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La France sur le pied de guerre

Abir Taleb avec agences, Jeudi, 19 novembre 2015

Face à l'ampleur des attentats, Paris entend riposter de la manière la plus forte.

La France
Mot d'ordre de la presse française : répondre par la force. (Photos : AP)

« ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France, c’est un acte de guerre et face à la guerre le pays doit prendre les décisions appro­priées ». Tels ont été les mots que le président français, François Hollande, a utilisés pour évoquer les attentats de vendredi soir, quelques instants à peine après qu’ils eurent été commis. C’est dire que Paris prend la chose au sérieux et se considère presque en état de guerre. A situation exceptionnelle, mesures excep­tionnelles. Peu après les attaques, le président français a décrété l’état d’urgence, et « décidé le rétablissement immédiat des contrôles aux frontières ». Le Conseil des ministres a aussi adopté un décret pour renforcer les mesures dans l’ensemble des communes d’Île-de-France, et quelque 1 500 militaires ont éga­lement été déployés en urgence dès vendredi soir pour prêter main forte aux forces de l’ordre et sécuriser la capitale. Au total, quelque 3 000 militaires seront déployés dans tout le pays.

Des mesures d’exception qui semblent tout à fait acceptées par les Français. En effet, le ton de la presse française est à la hausse : « La France est en guerre. En guerre contre un terrorisme tota­litaire, aveugle, terriblement meurtrier », insiste Le Monde. « Cette guerre, maintenant cha­cun l’a compris, ne fait que com­mencer », prévient Le Figaro qui ajoute : « Contre la brutalité, il n’est qu’un principe : la force. Contre la sauvagerie, qu’une loi : l’efficacité ». C’est « la République face à la barbarie », écrit en une Le Journal du dimanche. « Le temps est venu de rendre coup pour coup, d’être impitoyable face à nos ennemis, de l’intérieur comme de l’exté­rieur », assure L’Alsace.

Un ton à l’unisson qui conforte le président français, décidé, semble-t-il, à intensifier sa cam­pagne aérienne contre l’Etat isla­mique en Syrie. Car tout le monde le sait, les deux événe­ments ne sont pas sans liens. D’ores et déjà, les premiers élé­ments de l’enquête évoquent la Syrie.

Un passeport syrien apparte­nant à un migrant enregistré en Grèce, selon Athènes, mais inconnu des services français, a été retrouvé près de l’un des auteurs des attaques du Stade de France, ce qui pose la question d’un éventuel séjour en zone de djihad d’autres membres du com­mando et leur entraînement. La piste syrienne est l’une des hypo­thèses de travail privilégiées par les enquêteurs. Les terroristes qui ont pris en otage des spectateurs du Bataclan ont « évoqué la Syrie et l’Iraq », a rapporté le procu­reur de Paris, François Molins.

Lors d’un point de presse tenu samedi, François Molins a aussi parlé de « trois équipes de terro­ristes coordonnées ». Le corps d’un des assaillants du Bataclan a été identifié comme étant un res­sortissant français fiché pour ses liens avec les islamistes radicaux, a aussi indiqué une source proche de l’enquête. Six personnes de l’entourage du kamikaze identifié ont été interpellées, notamment son père et son frère.

Outre cette piste syrienne, l’en­quête a mis au jour une piste belge. Trois personnes ont été arrêtées par les autorités belges. Parmi elles, l’homme qui avait loué la Polo noire des kamikazes retrouvée garée devant le Bataclan, théâtre de la plus meur­trière des attaques qui ont touché Paris vendredi. Le procureur français avait précisé que l’une des voitures utilisées par les assaillants était immatriculée en Belgique et avait été louée par un Français résidant en Belgique. Plusieurs autres personnes ont été arrêtées samedi lors d’une vaste opération de police dans la com­mune bruxelloise de Molenbeek.

Une enquête qui va donc dans le sens des premières déclara­tions du président français, qui avait dénoncé dès vendredi soir un acte « planifié de l’extérieur et avec des complicités inté­rieures ».

Sur place, un Egyptien témoigne

Amr Nabil, artiste peintre et photographe de presse : « Je suis à Paris depuis quelques jours, dans le cadre d’une exposition photo organisée à l’Institut du monde arabe, et j’avais décidé de prolonger ma visite de quelques jours pour bien profiter de la ville des Lumières. Mon hôtel se situe pas très loin du théâtre du Bataclan. Dès que j’ai entendu les explosions, je suis sorti dans la rue pour voir ce qui se passait. C’était le chaos. Des scènes de panique partout. Des gens qui couraient dans tous les sens. Les explosions ont été relayées par les sirènes d’ambulances. Quand j’ai su ce qui se passait, on m’a alors conseillé de retourner à l’hôtel et d’y rester. Le lendemain matin, ma curiosité de photographe de presse m’a conduit une fois de plus au Bataclan. J’ai dû m’y rendre à pied, car les deux stations de métro qui séparent mon hôtel du Bataclan étaient fermées. Là encore, tout portait à la désolation. L’ambiance était lugubre, macabre, lourde. Les maga­sins étaient tous fermés, les cafés aussi. Les rues désertées. Seule la police est là, ça ne ressemble pas du tout à Paris que l’on connaît. Le silence est de plomb, interrompu de temps à autre par les sirènes des ambulances. J’avance à petits pas. Des voitures de police empêchent l’accès direct au site. Mais il y a tout de même un endroit pour les photographes et les journalistes. Je prends quelques photos, discute un peu avec les gens venus sur place déposer quelques fleurs ou quelques mots de compassion. Une seule note d’optimisme, personne ne se montre désobligeant avec moi, malgré mes traits arabes. Pour une fois, on ne fait pas d’amalgame ».

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