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Au cœur des débats onusiens

Maha Al-Cherbini, Mardi, 02 octobre 2012

Les débats sur le nucléaire ont dominé les réunions de l’Assemblée générale de l’Onu. Alors qu’une réunion des grandes puissances s’est tenue sur l’Iran en marge de l’Assemblée, des prémices de rapprochement israélo-américain se profilent à l’horizon.

Iran
L'Assemblée générale de l'Onu était une occasion de réchauffer les relations tendues entre Tel-Aviv et Washington. (Photo: Reuters)

Les réunions de l’Assemblée générale de l’Onu se sont transformées en un vrai champ de bataille entre Téhéran et Tel-Aviv qui se sont échangés les menaces et les critiques acerbes à cause du dossier nucléaire iranien. Prononçant son huitième et dernier discours devant l’Assemblée générale de l’Onu, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a accusé certaines « puissances hégémoniques » d’intimider son pays, évoquant les menaces militaires d’Israël. « Les menaces continues des sionistes barbares de recourir à une action militaire contre notre grande nation sont un exemple manifeste de cette amère réalité », a déclaré M. Ahmadinejad, rajoutant que son pays était prêt à faire des progrès dans les discussions difficiles menées avec les grandes puissances. Réaliste, Ahmadinejad a pourtant déclaré qu’il ne prévoyait pas de progrès sur le nucléaire iranien avant les présidentielles américaines de novembre. Selon les experts, il s’agit du discours le plus modéré d’Ahmadinejad tant que c’est son dernier discours devant l’Onu car ce dernier achèvera en 2013 son deuxième et dernier mandat présidentiel.

Fustigeant le discours du président iranien, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a critiqué Téhéran vendredi devant l’assemblée, exigeant l’établissement d’une « ligne rouge claire » pour empêcher ce pays de se doter d’une arme atomique. Comparant un Iran nucléaire à « Al-Qaëdaarmé de bombes atomiques », M. Netanyahu a assuré que « l’avenir du monde était en jeu »et que « le temps pressait ». Inquiétant les dirigeants du monde, Netanyahu a prévenu que l’Iran posséderait « l’été prochain » assez d’uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique. « L’Iran est actuellement à 70 % de son programme, la première phase est terminée et la seconde est déjà entamée. Au rythme actuel, l’Iran entrera l’été prochain dans la phase finale », a-t-il mis en garde, expliquant qu’il fallait stopper le programme iranien avant qu’il ne dépasse les 90 % de son achèvement.

Suite à cette guerre verbale qui opposait Tel-Aviv à Téhéran devant les dirigeants du monde, une importante réunion des six grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France et Allemagne) a eu lieu en marge de l’Assemblée pour discuter du nucléaire iranien. Lors de cette réunion, les Six ont affiché leur unité et leur détermination à stopper le programme nucléaire iranien. Pour sa part, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a affirmé que l’Iran devait « agir d’urgence » pour rassurer sur son programme nucléaire controversé. « A partir de cette réunion, je vais prendre contact avec l’Iran pour poursuivre ce processus »,a-t-elle affirmé. Menaçant le régime des mollahs, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a mis l’accent sur « les pressions à exercer » sur l’Iran, alors que le ministre allemand des Affaires étrangères s’est inquiété de l’absence de preuve sur l’aspect pacifique du programme iranien, appelant l’Iran à « cesser de jouer la montre ».

Contenir la crise

Adoptant un ton menaçant, un responsable américain a réitéré l’importance d’alourdir les sanctions contre Téhéran, ce que Pékin, allié traditionnel de Téhéran, a rejeté, confirmant son opposition à de nouvelles sanctions contre l’Iran. « Les pressions et les sanctions ne peuvent pas résoudre la question nucléaire iranienne, mais vont au contraire la compliquer et l’aggraver, renforcer la confrontation, ce qui n’est pas bon pour la paix et la stabilité régionales », a mis en garde le porte-parole de la diplomatie chinoise, M. Hong.

Parmi les événements les plus importants qui ont marqué les réunions de l’Assemblée de l’Onu cette semaine, le rapprochement entre Israël et Washington qui ont tenté de contenir la crise qui frappe leurs relations il y a un mois. Ces dernières semaines, un grave fossé s’est creusé entre ces deux alliés quand M. Netanyahu a demandé à l’administration Obama de fixer à l’Iran des « lignes rouges claires » sous peine de s’exposer à une attaque militaire. Mais il s’est heurté à des fins de non-recevoir répétées de Washington. Depuis, une guerre verbale a éclaté entre les deux pays et Netanyahu était fort pressé, ces derniers jours, par son opposition et son peuple pour se réconcilier avec son grand allié sous peine d’isolement.

Dans une tentative de contenir la crise, « Bibi » — Netanyahu — s’est entretenu vendredi avec la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton en tête à tête durant 75 minutes. Ils sont tombés d’accord sur le fait d’empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire. Le même jour, le président américain et Netanyahu ont eu un entretien téléphonique et se sont mis d’accord sur la nécessité d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. En fait, rien n’indique que les deux hommes se sont rapprochés sur la définition d’une « ligne rouge »imposée à l’Iran. Mais, des deux côtés, on juge que la période est à l’apaisement après un mois de septembre marqué par de vives tensions.Selon les experts, le discours de « Bibi » à l’Onu a plus ou moins calmé l’administration américaine et les responsables israéliens. En fixant une ligne rouge qu’il ne permettrait pas au programme nucléaire iranien de franchir — l’été prochain, le premier ministre israélien a mis fin aux spéculations sur la possibilité d’une attaque israélienne surprise dans les prochains mois. « On peut en déduire que les risques qu’Israël lance une frappe préventive contre l’Iran dans un futur proche se sont réduits, et sont actuellement proches de zéro ; certainement pas avant les élections américaines de novembre et probablement pas cet hiver non plus », affirment les analystes.

Accueillant favorablement cette volonté affichée par Tel-Aviv de contenir sa crise avec Washington, les Etats-Unis et l’Union européenne ont affirmé samedi être prêts à renforcer les sanctions contre l’Iran dans l’espoir de calmer Israël et lui prouver leur détermination à stopper le nucléaire iranien, affirment des diplomates en marge de l’Assemblée.

En dépit de toutes ces pressions internationales, la mission iranienne à l’Onu a rejeté les menaces occidentales, affirmant dimanche que ces menaces ne font que renforcer la détermination de l’Iran. Défiant, le ministre iranien de la Défense, le général Ahmad Vahidi, a déclaré samedi qu’Israël, qui possède des dizaines de têtes nucléaires, « a franchi la ligne rouge », demandant au Conseil de sécurité de sévir contre les pays « qui lancent des cyberattaques » contre des installations nucléaires et « tuent des experts nucléaires ». Téhéran accuse les Etats-Unis et Israël d’être à l’origine de virus informatiques qui ont infecté des ordinateurs de son programme nucléaire. Il accuse aussi les services secrets israéliens d’avoir assassiné quatre scientifiques iraniens impliqués dans ce programme.

Selon les analystes, le dialogue des sourds se poursuivra de plus belle entre Téhéran et l’Occident, tant que les deux parties campent sur leurs positions inconciliables. Pour le moment, la situation restera plus ou moins gelée jusqu’aux présidentielles américaines en novembre.

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