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Maroc-UA : Un retour et des expectatives

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 17 janvier 2017

Après l'avoir boudée pendant plus de trente ans, le Maroc est sur le point de réintégrer l'Union Africaine (UA). Un retour, qui devrait être officialisé au cours du prochain sommet africain, fin janvier, mais qui remet sur le tapis le contentieux algéro-marocain sur le Sahara Occidental.

Maroc-UA : Un retour et des expectatives
Le roi Mohammed VI a mené une vaste offensive diplomatique pour baliser le retour à l'UA. (Photo:AFP)

« Le roi ira à Addis-Abeba pour défendre l’entrée du Maroc à l’UA ». Ce sont les paroles du chef du gouvernement marocain désigné, Abdelilah Benkirane, à quelques jours du sommet de l’Union Africaine (UA), qui se tiendra les 30 et 31 janvier à Addis-Abeba.

Vraisemblablement donc, le roi du Maroc, Mohammed VI, assistera au prochain sommet de l’UA, que le royaume entend réintégrer à cette occasion, après des années de rupture. C’est en effet le 12 novembre 1984, date du 20e sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) (ancêtre de l’UA), que le Maroc a annoncé sa décision de quitter l’institution pour protester contre l’arrivée d’une délégation de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) à l’organisation. Ce même jour, l’Etat autoproclamé en 1976 par le Front Polisario siégea, en effet pour la première fois, en tant que membre de plein droit de l’OUA. Un affront insupportable pour Rabat, qui considère depuis toujours les 266 000 km2 du Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole, comme une partie de son territoire national historique et contrôle aujourd’hui 80 % de sa superficie.

Aujourd’hui encore, la question du Sahara Occidental n’est pas réglée. Le Maroc rejette toute revendication d’indépendance portant sur ce qu’il appelle ses « provinces du sud » et dénonce l’instrumentalisation de l’Algérie, soutien du Polisario, le groupe armé, qui réclame l’indépendance du territoire. Et, bien que le royaume eût déposé devant l’Onu en 2007 un plan de paix prévoyant une autonomie de la région sans remise en cause de la souveraineté marocaine, l’affaire n’est toujours pas tranchée notamment le référendum d’auto détermination prévu n’a pas pu être organisé à cause de la question hautement délicate de la constitution du corps électoral.

Cela dit, le retour du Maroc à l’UA vise à « pallier la politique de la chaise vide qui, selon Rabat, a été nuisible pour le Maroc et exploitée par ses adversaires. Mohammed VI a, en effet, annoncé en juillet dernier sa volonté que le Maroc réintègre sa place naturelle ». « Après réflexion, il nous est apparu évident que, quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur », a expliqué le monarque, égratignant au passage l’institution panafricaine, tout en prenant acte de l’échec de la politique de la chaise vide. Le Maroc a donc mené une vaste offensive diplomatique pour baliser le terrain à ce retour, et le roi Mohammed VI a enchaîné les tournées diplomatiques en Afrique, notamment au Rwanda, en Tanzanie, au Gabon, au Sénégal, en Ethiopie ou encore à Madagascar.

La question sahraouie en toile de fond
Ainsi, le retour du Maroc ne signifie pas un renoncement à la question sahraouie. Or, selon l’article 3 de la loi fondamentale de l’UA, tout membre s’engage « à défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance des Etats membres ». En clair, son engagement est aussi valable pour son ennemi juré, RASD. Cela dit, rien n’empêche le Maroc, une fois membre de l’union, de demander à ce que cet acte constitutif soit amendé, comme le permet l’article 32, afin de rétablir ce qu’il considère comme ses droits historiques sur le territoire sahraoui. Autant dire que l’Afrique assistera cette année à un véritable bras de fer.

Hani Raslane, écrivain et analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, spécialiste des affaires africaines, estime que « le Maroc a réussi pendant toutes ces années à renforcer sa position avec les Africains en ce qui concerne le Sahara Occidental. En même temps, Rabat a pris conscience que la politique de la chaise vide lui est nuisible, d’autant plus que le Maroc a des relations anciennes et étroites avec le continent. En plus, ces dernières années, Rabat a consolidé ses relations économiques avec de nombreux pays africains ».

Selon le professeur de relations internationales à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, Idris Karayanni, cité par le site Al-Jazeera.net, « la motion signée par 28 membres de l’UA (majorité simple des 54 membres), en juillet dernier, au sommet de l’UA tenu au Rwanda, ne signifie pas uniquement un accord pour une réintégration du Maroc à l’UA, mais aussi un rejet du Front Polisario ».

Mais la question du Sahara Occidental n’est pas si simple que cela, et qui dit Polisario, dit Algérie. « Le retour du Maroc s’inscrit d’abord dans une volonté de réintégrer la famille africaine, quant à la question du Polisario, c’est une affaire qui traîne en longueur et qui traînera encore. Elle ne sera pas réglée sur le court terme, d’autant plus que l’Algérie ne changera pas sa position en faveur de l’indépendance du Sahara Occidental et restera opposée à toute initiative qui va dans le sens contraire. Alger a toujours soutenu le Polisario et continuera de le soutenir », explique Hani Raslane.

En effet, en réaction au retour du Maroc à l’UA, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a déclaré : « Le Maroc serait le bienvenu en tant que 55e membre de l’UA, sur un pied d’égalité avec les 54 Etats membres actuels en droits et en devoirs ». Autrement dit, le voisin marocain occupera la même place que le Sahara Occidental. Autrement dit aussi, il s’agit d’une « adhésion » plutôt que d’un « retour », comme l’avait auparavant précisé Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue arabe. Une contre-offensive qu’Alger prépare depuis juillet dernier, lorsque les prémices d’un retour du Maroc ont commencé : le premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, avait alors clairement déclaré, que « le retrait du Front Polisario de l’UA est impossible » .

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