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Ankara attaque Daech

Maha Salem avec agences, Jeudi, 30 juillet 2015

La Turquie a approuvé l'utilisation de ses bases aériennes par les avions américains et ceux de la coalition internationale, dans le cadre de la lutte contre l'Etat islamique en Syrie et en Iraq.

Les manifestations en Turquie ont été réprimées par la police.
Les manifestations en Turquie ont été réprimées par la police. (Photo: AP)

Après des mois de tergiversations, la Turquie s’est enfin engagée sérieusement dans la lutte contre le groupe Etat Islamique (EI), menant cette semaine ses premières frappes aériennes contre des positions djihadistes en Syrie. Ce raid turc a été ordonné en représailles à l’attaque suicide menée par un groupe de djihadistes contre la ville frontalière de Suruç (sud) la semaine dernière, coûtant la vie à 32 jeunes militants pro-kurdes qui s’apprêtaient à se rendre à Kobané pour participer à sa reconstruction après sa destruction lors de la bataille entre l’EI et les Kurdes de Syrie. « L’opération menée contre l’EI a rempli son objectif et ne s’arrêtera pas. Il faut protéger la sécurité de nos frontières. Notre opération continuera avec détermination », a affirmé le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Il va sans dire que ce premier raid aérien marque un tournant dans la politique syrienne du régime islamo-conservateur turc, longtemps accusé par ses alliés de fermer les yeux, voire de soutenir les organisations radicales en guerre contre le régime de Damas. La Turquie était jusque-là restée l’arme au pied face à l’EI et elle avait refusé d’intervenir militairement en soutien aux milices kurdes de Syrie, par crainte de voir se constituer une région autonome qui lui serait hostile dans le nord de ce pays. « La Turquie est souvent accusée non seulement par le régime syrien mais aussi par la communauté internationale de soutenir l’EI et de lui accorder des aides financières et militaires. C’est vrai que la Turquie a toujours nié tout lien avec les djihadistes. La Turquie fait partie de l’alliance internationale de lutte contre l’EI, mais elle n’a jamais participé aux combats bien qu’elle soit très proche des territoires syriens », explique Ibrahim Abd Al-Qader, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire.

Ainsi, réalisant l’ampleur du danger que représente Daech à ses frontières, Erdogan a enfin autorisé cette semaine les Etats-Unis à mener des raids aériens contre des cibles djihadistes en Syrie ou en Iraq, depuis plusieurs de leurs bases, dont celle d’Incirlik (sud). Cette autorisation va offrir à Washington un tremplin idéal pour frapper l’EI. Et lever un point de tension entre Ankara et Washington, qui réclamait cette mesure avec insistance.

Souvent otage

La base d’Incirlik a servi, en plus d’un demi-siècle, de point de départ pour de nombreuses missions, mais son rôle stratégique a souvent été otage des différends entre Ankara et Washington. Proche de la Méditerranée, de la ville turque d’Adana et de la frontière syrienne, Incirlik occupe une position-clé pour des opérations dans des régions ultra-sensibles. Mais il a fallu des mois de pressions américaines pour que la Turquie autorise les Etats-Unis à utiliser cette base pour combattre les djihadistes en Syrie et en Iraq. Dans un communiqué, une porte-parole du Pentagone a confirmé que les Etats-Unis et la Turquie ont décidé d’intensifier davantage leur coopération dans le combat contre l’EI. « La Turquie est un partenaire-clé dans la formation de rebelles syriens et a pris des mesures importantes pour endiguer le flot de combattants étrangers désireux de rejoindre l’EI en passant par sa frontière avec la Syrie ou l’Iraq », a indiqué la porte-parole Laura Seal. Resserrant de plus en plus l’étau autour des djhadistes d’un côté et les Kurdes de l’autre côté, Ankara a déployé d’importants effectifs militaires le long de la frontière avec la Syrie, alors que sur le sol, les autorités turques ont mené dans tout le pays un coup de filet inédit contre des membres présumés de l’EI. Selon le chef du gouvernement turc, 297 personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe terroriste ont été arrêtées dans 16 provinces du pays, dont 37 ressortissants étrangers. Cette opération antiterroriste a également visé l’extrême gauche et, surtout, les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Selon les experts, l’attentat de Suruç a ravivé la colère de la communauté kurde de Turquie, qui a dénoncé la duplicité du gouvernement turc. Cette attaque, la plus meurtrière pour les Kurdes turcs depuis 2013, a provoqué des représailles de rebelles du PKK qui ont tué deux policiers cette semaine, justifiant qu’ils représentaient l’Etat turc qui a, selon eux, coopéré avec les djihadistes.

Pour protester contre cette vague d’arrestations et dénoncer la politique d'Erdogan envers la crise syrienne, de nombreux manifestants, notamment kurdes, ont défilé dans les villes du pays. Des manifestations systématiquement réprimées par la police. Essayant de calmer les manifestants, le premier ministre, Ahmet Davutoglu, a affirmé que « ces frappes ont été menées contre des objectifs du groupe terroriste Daech en Syrie et du groupe terroriste PKK dans le nord de l’Iraq » .

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