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Velléités iraniennes en Afrique

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 01 août 2016

Pour la première fois depuis la levée des sanctions internationales, le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, a effectué une tournée de six jours en Afrique de l’Ouest. Objectif : Resserrer des liens économiques avec le continent noir et y contrecarrer l'influence de l'Arabie saoudite.

Le Nigeria, le Ghana, la Guinée et le Mali. Tels sont les quatre pays où le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, a effectué une tournée de six jours qui a pris fin samedi dernier. Il s’agit de la troisième tournée africaine du chef de la diplomatie iranienne qui avait déjà visité le Kenya, l’Ouganda, le Burundi et la Tanzanie pendant ces deux dernières années, de quoi prouver la détermination iranienne à réaffirmer sa présence sur le continent noir. « Auparavant, les relations entre Téhéran et l’Afrique étaient bonnes. Il y avait une importante coopération économique, technologique et agricole entre les deux parties. Mais, l’imposition des sanctions contre Téhéran a amenuisé cette coopération depuis plus de 14 ans, surtout après les menaces brandies par l’Occident contre tous les pays qui entretiennent des relations économiques avec l’Iran. Maintenant et même après la levée des sanctions, les relations commerciales entre l’Afrique et l’Iran restent faibles, car les sanctions n’ont pas été totalement levées à cause de la réticence américaine », explique Dr Ahmad Al-Béheiri, expert du dossier iranien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Bien qu’elle soit la troisième, la récente tournée de Zarif en Afrique revêt un caractère « exceptionnel », car elle est la première depuis la levée des sanctions. Par cette visite, Téhéran voulait faire d’une pierre plusieurs coups économiques et politiques. Sur le plan économique, il s’agit de renforcer les partenariats commerciaux bilatéraux, ouvrir de nouveaux marchés en Afrique afin de briser son isolement et relancer son économie étranglée par les sanctions. « Les deux parties ont intérêt à raviver leur coopération économique. L’Iran avait toujours les yeux braqués sur l’Afrique, car il va beaucoup profiter de ce continent riche en ressources naturelles encore vierges. Jusqu’à présent, 1 % seulement des ressources minérales et pétrolières africaines ont été exploitées. Un pays comme le Nigeria par exemple est devenu une grande puissance pétrolière présentant des atouts économiques indéniables pour l’Iran. Quant au côté africain, il va aussi profiter de son éventuelle coopération avec la puissance chiite. Outre ses énormes réserves en gaz et en pétrole, l’Iran possède de larges capacités dans le domaine de l’industrie des avions, des missiles et des industries lourdes. Il va aider les pays africains à se développer », analyse Dr Al-Béheiri. Vu ces intérêts réciproques, certains pays africains affichent un intérêt pour une coopération avec l’Iran, dont l’Afrique du Sud qui était proche de l’Iran à l’époque du Shah qui lui vendait le pétrole pendant l’embargo lié à l’apartheid. En avril dernier, le président sud-africain, Jacob Zuma, s’était rendu à Téhéran afin d’approfondir les liens économiques entre les deux pays après la levée des sanctions.

Objectifs politiques

Outre les gains économiques, il faut noter qu’un objectif politique — beaucoup plus important — hante le régime iranien : contrecarrer l’influence de l’Arabie saoudite dans le continent noir où les deux puissances tentent d’étendre leur influence sur fond de rivalités sunnite et chiite. En fait, cette tournée de Zarif est la première depuis l’éclatement en janvier dernier de la crise entre Téhéran et Riyad après l’exécution d’un cheikh chiite saoudien et l’attaque contre l’ambassade saoudienne à Téhéran par des manifestants anti-saoudiens. Depuis, les pays africains étaient appelés à faire leur choix entre les deux puissances du Moyen-Orient. Un choix qui a « fait mal à l’Iran » puisque plusieurs pays africains ont rompu leurs relations diplomatiques avec la puissance chiite et affiché leur ralliement à la coalition militaire saoudienne qui mène la guerre au Yémen contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran. Parmi ces pays figure le Soudan — l’un des principaux soutiens de Téhéran — qui a fermé l’ambassade iranienne à Khartoum, prenant ainsi le côté de Riyad. Ensuite, c’était la Somalie qui a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran malgré une coopération grandissante entre les deux pays. Dernier coup : l’Erythrée a annoncé son ralliement à la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen. « Ces trois pays ont trouvé qu’ils vont gagner plus s’ils se rangent aux côtés de l’Arabie saoudite qui pourrait les compenser financièrement. Riche, Riyad présente d’énormes aides économiques et humanitaires au continent noir. De plus, les pays africains ont opté pour le camp saoudien car ils sont plus proches géographiquement de la puissance sunnite qui pourrait les protéger contre toute attaque extérieure », analyse Dr Al-Béheiri. A la lumière de ces évolutions, on peut déduire que l’hégémonie politique et économique dont rêve Téhéran sur le continent noir est encore loin d’être acquise, surtout après la perte de ses anciens alliés en faveur de son rival sunnite. Les jours à venir, le régime iranien est censé déployer des efforts monstres pour ne pas être marginalisé par l’offensive saoudienne, mais aussi et surtout israélienne dans un continent courtisé de tous .

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