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Etats-Unis : La bavure de trop contre les Afro-américains

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 05 mai 2015

Les violences commises par la police contre la communauté noire réveillent les tensions raciales latentes aux Etats-Unis. De quoi prouver que la lutte pour une vraie égalité entre Noirs et Blancs — débutée en 1950 — doit se poursuivre.

La lutte pour l’égalité entre Noirs et Blancs menée depuis de longues décennies aux Etats-Unis a-t-elle vraiment porté ses fruits ? Pour ce qui est des droits et des lois, peut-être. Pour ce qui est du racisme chez les individus, pas si sûr. Cinquante ans après les com­bats du militant afro-américain Martin Luther King pour la sup­pression de la discrimination raciale subie par la communauté noire aux Etats-Unis, la question reste d’ac­tualité.

Portant des banderoles « Fin au racisme » ou « Non à la discrimi­nation », de larges manifestations ont animé ces derniers jours plu­sieurs villes américaines, dont Baltimore (nord-est), théâtre de la mort de Freddie Gray, un jeune Noir de 25 ans décédé, une semaine après son interpellation musclée par la police le 19 avril, des suites de blessures « graves » lors de son transport, pieds et mains liés, à plat ventre dans un fourgon de police.

Le cas de Freddie n’est que le dernier épisode des brutalités poli­cières commises contre les Noirs aux Etats-Unis depuis l’été 2014. Le drame avait resurgi en août der­nier avec la mort de Michael Brown, 18 ans, et depuis, une série de drames sont survenus. Deux semaines avant la mort de Freddie, un autre homme noir a été tué des suites de ses blessures après son arrestation par un policier blanc. Le 6 mars, Tony Robinson, 19 ans, était aussi tué par un policier blanc, alors qu’en novembre deux Noirs ont subi le même sort.

Une série de violences qui a déclenché des manifestations popu­laires contre un racisme toujours ancré dans la mémoire américaine. « La ségrégation raciale ne va pas facilement s’achever aux Etats-Unis. C’est une sorte d’héritage qui reste immortel dans la mémoire des Américains. Malgré tous les efforts déployés par les Noirs pour obtenir leurs droits spoliés au fil des ans, la plupart des Blancs traitent cette communauté en tant que nègres. La nomination d’un président noir pour la première fois à la tête de ce pays n’a pas mis fin à ce complexe de supériorité qui habite les Blancs. Obama a même reconnu que lui et sa famille ont été l’objet de racisme aux Etats-Unis, alors qu’il était encore étudiant », explique Dr Mahmoud Farag, analyste poli­tique.

Couvre-feu nocturne
Le cas de Freddie Gray n’est pas le premier, mais il est comme la goutte qui fait déborder le vase. Son décès a engendré de graves manifestations quotidiennes qui ont viré aux émeutes. Un couvre-feu nocturne a été ensuite instauré à Baltimore, alors que d’autres ras­semblements ont été organisés dans plusieurs villes américaines, en particulier à Washington, New York et Philadelphie.

Pour calmer les manifestations, la procureure de l’Etat du Maryland a ordonné des poursuites pénales contre six policiers de Baltimore pour « homicide involontaire » : « Personne n’est au-dessus de la loi », a déclaré la procureure qui a fait l’objet d’une forte pression politique, surtout de la part du pré­sident Barack Obama. « La justice doit passer et toute la lumière doit être faite sur ce décès », a-t-il répé­té tout au long de la semaine der­nière. Selon les experts, cette pour­suite de policiers est une victoire pour les Noirs, car d’habitude, les policiers, dans la majorité des cas similaires, ne sont pas inquiétés.

Bravant le couvre-feu, des mil­liers de personnes ont manifesté samedi soir à Baltimore pour saluer la décision de la procureure, dénon­cer encore les brutalités policières et demander « Justice pour Freddie ». Selon Dr Farag, ce racisme ne disparaîtra pas facile­ment, mais il pourrait s’amenuiser : « L’épine de la communauté noire américaine va se durcir d’une année à l’autre. Les Noirs ne sont pas si faibles : ils représentent de 20 à 25 % de la population améri­caine. Leur force économique et leur popularité augmentent. Qui aurait pu imaginer qu’un Noir pré­siderait un jour les Etats-Unis ? Obama est le premier président noir mais il ne sera pas le dernier. Qui sait ? Peut-être qu’un jour les Noirs pourront faire pression sur le Congrès pour faire passer des lois qui leur octroient la liberté et l’égalité avec les Blancs », estime l’expert.

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