Corruption, fraude et abus de confiance. Jamais l’avenir politique du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu n’était en jeu comme il l’est ces derniers jours suite à son inculpation par la police, la semaine dernière, dans deux enquêtes qui pourraient l’obliger à démissionner avant la fin de son mandat en novembre 2019. Désormais, le sort du premier ministre est entre les mains du procureur général, Avishaï Mandelblit, qui devrait décider son inculpation ou non. « Je prendrai ma décision en toute indépendance. L’enquête a été menée dans le cadre de la loi de façon professionnelle, approfondie, créative et déterminée », a proclamé le procureur général, rendant hommage au travail de la police.
« En effet, la décision du procureur général va prendre de longs mois, ce qui donnerait la chance à Netanyahu de finir son mandat. Et puis, même si le procureur décide d’inculper le premier ministre, ce dernier va garder son poste tant que son départ n’est imposé ni par la Cour suprême, ni par les membres de son parti. Netanyahu ne pourrait partir qu’en deux cas: la dislocation de sa coalition gouvernementale ou un verdict contre lui de la Cour suprême », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Qu’il risque son poste ou non, il va sans dire que Netanyahu est dans la situation la plus périlleuse qu’il ait jamais confrontée pendant 12 ans de pouvoir. C’est la première fois qu’il se livre à une offensive aussi dure contre la police. De plus, le chef du Likoud est sous les feux de l’opposition qui parle du « début de la fin » pour le premier ministre. « Sans équivoque possible, le premier ministre doit démissionner. Il est indigne de rester premier ministre », a fustigé le leader du Parti travailliste (opposition), Avi Gabbay. Même dans les rues, des manifestations populaires sont organisées chaque semaine ces derniers mois pour réclamer le départ du premier ministre corrompu. Vendredi 16 février, les plus grandes manifestations— regroupant des milliers d’Israéliens— ont éclaté à Tel-Aviv, réclamant la démission de Netanyahu.
Paraissant indéfectible, M. Netanyahu a balayé les appels à la démission. « Cette fois aussi, les choses ne déboucheront sur rien. Je peux vous rassurer: notre gouvernement terminera son mandat, et je suis sûr qu’aux prochaines élections, j’obtiendrai de nouveau votre confiance. Ces recommandations n’ont aucune valeur juridique dans un pays démocratique. La coalition est stable, et ni moi ni personne n’avons de projet d’élections anticipées », a défié le premier ministre, s’en prenant aux médias et à la gauche, accusés d’avoir partie liée dans une tentative de « putsch » pour obtenir son éviction du pouvoir.
Quels scénarios possibles ?
Les partisans de Netanyahu s’inquiètent, car ces recommandations policières n’ont pas manqué de susciter la comparaison avec son prédécesseur et ancien adversaire, Ehud Olmert, qui a accédé au pouvoir en 2006 et était obligé de démissionner pour corruption en 2008, avant de convoquer les élections anticipées qui ont reconduit Netanyahu au pouvoir en 2009. Mais le scénario d’Olmert est différent. Plusieurs facteurs servent Netanyahu. « Tout d’abord, sa coalition est solide et stable, elle n’a donné jusqu’alors aucun signe de se fissurer. Et puis, Netanyahu est sans rival, et surtout que ses alliés, dont les ministres Avigdor Lieberman (Défense), Moshe Kahlon (Finances) et Naftali Bennett (Education), à la tête de trois partis piliers de la coalition, le soutiennent. Quant à Olmert, il était dans une situation politique beaucoup plus fragile, car les membres de son parti avaient demandé sa démission et sa coalition avait volé en éclats », explique Dr Mourad.
Cela dit, Netanyahu risque de ne pas pouvoir briguer un nouveau mandat, surtout qu’une bonne partie des Israéliens a perdu confiance en lui. Selon 3 sondages publiés la semaine dernière, entre 45 et 50% d’entre eux estiment que M. Netanyahu devrait soit démissionner, soit de se mettre en retrait temporairement. « Tout se jouera désormais dans la rue. Si la vague de protestations populaires s’aggrave, la coalition au pouvoir pourrait se fissurer graduellement sous la pression de la rue », conclut Dr Mourad .
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