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Iran-Etats-Unis : La tension monte

Abir Taleb, Mardi, 30 avril 2019

Après avoir inscrit les Gardiens de la Révolution sur leur liste d’organisations terroristes, les Etats-Unis ont mis fin aux dérogations qui permettaient encore à 8 pays d’acheter le pétrole iranien. Deux mesures qui visent à resserrer davantage l’étau autour de la République islamique.

Iran-Etats-Unis : La tension monte
Les Etats-Unis ont mis fin aux dérogations permettant à 8 pays l'achat de pétrole iranien. (Photo : Reuters)

Un drone des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique iranienne, a survolé un porte-avions américain croisant dans le Golfe, a affirmé l’agence de presse iranienne Tasnim sur son site Internet, dimanche 28 avril. L’agence publie une vidéo, non datée, montrant un drone bleu clair avec l’inscription « Ababil III » en lettres persanes et latines décoller d’une piste désertique en bord de mer. Selon l’agence, la vidéo a été tournée par la force navale des Gardiens de la Révolution. Après le décollage de l’appareil, elle montre une vue aérienne de deux bâtiments de guerre croisant en mer et semblant appartenir à l’escorte d’un porte-avions dont s’approche ensuite la caméra. La vidéo donne ensuite, sous forme d’informations incrustées dans l’image, des détails sur les numéros de plusieurs avions sur le pont, pour certains visibles à l’oeil nu, notamment ceux de deux avions de surveillance américains Hawkeye AWACS et de quelques avions de combat F18.

Que l’information soit vraie ou non, la publication de la vidéo n’est pas fortuite. Elle intervient dans un contexte de tension grandissante, les Etats-Unis intensifiant leur pression sur l’Iran. D’abord en plaçant les Gardiens de la Révolution sur leur « liste des organisations terroristes étrangères », ensuite en mettant fin, ce jeudi, aux dérogations permettant à 8 pays l’achat de pétrole iranien. Deux mesures prises en un seul mois et qui visent à resserrer l’étau autour de la République islamique. Une campagne de « pression maximale » dont l’objectif, selon Washington, est de mettre fin aux « activités déstabilisatrices » de Téhéran au Moyen-Orient.

Mais Téhéran résiste. Et tente tant bien que mal de répondre et de mettre aussi la pression à sa manière. A chaque annonce de Washington fait écho une de Téhéran. L’Iran pourrait quitter le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP) en raison du renforcement des sanctions américaines pour tenter d’étouffer les exportations de pétrole iranien, a ainsi déclaré, dimanche 28 avril, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, laissant entendre que d’autres options sont possibles. « Les choix de la République islamique sont nombreux et les autorités du pays les examinent ... quitter le TNP est l’un d’eux », a-t-il dit. Défiant, Zarif a également déclaré : « Nous pensons que l’Iran continuera à vendre son pétrole, nous continuerons à trouver des acheteurs pour notre pétrole et nous continuerons à utiliser le détroit d’Ormuz comme passage sûr pour les ventes de notre pétrole », avertissant les Etats-Unis qu’il y aurait des « conséquences » s’ils prenaient « la mesure folle » d’interdire à son pays l’accès au détroit stratégique d’Ormuz, qui ferme le Golfe et par lequel passerait un tiers du pétrole transitant par voie maritime. Quant au placement des Gardiens de la Révolution sur la liste américaine des organisations terroristes étrangères, en réponse, le Conseil suprême de la sécurité nationale iranien a annoncé qu’il considérait désormais les forces américaines déployées au Moyen-Orient, dans la Corne de l’Afrique et en Asie centrale, comme des « groupes terroristes ».

Impuissance des parties tierces

Une rhétorique agressive de part et d’autre donc face à laquelle les parties tierces ne savent que faire. Certes, Javad Zarif a affirmé, dimanche 28 avril, dans un entretien à la chaîne américaine Fox que les alliés des Etats-Unis étaient « mécontents » de la décision américaine de mettre fin aux dérogations permettant à huit pays l’achat de pétrole iranien — à partir de ce jeudi, la Chine, l’Inde, la Turquie, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Italie et la Grèce seront exposés à des sanctions américaines s’ils continuent d’acheter du pétrole iranien —, il n’en demeure pas moins que ces pays vont sans doute obtempérer, même si la Chine et la Turquie ont protesté contre les « sanctions unilatérales » annoncées par les Etats-Unis, et que la Russie a émis l’espoir que l’Iran pourra continuer à exporter son pétrole, dénonçant une politique « agressive et imprudente » des Etats-Unis vis-à-vis de l’Iran.

D’ailleurs, malgré les réticences russes ou chinoises, Washington se montre confiant. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, a, en effet, répondu à Javad Zarif le même jour sur la même chaîne : « Je suis touché que M. Zarif s’inquiète que nos alliés soient parfois impatients avec nous sur ce point », a-t-il ironisé. « Nous travaillons très étroitement avec tous nos alliés européens et je pense que la lueur de désaccord qu’il évoque n’existe vraiment qu’à ses yeux », a ajouté M. Bolton, estimant que l’Europe était « la région la plus menacée à l’heure actuelle par les capacités balistiques de l’Iran ». Encore une fois donc, Washington affirme ne pas chercher, avec ses sanctions, un changement de régime à Téhéran, mais un changement de comportement. En face, le régime iranien reste déterminé et tente de faire preuve à la fois de résistance et de patience, espérant une défaite électorale de Donald Trump à la présidentielle de novembre 2020. Si c’est le cas, les tensions pourront s’atténuer. Autrement, la situation risque d’empirer.

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