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Iran : L’accord nucléaire vivra

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 15 septembre 2015

Les républicains du Congrès américain n'ont pas réussi à barrer la route à l'accord nucléaire iranien, confirmant la victoire du président Barack Obama et la viabilité de son pacte, qui pourra enfin entrer en vigueur.

La voie vers l’application de l’accord nucléaire iranien semble enfin ouverte devant le président américain Barack Obama, qui sera bientôt libre d’appliquer son pacte historique signé mi-juillet par Téhéran et les Six à Vienne. Remportant haut la main sa bataille avec le Congrès, le numéro un américain a réussi, grâce au soutien des démocrates, à barrer la route à ses adversaires — les républicains — qui aspiraient à « tuer » l’accord nucléaire dans son berceau. Soucieux de faire survivre la dernière chance de la diplomatie, la minorité démocrate de la chambre haute du Congrès (42 voix) a réussi à bloquer une résolution républicaine qui aurait empêché Obama de suspendre les sanctions américaines contre l’Iran, les républicains n’ayant obtenu que la majorité des 60 voix sur 100 requises. Le Congrès avait jusqu’au 17 septembre pour donner son avis sur l’accord. Or, le président Obama n’avait pas pu attendre l’expiration de la date limite pour manifester sa victoire. « L’accord vivra et entrera en vigueur. Ce vote est une victoire pour la diplomatie, pour la sécurité nationale des Etats-Unis et pour la sécurité du monde », s’est félicité Barack Obama. Rarement un vote n’avait fait l’objet d’autant de pressions de la part des lobbys, notamment des organisations juives américaines opposées à un tel pacte, y voyant une « menace existentielle » pour Israël.

La visite du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, début novembre, à la Maison Blanche — la première depuis la conclusion de l’accord — inquiète fort l’administration américaine et le camp démocrate suspicieux sur les intentions du chef israélien, surtout après son discours devant le Congrès en mars dernier où il a incité les sénateurs à torpiller l’accord nucléaire, de quoi susciter la plus grande irritation de la Maison Blanche. Selon les experts, la future visite du leader israélien pourrait avoir deux objectifs : inciter les républicains, proches d’Israël, à poursuivre leur guerre contre le pacte iranien et obtenir des garanties américaines quant à la sécurisation de l’Etat hébreu après l’entrée en vigueur de l’accord. De peur de voir le pacte nucléaire torpillé même avant son application, le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a estimé dimanche que le gouvernement américain avait la responsabilité de protéger l’accord contre d’éventuelles violations initiées par le Congrès.

Là, s’impose la question : pourquoi le président américain s’est-il déployé à sauver son accord ? Deux motifs résident derrière cette persévérance. Le premier est plutôt personnel : cet accord est la dernière bouée de sauvetage susceptible de redorer l’image d’Obama sur la scène internationale à l’approche de la fin de son dernier mandat fin 2016, surtout que ses échecs en Iraq et en Afghanistan ont fort terni son image. « Outre ce motif personnel, les Etats-Unis tiennent, par ce pacte, à faire de l’Iran un partenaire stratégique et militaire au Moyen-Orient. Washington a enfin réalisé qu’il ne pourra jamais résoudre les crises régionales sans l’aide de l’Iran, future superpuissance, qui pourrait contribuer à résoudre les crises au Yémen, en Iraq et en Syrie », analyse Dr Mahmoud Farag, ex-diplomate et expert politique du dossier iranien.

Pas encore perdu

Selon les experts, les républicains ont, peut-être, perdu une bataille mais ils n’ont pas encore perdu la guerre. Malgré leur défaite au Congrès, ils ne semblent plus prêts à céder le pas. Ultime effort symbolique de leur part : la Chambre des représentants américaine, à majorité républicaine, a formellement rejeté cette semaine l’accord nucléaire, une dénonciation futile car les républicains avaient déjà perdu la partie au Sénat, l’autre chambre du Congrès. En fait, les républicains ont insisté à tenir ce vote symbolique afin de montrer qu’une minorité seulement des élus soutenait le président démocrate (42 sur 100, tous démocrates).

Ne se bornant pas à des gestes symboliques, les adversaires du président ont agité la menace d’une revanche au plan judiciaire, affirmant qu’en n’ayant pas transmis aux parlementaires le protocole d’inspection confidentiel négocié entre Téhéran et l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), l’administration Obama a violé ses obligations envers le Congrès, ce qui rend, selon eux, toute suspension de sanctions « illégale ». « Des poursuites judiciaires contre l’exécutif sont possibles. Cet accord est pire que tout ce que j’aurais pu imaginer. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour le stopper », a déclaré John Boehner, président républicain de la Chambre. Cette guerre féroce déclarée par les républicains impose à l’esprit une question épineuse : quel sera l’avenir du pacte nucléaire si un président républicain prend les rênes du pouvoir aux Etats-Unis en janvier 2017 ? La réponse à cette question inquiète fort, car un tel scénario pourrait réduire en poussière les efforts inlassables déployés par l’Europe et les Etats-Unis pendant vingt mois pour mettre fin à une décennie de tension entre l’Iran et la communauté internationale. « Il se peut que le nouveau président républicain demande la révision de l’accord pour des raisons de sécurité nationale. Il se peut aussi qu’il tente d’imposer à l’Iran de nouvelles conditions plus strictes que le régime des mollahs ne va jamais accepter. Une impasse qui pourrait ramener la planète à la case départ car le régime iranien ne présentera jamais plus de concessions aux Etats-Unis, ce qui ferait craindre une impasse diplomatique », conclut Dr Farag.

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