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Guerre anti-Daech : Trump commence par l’Afghanistan

Maha Al-Cherbini avec agences, Mercredi, 19 avril 2017

La récente frappe américaine contre Daech en Afghanistan s'inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie américaine visant à éradiquer le réseau djihadiste, une priorité promise par le président Donald Trump lors de sa campagne électorale.

Guerre anti-Daech : Trump commence par l’Afghanistan
Les forces américaines poursuivent leurs opérations de nettoyage contre Daech en Afghanistan. (Photo:AFP)

Plutôt que penser aux différentes difficultés que traverse l’Afghanistan, notamment l’habituelle offensive du printemps des talibans, l’Administration américaine a opté pour une frappe spectaculaire contre Daech dans ce pays. De quoi prouver que le président américain, Donald Trump, reste fidèle à sa promesse électorale d’éradiquer le réseau terroriste. Passant des promesses aux actes, les Etats-Unis ont largué cette semaine la bombe non nucléaire la plus puissante jamais larguée par un avion américain sur l’est de l’Afghanistan, dans la province de Nangarhar, où un soldat américain a été tué la semaine dernière. C’est la première fois que cette bombe — appelée « mère de toutes les bombes » — d’une puissance explosive comparable à 11 tonnes de TNT soit utilisée au combat. Bilan de la frappe : au moins 90 morts parmi les djihadistes, toujours traqués pour des opérations de nettoyage.

Selon les analystes, cette frappe ne va pas seulement affecter les capacités de l’Etat Islamique (EI), mais aussi elle constitue un « avertissement » pour les talibans, beaucoup plus nombreux et implantés avant le début de leur offensive de printemps. De quoi rendre difficile le retrait des 8 400 soldats qui appuient les forces afghanes dans leurs combats contre les talibans et Daech. « Le nombre des djihadistes en Afghanistan est trop minime une fois comparé à celui qui se trouve en Syrie et en Iraq. Ils ne dépassent pas les 700 combattants au cimetière afghan. En frappant Daech en Afghanistan, Trump lance un message clair : il va frapper ce réseau terroriste là où il se trouve, quel que soit son nombre », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.

En fait, la province de Nangarhar est la première région d’implantation de Daech qui a progressé ces deux dernières années en Afghanistan, en recrutant notamment des talibans afghans ou pakistanais désenchantés. Ces derniers mois, le groupe djihadiste a revendiqué plusieurs attentats en Afghanistan, dont la sanglante attaque contre le plus grand hôpital militaire du pays en mars à Kaboul. Selon l’Onu, le nombre de victimes civiles attribuées à ce réseau terroriste a atteint 899 victimes, dont 250 morts depuis 2015. Or, depuis août 2016, l’EI a perdu du terrain sous le coup des frappes aériennes américaines et des offensives terrestres de l’armée afghane. Selon l’Otan, les djihadistes ne compteraient plus que 600 à 700 combattants, contre 3 000 début 2016.

Selon Mourad, la nouvelle Administration américaine va recourir à un renforcement de ses troupes et un prolongement de leur mandat en Afghanistan, afin d’éradiquer Daech. « L’Afghanistan n’était jamais une priorité pour Trump, qui ne l’a même pas évoqué lors de sa campagne électorale. Ce qui intéresse le président américain dans le bourbier afghan c’est l’apparition de Daech là-bas. Je pense que Trump sera obligé de maintenir et de renforcer la présence américaine en Afghanistan pour éradiquer Daech plus que les talibans. Déjà, la plupart de ses conseillers appartiennent à la ligne dure, partisane d’une présence militaire forte dans ce pays, craignant qu’il ne devienne un repaire du terrorisme dans le monde », explique l’expert.

Plusieurs facettes
En effet, cette frappe s’inscrit dans le cadre d’une stratégie générale de lutte contre Daech, dépassant de loin l’Afghanistan. Selon les experts, la nouvelle lutte antiterroriste se joue désormais sur plusieurs fronts. Sur le plan militaire, le président républicain a augmenté le budget militaire de 10 %, afin de renforcer et moderniser les capacités militaires, de quoi rendre plus efficace la lutte antiterroriste. Selon Dr Mourad, cette stratégie anti-Daech sera fondée sur l’usage massif des armes en plus d’une coopération militaire avec les pays arabes et le Moyen-Orient soucieux de lutter contre le terrorisme. A présent, Washington déploie 5 000 militaires en Iraq et 500 hommes des forces spéciales, dont des experts militaires en Syrie qui participent à la lutte contre Daech. Il est probable que Washington augmente ses effectifs dans la période à venir, envoie des armes supplémentaires et multiplie ses frappes aériennes contre l’EI.

« Outre ce volet militaire, Trump tente de trouver de nouveaux alliés contre Daech, comme la Russie, qui maintient une forte présence militaire en Syrie. Cette nouvelle position est à l’opposé de celle de la précédente administration, qui a toujours refusé de coopérer avec Moscou. Pour Trump, Daech représente la menace la plus grave, ce qui justifie la nécessité de mettre de côté ses différends avec Moscou, envenimés par la crise en Ukraine et l’intervention militaire russe en Syrie », affirme Dr Mourad. Autre axe de sa nouvelle stratégie : le numéro un américain tente de couper toutes les sources de financement du réseau djihadiste. « Les Etats-Unis frappent les installations pétrolières en Iraq pour empêcher Daech d’exporter le pétrole, de quoi le priver d’une importante source de financement. Ils guettent aussi les virements bancaires transférés à Daech et les gèlent », explique l’expert. Sur le plan technologique, Washington cherche à affaiblir la capacité d’enrôlement du groupe djihadiste à travers le sabotage de son réseau de communication sur Internet.

Or, dans sa guerre antiterroriste, Trump prend des risques. En effet, l’hostilité déclarée par Trump à Téhéran pourrait avoir de graves séquelles sur la guerre antiterroriste, car l’Iran est très présent dans les combats contre Daech en Iraq et en Syrie : il pourrait bien causer de graves troubles à Washington dans ces deux fiefs de l’EI, où la République islamique a une grande influence.

D’où la question de savoir si cette nouvelle stratégie américaine réussira à éradiquer Daech. « On a besoin de temps pour juger de l’efficacité de cette stratégie. Personnellement, je vois que ces frappes américaines resteraient sans fruit, car en frappant une fois en Syrie, une fois en Afghanistan, on ne pourra pas en finir avec Daech. Trump fait ces frappes spectaculaires pour augmenter sa cote de popularité en baisse dans son pays. La lutte antiterroriste n’est qu’une carte pour augmenter sa popularité », conclut Dr Mourad.

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