occidentaux et régionaux pour parvenir à choisir des noms capables de diriger la période de transition sans divergences », explique le politologue Mohamad Aboul-Makarem. Selon lui, si Dbeibah n’a pas dévoilé son équipe, c’est parce qu’il veut d’abord obtenir une approbation de son plan de la période prochaine. « Autre raison, explique-t-il, il n’a pas voulu que ces personnes soient soumises à des pressions avant d’accepter les postes proposés. Il est déterminé à réussir sa mission et à appliquer le plan onusien, mais il a besoin de la coopération des autres camps. C’est pour cela qu’il contacte les autres pays pour renforcer leurs pressions sur leurs alliés libyens ». Pour l’expert, le vrai défi pour Dbeibah est de parvenir à former une équipe qui puisse être acceptée par tous les camps. « S’il parvient à surmonter ce premier obstacle, ce sera un premier pas décisif, une vraie chance pour sortir de l’impasse », estime Aboul-Makarem. Mais le défi est de taille. Le partage des postes-clés demeure toujours un point d’achoppement qui entrave l’avancée dans l’application des accords, explique le politologue. C’est, en effet, cette question qui a bloqué les négociations 5+5 à Genève. Autre point de divergence, les députés sont divisés sur le siège qui doit les réunir. La solution proposée par Dbeibah est qu’ils se réunissent dans une ville neutre.
Miser sur la compétence
Dbeibah a souligné que son objectif premier était de rassembler les Libyens et de faire de la compétence des ministres un critère primordial. Il a redit son souci d’une répartition équitable entre les trois provinces libyennes, l’est, l’ouest et le sud. Selon la feuille de route onusienne, au moins 30% des postes de direction du gouvernement doivent revenir à des femmes, mais aussi à des jeunes, longtemps mis à l’écart. Essayant de trouver un appui, Dbeibah s’est entretenu avec Jan Kubis, le nouvel émissaire de l’Onu, sur les progrès pour la formation du gouvernement et des efforts pour convoquer une session parlementaire. De même, Dbeibah a rencontré à Tobrouk (est) Aguila Saleh, président du parlement. Ce dernier a appelé, vendredi 26 février, Dbeibah à inclure des représentants de toutes les régions du pays dans le gouvernement de transition, afin de surmonter les divergences. « Ce gouvernement aura la lourde tâche d’unifier les institutions d’un pays déchiré par des divisions et de mener la transition jusqu’aux élections prévues en décembre. Le premier ministre devrait choisir, lors de la formation de l’exécutif de transition, des personnes compétentes et intègres, issues de toutes les régions du pays, pour que le consensus souhaité soit atteint », a déclaré Saleh, tout en ajoutant: « Il y a des divergences, tout le monde doit participer au pouvoir pour sortir du tunnel ».
Comme d’autres institutions, le parlement a été miné par les divisions, et le lieu où il doit se réunir pour le vote de confiance ne fait pas consensus: son président et une poignée d’élus veulent tenir la session à Syrte, à mi-chemin entre l’est et l’ouest, alors que plus de 140 députés préfèrent Sabratha, à l’ouest. « Nous espérons que le parlement nous soutiendra, en accordant la confiance au gouvernement rapidement. Je suis prêt à me rendre dans n’importe quelle ville pour présenter mon gouvernement », a affirmé Dbeibah. Selon les déclarations de ce dernier, son objectif final est de mettre fin à une décennie de chaos, de rassembler les Libyens et de tenter de répondre aux attentes des Libyens, qui souffrent de pénuries de liquidités et d’essence, de coupures d’électricité et d’une inflation galopante.
La Libye, qui vient de célébrer le 10e anniversaire de la révolte ayant renversé le régime de Muammar Kadhafi en 2011, est engluée dans le chaos, minée par les divisions politiques. Abdel-Hamid Dbeibah est un ingénieur de formation et homme d’affaires de 61 ans ayant occupé des postes de responsabilité sous Kadhafi. A la surprise générale, il a été désigné premier ministre le 5 février par 75 délégués libyens de tous bords, réunis à Genève sous l’égide de l’Onu. Un Conseil présidentiel de trois membres a aussi été élu, en attendant les élections prévues fin 2021. Peut-être le bout du tunnel..
Lien court: