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Nucléaire iranien : L’accord en passe de se concrétiser

Maha Al-Cherbini, Dimanche, 06 septembre 2015

Barack Obama a gagné son pari avec le Congrès américain sur l'accord nucléaire iranien après le ralliement de suffisamment de sénateurs en prévision du vote qui aura lieu dans les jours à venir.

Nucléaire iranien : L’accord en passe de se concrétiser
Des manifestations de joie se sont déchaînées devant la Maison Blanche en signe de soutien à l'accord nucléaire iranien. (Photo:Reuters)
La dernière pierre d’achoppement qui pouvait faire avorter l’accord nucléaire iranien conclu le 14 juillet dernier entre l’Iran et les Six a été enfin levée. Mettant fin à un grave bras de fer qui l’opposait au Congrès depuis des mois, le président américain Barack Obama a remporté cette semaine sa bataille contre ses adversaires, les Républicains, hostiles à l’accord iranien vu comme une « capitulation » aux ambitions nucléaires iraniennes : « Les Démocrates ont gagné, l’accord sur l’Iran est fait », a déploré le numéro 2 des sénateurs républicains, John Cornyn, alors que les Républicains aspiraient à présenter, avant le 17 septembre, une « résolution de désapprobation » de l’accord qui interdirait à Washington de lever la plupart des sanctions contre Téhéran tel que le prévoit l’accord de Vienne en contrepartie de l’engagement de l’Iran à ne pas fabriquer l’arme nucléaire.
Initialement, cette résolution devrait être adoptée puisque les Républicains détiennent la majorité absolue à la Chambre et au Sénat. Or, Barack Obama ne pouvait pas permettre à ses adversaires de gâcher plus de vingt mois d’efforts inlassables visant à aboutir à un tel accord historique qui redorerait son image sur la scène internationale à l’approche de son départ de la Maison Blanche en janvier 2017, surtout après ses échecs en Iraq et en Afghanistan. C’est pourquoi il a promis son veto contre la résolution des Républicains, de quoi forcer un second vote, mais cette fois, avec une majorité de deux tiers requise dans chacune des deux chambres pour surmonter le veto.
Passant à la contre-offensive, le président américain a réussi, à l’arraché, à rallier plus du tiers de sénateurs qui doivent voter l’accord au Congrès dans les prochaines semaines. Avec le ralliement de la sénatrice démocrate Barbara Mikulski, et d’au moins 34 sénateurs sur 100 au total — tous Démocrates —, la Maison Blanche pourrait ainsi s’assurer une victoire au Congrès. Ce chiffre est le seuil que le président espérait atteindre, car il correspond à la minorité requise dans la chambre haute du Congrès pour bloquer la tentative républicaine de tuer le pacte. « Aucun accord avec l’Iran n’est parfait, mais ce pacte est la meilleure option pour empêcher l’Iran d’obtenir la bombe nucléaire », a justifié Barbara Mikulski, rajoutant que l’alternative serait un scénario d’« incertitude et d’isolation diplomatique » des Etats-Unis. Une opinion partagée par nombre de Démocrates.
N’oublions pas que cet accord a été signé par d’autres superpuissances — outre les Etats-Unis — comme la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne qui insistent à ne pas avorter de longs mois de discussions serrées avec un régime iranien têtu et ambigu. Ces derniers craignaient que l’occasion d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire ne soit victime d’enjeux politiques intérieurs américains. « Ne tuez pas l’accord », tel était le mot répété par les ambassadeurs du Royaume-Uni, de France, d’Allemagne, de Russie et de Chine quand ils ont rencontré ces derniers jours une trentaine de sénateurs démocrates dont le vote était crucial pour le président américain. Selon les experts, l’ombre de l’Europe plane bien sur la victoire d’Obama.
Inquiétudes
L’accord reste pourtant une source d’inquiétude pour d’autres pays comme l’Arabie saoudite. Pure coïncidence ? La victoire d’Obama coïncide avec la première visite du roi Salman d’Arabie saoudite à la Maison Blanche depuis son accession au trône en janvier dernier. Lors de cette visite, le président américain a tenu à rassurer son homologue saoudien, évoquant la nécessité de mettre en place l’accord avec l’Iran pour s’assurer qu’il n’obtienne pas l’arme nucléaire. Obama a insisté sur sa détermination à lutter contre « les activités déstabilisatrices de l’Iran dans la région », affirmant que « le degré de tolérance avec Téhéran sera zéro ». Dans cette même perspective, le chef du Pentagone, Ashton Carter, a souligné que cet accord renforce la possibilité pour les Etats-Unis d’intervenir militairement si jamais Téhéran cherchait à se doter de la bombe atomique. « L’Iran aura un programme nucléaire civil plus petit et plus concentré », a souligné M. Carter.
Côté iranien, on continue à maintenir la pression. Pour la première fois depuis la conclusion de l’accord le 14 juillet dernier, des responsables iraniens ont émis des déclarations hostiles et agressives à l’égard de Washington. « L’accord ne doit pas changer notre politique étrangère, la République islamique considère les Etats-Unis comme l’ennemi numéro un », a déclaré l’ayatollah Yazdi, président ultra-conservateur de l’Assemblée des experts, une des plus puissantes institutions d’Iran. Faisant écho aux déclarations de M. Yazdi, le chef des Gardiens de la révolution a affirmé que les Etats-Unis demeuraient toujours « le grand Satan ». Même le guide suprême d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur le nucléaire, a insisté cette semaine sur la levée des sanctions imposées à son pays, sans laquelle « l’accord n’aurait plus de raison d’être ».
Prouvant à Washington que l’accord n’est plus un fait acquis, le parlement iranien a affirmé samedi que ce n’est pas seulement le Congrès américain qui va voter l’accord, mais lui aussi va donner « son avis » sur l’accord vers la fin septembre, a annoncé le président du parlement, Ali Larijani. « Je pense que le débat sera peut-être plus animé dans mon pays qu’aux Etats-Unis », a déclaré M. Larijani. « Il faut attendre de voir quelle décision cette commission prendra et quels seront les résultats », a estimé M. Larijani, reconnaissant que l’accord était dénoncé par certains faucons qui sont opposés au mécanisme dit de « snapback » permettant de réimposer les sanctions en cas de non-respect de l’accord par Téhéran. Passant à l’acte, 50 000 membres de la milice islamique Bassidji ont pris part à des exercices de grande ampleur à Téhéran pour prouver leur capacité à assurer la sécurité du pays. Une façon de manier le bâton à Washington à un moment crucial. Selon les experts, il s’agit d’un jeu de force entre deux parties qui maintiennent la pression jusqu’à la dernière minute pour faire le moins de concessions possibles .
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