Ce n’est pas une surprise. La victoire du HDP était prévue par tous les sondages. A la veille des législatives, les uns l’ont qualifié de « faiseur de rois », les autres d’« arbitre du scrutin ». De quoi expliquer la série d’attentats qui l’a visé ces derniers jours, dont le plus grave a fait, vendredi, deux morts et 133 blessés dans deux explosions survenues lors d’une réunion du parti à Diyarbakir (capitale kurde au sud-est de la Turquie). Il s’agit du plus grave attentat frappant ce parti depuis le début de la campagne électorale fin avril. Selon les experts, cet attentat avait pour objectif de fragiliser un parti qui constituait le principal obstacle sur la route du président, plus que les deux grands partis d’opposition. Tout au long des dernières semaines, le pouvoir a beau essayé de déformer l’image du HDP, afin d’empêcher son entrée au parlement. « Même si le gouvernement n’a pas commis ces attentats de façon directe, il a joué un grand rôle dans les coulisses en mobilisant les nationalistes contre ce parti. Le pouvoir a déformé l’image du HDP, le qualifiant de traître, l’accusant d’avoir des relations suspicieuses avec Israël, et aussi de vouloir créer un Etat kurde indépendant dans le pays, de quoi pousser les nationalistes et les partisans de l’AKP à organiser des attentats contre lui », affirment les analystes.
Or, si le HDP a réussi à avorter les manoeuvres du pouvoir c’est plutôt grâce à son jeune leader charismatique et ambitieux, Selahattin Demirtas, qui constitue désormais une nouvelle étoile politique turque, voire une menace qui pourrait ébranler la Turquie du Sultan. Selon les experts, ce chef pourrait jouer un rôle de premier plan sur la scène politique turque les années à venir et pourrait même contribuer à la solution de la question kurde. Selon les analystes, Demirtas a réussi à transformer son parti, qui était la vitrine politique de la guérilla kurde, en un mouvement plus large ouvert à toutes les minorités et les diversités, même les femmes. Tout au long de la campagne électorale, ce chef du HDP a fait preuve de sagesse, en contenant la colère des Kurdes suite aux attentats qui les ont visés, pour ne pas enflammer la situation à la veille du vote. « Il ne faut pas céder à la provocation. Cela fait deux mois que le HDP est pris pour cible et décrit comme un traître à la patrie. Le président de la République et le premier ministre voulaient démontrer que le HDP a mérité ce qui lui arrive », a dénoncé M. Demirtas. Pour se disculper de ces violences, le chef de l’AKP et du gouvernement, Ahmet Davutoglu, a saisi l’occasion de son vote, dimanche, pour déclarer que la police turque a arrêté un suspect en lien avec l’attentat de vendredi. Prenant à son tour ses distances de ces événements, Erdogan a attribué les attaques contre les Kurdes aux « ennemis » du pays, pointant du doigt pêle-mêle les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), sa bête noire l’imam Fethullah Gülen et le lobby arménien.
Dixit
« Nous avons remporté une grande victoire. Ceux qui veulent la liberté, la démocratie et la paix ont gagné. Ceux qui veulent l’autoritarisme, qui sont arrogants et qui se considèrent comme les seuls détenteurs de la Turquie, ont perdu ».
Selahattin Demirtas, chef du HDP.
« Nous avons mis un terme à ce qui était une ère de répression par des moyens démocratiques. La Turquie a gagné. La démocratie a gagné ».
Kemal Kiliçdaroglu,
président du CHP.
« C’est le début de la fin pour l’AKP ».
Devlet Bahçeli, président du MHP.
Cette élection a montré une fois de plus que l’AKP était la colonne vertébrale de ce pays. Nous allons poursuivre nos efforts pour changer la Constitution avec le soutien d’autres partis ».
Ahmet Davutoglu, premier ministre turc.
« Le régime turc actuel est un obstacle au changement et fait de la Turquie une voiture qui tousse car son réservoir est vide ».
Recep Tayyip Erdogan,
président turc.
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