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Tourmente politique en Israël

Maha Al-Cherbini avec agences, Dimanche, 18 novembre 2018

Sérieusement fragilisée par la démission du ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, opposé au cessez-le-feu à Gaza, la coalition du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, risque de voler en éclats. Des élections anticipées ne sont pas à exclure.

Tourmente politique en Israël
La confusion règne sur le sort du gouvernement israélien après l'échec des consultations Netanyahu-Bennett. (Photo : AFP)

Le cessez-le-feu à Gaza peut-il provoquer des élections anticipées en Israël ? L’option semble de plus en plus probable après la démission soudaine, mercredi 14 novembre, du ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, opposé au cessez-le-feu conclu par le gouvernement du premier ministre, Benyamin Netanyahu, et les groupes palestiniens, y voyant « une capitulation devant le terrorisme ». Un coup dur au gouvernement en place depuis 2015 et considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël. En retirant le petit parti qu’il dirige, Israël Beiteinou (5 sièges), de la coalition gouvernementale, Lieberman a laissé le premier ministre avec une majorité minimale d’un seul siège (61 sièges sur les 120 de la Knesset). Précipitant la chute du gouvernement, Lieberman a appelé à des élections anticipées, alors que l’échéance de la mandature est actuellement fixée à novembre 2019.

« Nous devons nous entendre sur une date pour des élections le plus tôt possible », a dit ce vétéran israélien de la manière forte. « L’Etat achète le calme à court terme au prix de graves dommages à long terme pour la sécurité nationale », a-t-il renchéri.

Aggravant la crise, le ministre de l’Education et chef du parti nationaliste religieux Foyer juif, Naftali Bennett, a réclamé avec insistance le portefeuille de la Défense que Netanyahu a rempli lui-même, sous peine de quitter la coalition avec son parti (8 sièges), provoquant la chute du gouvernement. « Bennett doit prendre le portefeuille de la Défense, car la sécurité est une mission existentielle. Ce gouvernement n’a aucune raison d’exister si Bennett n’obtient pas ce poste pour changer la politique de sécurité, permettre à Israël de reprendre l’initiative et restaurer sa force de dissuasion », a mis en garde un communiqué du Foyer juif.

Or, des consultations entre Bennett et Netanyahu, vendredi 16 novembre, n’ont pas abouti à un compromis, car le premier ministre a insisté à occuper ce poste lui-même « d’une façon temporaire », selon ses dires.

« Netanyahu n’a pas accepté de donner le portefeuille de la Défense à Bennet, car ce dernier partage avec Lieberman une prédilection pour le gant de fer contre le Hamas et il s’était toujours opposé à la politique de Netanyahu envers les Palestiniens. Cette disparité des points de vue ne ferait que répéter la crise qui a eu lieu entre Lieberman et Netanyahu », analyse Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.

En effet, plusieurs différends opposent Lieberman au chef du Likoud. A plusieurs reprises, le ministre de la Défense s’était opposé à la politique de Netanyahu : il a critiqué la semaine dernière la décision du gouvernement de permettre le transfert de dollars qataris dans la bande de Gaza pour payer les salaires des fonctionnaires du Hamas. En octobre dernier, il s’était aussi opposé à la livraison de carburants par le Qatar pour alimenter la centrale électrique de Gaza. « Israël a été complice du financement des terroristes. Le cessez-le-feu a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », a déclaré le ministre de la Défense démissionnaire.

Netanyahu entre deux feux

Ce n’est donc que l’apogée d’un malaise qui dure depuis longtemps. Plongé dans la crise la plus périlleuse qu’il ait jamais confrontée pendant 12 ans de pouvoir, le chef du Likoud doit faire son choix : convoquer des élections anticipées ou continuer de gouverner avec une coalition fragile. Rejetant l’idée d’élections anticipées, Netanyahu a tenu, dimanche 18 novembre, une réunion — dont les résultats ne sont pas communiqués au moment de l’impression du journal — avec les ministres et les chefs des partis qui forment son gouvernement, afin de les convaincre de ne pas faire chuter le gouvernement.

« Parler d’élections anticipées n’est qu’une rumeur. Faire tomber le gouvernement le plus à droite à Israël sera une erreur stratégique. Il ne faut pas commettre la même erreur qu’en 1992, quand on a fait tomber le gouvernement de droite, ce qui a amené la gauche au pouvoir et a conduit à Oslo, une catastrophe pour l’Etat d’Israël », a mis en garde le chef du gouvernement.

Selon Dr Mourad, Netanyahu semble déterminé à rester à la tête du gouvernement jusqu’à la fin de son mandat en novembre 2019. « Il est vrai que ces récentes évolutions mettent en danger le gouvernement de Netanyahu, mais pour l’instant, ce dernier garde une majorité d’un seul siège à la Knesset. Donc, il peut continuer à gouverner sauf si Bennet retire son parti. Depuis 2009, Netanyahu est l’homme fort d’Israël. Même s’il convoque des élections anticipées, il va probablement les gagner, car il reste sans rival de poids en Israël », affirme Dr Mourad. En effet, le Likoud reste en position de force pour former la prochaine coalition en cas d’élections anticipées.

Reste à se poser la question la plus logique : quels sont les motifs qui ont porté le chef du Likoud à conclure tel cessez-le-feu aux répercussions catastrophiques pour son gouvernement ? Selon Dr Mourad, Netanyahu avait tant de calculs politiques. « Tout d’abord, il veut contenir la crise avec le Hamas au lieu de l’escalader : il ne veut pas éliminer ce mouvement islamiste, car il est inquiet soit du vide qu’il laisserait, soit de l’impossibilité pour Israël d’assumer la sécurité d’un territoire d’où il s’est retiré en 2005. Netanyahu a aussi peur que si le Hamas disparaît, des groupes palestiniens plus radicaux et plus extrémistes viendront peutêtre imposer leur autorité sur la bande de Gaza. Autre motif : il veut paraître aux yeux des Etats-Unis et de l’Europe comme celui qui évite la guerre avec le Hamas au moment où les Américains le pressent d’accepter les initiatives de paix. Dernier motif : il ne veut pas d’une guerre prolongée qui met en danger ses chances d’être réélu l’année prochaine. Tant de calculs qui l’ont poussé à opter pour le calme avec le Hamas, même si le prix en serait des élections anticipées », conclut Dr Mourad.

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