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Trump, ou la fin de mandat chaotique

Abir Taleb avec agence, Mercredi, 13 janvier 2021

Seconde procédure de destitution, défections de plusieurs ministres, appels à le démettre de ses fonctions en vertu de la Constitution, le président américain sortant, Donald Trump, se retrouve de plus en plus isolé et critiqué à quelques jours de la fin de son mandat.

Trump, ou la fin de mandat chaotique
L’enquête se poursuit pour déterminer les failles qui ont rendu possible l’assaut du Capitole, qui a fait 5 morts. (Photo : AP)

Chronique d’une folle journée. Mercredi noir. Les descriptions des événements de la journée du 6 janvier à Washington ne manquent pas. L’assaut du Capitole, qualifié par certains d’« insurrection », par des partisans du président américain sortant, Donald Trump, est digne d’une fiction hollywoodienne. Cinq personnes ont trouvé la mort et une cinquante de policiers ont été blessés. Depuis, une centaine de personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête. Les images des partisans de Trump au sein du Capitole, des selfies qu’ils y prenaient, des bureaux saccagés ont défilé en boucle sur tous les écrans du monde entier. Un assaut qu’ils ont mené pour dénoncer les résultats de la présidentielle américaine, au moment même où le Congrès était réuni pour certifier l’élection de Joe Biden.

Un véritable choc qui a suscité bien des réactions, aussi bien à l’intérieur des Etats-Unis qu’à l’extérieur. Les défections se sont multipliées à la Maison Blanche. Après les ministres du Transport et de l’Education la semaine dernière, c’est le ministre par intérim de la Sécurité intérieure des Etats-Unis qui a annoncé sa démission à compter du lundi 11 janvier. Au total, une douzaine de démissions au sein de la Maison Blanche.

Plus grave que ces démissions, les démocrates ont présenté, lundi 11 janvier, un texte accusant le président sortant d’« incitation à l’insurrection » et demandant son départ. Même si la fin de son mandat est toute proche, le 20 janvier, les démocrates sont décidés à précipiter la sortie d’un président décrit comme « dérangé » et comme une « menace imminente » contre la démocratie américaine.

Majoritaires à la Chambre basse, les démocrates ont donc mené une double action : des parlementaires ont déposé un acte d’accusation contre Donald Trump, première étape vers l’ouverture formelle d’une seconde procédure de destitution contre le président américain. Un vote en séance plénière pour adopter cet acte d’accusation pourrait être organisé dès ce mercredi à la Chambre des représentants.

La décision de lancer cette nouvelle procédure de destitution revient une fois de plus à la puissante présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Elle a promis d’agir si le président républicain ne démissionnait pas immédiatement. « Il est fou, déséquilibré et dangereux. Il doit partir », a-t-elle martelé, allant jusqu’à s’entretenir avec le chef d’état-major de l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump ne puisse pas utiliser les codes nucléaires. Trump a déjà été visé au Congrès par une première procédure de destitution, ouverte par la même Nancy Pelosi fin 2019. Il pourrait ainsi devenir le seul président américain de l’Histoire mis en accusation à deux reprises dans une telle procédure de destitution.

Pour que la nouvelle procédure de destitution aboutisse, il faudrait que Trump soit jugé coupable par les deux tiers du Sénat, ce qui n’a aucune chance de se produire avant la prestation de serment de son successeur Joe Biden, le 20 janvier. Cela dit, cette procédure a surtout pour objectif, pour ses détracteurs, de le faire condamner même après son départ et ainsi, l’empêcher de se représenter à une élection présidentielle.

Or, face à une procédure longue et compliquée, plusieurs voix se sont élevées dans le camp démocrate jugeant qu’elle pourrait freiner les projets du président élu, Joe Biden, qui a fait de la réponse à la pandémie de Covid-19 sa priorité. Pour eux, un procès en destitution occuperait le terrain médiatique et politique du début de son mandat, dont les cent premiers jours sont traditionnellement considérés comme les plus à même de voir émerger des réformes – d’autant plus que les démocrates auront, après le 20 janvier, le contrôle de la Chambre des représentants et du Sénat. Joe Biden, de son côté, reste très prudent. La décision sur l’« impeachment » revient au Congrès, a-t-il affirmé. Mais il a toutefois déclaré : « J’ai déjà dit clairement que le président Trump ne devrait pas exercer ses fonctions. Un point, c’est tout ».

Les regards pointés sur Mike Pence

En parallèle, les parlementaires ont demandé l’adoption à l’unanimité d’une résolution appelant le vice-président à démettre le président de ses fonctions, en invoquant le 25e amendement de la Constitution américaine (voir entretien). Cela consisterait pour Mike Pence et les principaux ministres à constater l’inaptitude du président à exercer ses fonctions. C’est donc le vice-président qui est aujourd’hui au centre de tous les intérêts. Ce dernier a rencontré Donald Trump, lundi 11 janvier, selon un responsable américain cité par l’AFP. Peu de détails ont été révélés sur cette rencontre, à part que les deux hommes auraient eu « une bonne conversation », selon la même source, et que le vice-président n’a pas l’intention de démettre le président de ses fonctions.

Pour éviter ces deux scénarios, plusieurs élus républicains ont appelé dimanche 10 janvier Donald Trump à démissionner pour épargner au pays les complexités de la procédure d’impeachment comme du 25e amendement. En effet, pour certains, une éventuelle démission de Trump constituerait un salut pour cette grande démocratie, la première puissance mondiale, sérieusement mise à mal par les récents événements.

Les jours à venir sont donc cruciaux. Parallèlement à ces démarches politiques, les inquiétudes concernant la sécurité ne sont pas des moindres. La police fédérale américaine (FBI) a prévenu que des groupes armés prévoyaient de manifester à Washington et dans les capitales des 50 Etats des Etats-Unis avant l’investiture du futur président Joe Biden le 20 janvier, selon une source policière citée par l’AFP. Et, d’après un journaliste d’ABC News, citant une note du FBI, un groupe armé identifié a dit qu’il prévoyait d’envoyer ses membres à Washington le 16 janvier et a promis un soulèvement en cas de tentative d’écarter Donald Trump du pouvoir. Face au risque de troubles liés aux actions de partisans de Donald Trump, la Garde nationale des Etats-Unis a été autorisée à déployer jusqu’à 15 000 membres à Washington pour contribuer au maintien de l’ordre lors de la cérémonie d’investiture du président démocrate élu.

Malgré tout cela, isolé à la Maison Blanche, lâché par plusieurs ministres, Trump, qui s’est aussi vu privé de son canal de communication favori, Twitter, ne semble guère disposé à s’en aller de son plein gré. Il aurait fait savoir à ses proches qu’il n’avait aucune intention de démissionner, selon le New York Times.

Après quatre ans de présidence rocambolesque, les derniers jours du mandat de Donald Trump ont un goût d’éternité.

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