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Quand Washington oeuvre à contenir Téhéran

Osman Fekri, Mardi, 14 janvier 2020

L’assassinat de Qassem Soleimani s’inscrit dans une nouvelle politique américaine visant à juguler l’Iran et à limiter son influence régionale. Analyse.

New York, Correspondance

Le récent bras de fer entre les Etats-Unis et l’Iran n’est pas une mise en scène, mais un nouveau chapitre dans la politique américaine visant à redéfinir la place de l’Iran dans la région, redessiner les équilibres politiques et démographiques à l’intérieur de l’Iraq, et plus généralement au Proche-Orient. Le tout dans le but de donner à l’Amérique un nouveau rôle et une nouvelle place dans la région, loin des anciennes formules d’interventions armées, comme ce fut le cas au cours des dernières décennies, la dernière d’entre elles étant la guerre menée par les Etats-Unis en Iraq en 2003. Malheureusement, encore une fois, c’est l’Iraq qui est le théâtre de ce nouveau façonnement américain, ou plutôt de la nouvelle forme de la présence américaine au Proche-Orient. Ceci a été clair avec l’assassinat, la semaine dernière en terre iraqienne, du général iranien Qassem Soleimani, et la riposte iranienne, qui s’est également faite en terre iraqienne: dans la nuit du 8 au 9 janvier, Téhéran a lancé l’opération « Martyr Soleimani », en tirant des missiles (11 selon le Pentagone, 22 selon Téhéran) sur des positions américaines en Iraq.

Pendant plusieurs jours, l’affaire a été hyper-médiatisée, donnant l’impression que l’on était au bord d’une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran. Mais très vite, le ton a changé. Il n’en demeure pas moins que la tension reste vive. Et il suffit de suivre de près ce qui s’est passé pour comprendre la politique américaine vis-à-vis de l’Iran, et les retombées de cette politique sur la région, notamment sur des pays comme l’Iraq et le Liban. Le dessein des Américains est sans doute de revenir au contexte des accords signés en novembre 2008 entre Bagdad et Washington et établissant le cadre juridique de la présence américaine en Iraq et la coopération entre les deux pays.

Et pour que cet objectif soit réalisé, il est nécessaire d’établir des changements dans l’équilibre des forces tel qu’il est actuellement en Iraq. Un équilibre dans lequel l’Iran a une forte présence. Ainsi, le premier pas est de juguler l’Iran, le confiner à l’intérieur de ses propres frontières, et ce, en ciblant directement l’aile extérieure des Gardiens de la révolution. Dans le même temps, l’Administration américaine est tout à fait consciente que la marge de manoeuvre des Iraniens est restreinte, parce qu’une confrontation directe risque de porter atteinte aux fondements même du régime des mollahs. Washington oeuvre ainsi à pousser Téhéran vers de nouvelles négociations sur de nouvelles bases, et ce, en le mettant à genou à travers davantage de sanctions économiques.

Par ailleurs, Washington s’intéresse aussi au Liban, où une crise à plusieurs facettes perdure depuis plusieurs mois. Outre le ras-le-bol de la population à cause des mauvaises conditions économiques, la prédominance du Hezbollah, et donc de l’Iran, sur la vie politique libanaise est l’une des sources de la colère des Libanais. Tout coup dur infligé à l’Iran se répercutera sur sa politique au Liban, qui dépasse le simple soutien au Hezbollah mais qui consiste aussi en un discours selon lequel l’Iran est le seul « sauveur » potentiel du Liban. Il n’est donc pas exclu de voir prochainement la naissance d’une nouvelle forme de partenariat libano-américain. Un partenariat à travers lequel Washington tentera de prouver qu’il est capable de contenir les Iraniens à l’intérieur de leur pays.

La politique américaine est désormais claire : atteindre les objectifs voulus avec le moins de dégâts possible. L’assassinat de Qassem Soleimani s’inscrit dans cette politique.

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