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Agnès Pannier-Runacher : Il est indispensable d’accélérer les efforts de réduction des émissions

Racha Darwich , Mercredi, 23 novembre 2022

Dans le cadre de sa participation à la COP27, Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la Transition énergétique, confirme l’engagement de la France à renforcer ses financements pour le climat et à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Elle explique les démarches adoptées dans ce contexte.

Agnès Pannier-Runacher

Al-Ahram Hebdo : La COP27 survient dans le contexte d’une crise énergétique mondiale et de catastrophes climatiques dans de nombreux pays. Quelle est, selon vous, l’importance de cette 27e édition ?

Agnès Pannier-Runacher: La crise climatique est une réalité concrète et ravageuse : canicules, sécheresses, inondations, incendies... En France, nous avons tous mesuré les effets du dérèglement climatique l’été dernier. Et nous savons également qu’ils touchent particulièrement les pays et les populations les plus pauvres au monde. Si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous étions fixés, il est indispensable d’accélérer massivement nos efforts de réduction d’émissions. Pour être efficace, cette action ne peut être que collective. L’Union Européenne (UE) est venue à Charm Al-Cheikh avec le programme le plus ambitieux du monde: une trajectoire contraignante de réduction des Gaz à Effet de Serre (GES) qui touche tous les secteurs d’activité. Elle va nous permettre de réduire d’au moins 55 % les émissions de GES d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En dépit de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique la plus grave depuis 50 ans, nous ne lâchons rien de cette ambition et notre continent continue de baisser ses émissions. Le monde nous regarde, nous ne pouvons pas nous permettre de décevoir à Charm Al-Cheikh.

— Quels sont les engagements de la France pour financer les efforts d’adaptation au climat dans les pays en développement ?

— Les pays développés se sont engagés dès 2009, et de nouveau en 2015, à mobiliser 100 milliards de dollars par an de financements pour l’action climatique dans les pays en développement pour la période 2020-2025. En 2020, 83,3 milliards de dollars ont été mobilisés par les pays développés (contre 79,9 en 2018 et 80,4 en 2019). La France est déterminée à atteindre cet engagement collectif et encourage les principales économies développées et tous les acteurs qui le peuvent à contribuer à leur juste part de financements internationaux pour le climat. Fin 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé renforcer l’objectif français de financements pour le climat en faveur des pays en développement à 6 milliards d’euros chaque année pour la période 2021-2025, dont 2,2 milliards pour l’adaptation, soit 10% des financements mondiaux pour l’adaptation. Une partie de ces financements passe par le Fonds vert pour le climat, pour lequel la France a doublé sa contribution pour la période 2020-2023 en la portant à 1,5 milliard d’euros et dont elle a assuré la coprésidence pendant deux années consécutives.

— La France a annoncé qu’elle contribuait à l’initiative du Bouclier global contre les risques climatiques lancée à la COP27. En quoi consiste cette initiative ?

— Le Bouclier global contre les risques climatiques est une initiative conjointe du G7 et du groupe d’Etats vulnérables V20. Elle a été lancée le 14 novembre à la COP27, à Charm Al-Cheikh. Cette nouvelle initiative vise à répondre à l’appel des Etats les plus vulnérables au changement climatique à améliorer la réponse apportée aux pertes et dommages liés à l’impact du climat. La France contribuera au Bouclier global contre les risques climatiques à hauteur de 20 millions d’euros, en subventions, en 2023. Le Bouclier global contre les risques climatiques permettra d’améliorer la protection financière des populations dans les pays vulnérables contre les risques de catastrophes liées au climat. L’initiative soutiendra la conception et le déploiement de solutions de protection sociale et d’assurance pour les communautés locales, les entreprises et les ménages, afin de fournir un financement rapide et fiable lorsque les catastrophes se produisent, à l’image des systèmes d’assurance qui peuvent exister dans les pays développés. Le Bouclier global permettra ainsi de renforcer la résilience des communautés et de soutenir le développement économique et social.


(Photo : AP)

La France, aux côtés de l’UE et de plusieurs pays riches, a aussi annoncé, lors de cette COP, son soutien à la création d’un fonds dédié à la question des pertes et préjudices, c’est-à-dire au soutien aux pays les plus vulnérables victimes des catastrophes naturelles. Il s’agit d’un geste fort pour faire avancer les négociations et parvenir à un accord ambitieux à Charm Al-Cheikh.

— Dans quel sens la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine affecte-t-elle la transition énergétique en France ?

— Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, il est urgent d’accélérer notre transition énergétique vers les solutions zéro carbone et de diversifier nos sources d’approvisionnement en énergies fossiles, à court terme, afin de ne plus dépendre de la Russie. Plus globalement, il est nécessaire de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. La stratégie de la France en matière énergétique repose ainsi sur 3 piliers: sobriété énergétique, développement immédiat et rapide des énergies renouvelables et relance du nucléaire.

— Vous aviez déclaré que l’ambition de la France était de réduire de 55 % les émissions de GES. Quelles sont les démarches entreprises pour atteindre cet objectif ?

— La France est mobilisée pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. C’est une priorité pour le gouvernement. La France s’est fixé depuis 2017 l’objectif de neutralité carbone en 2050. Cet engagement fort s’accompagne de textes législatifs structurants, tels que la loi sur l’énergie et le climat adoptée en 2019 et la loi climat et résilience adoptée en 2021. Ces lois permettent la mise en oeuvre de nombreuses mesures concrètes, en particulier en matière d’énergie, avec notamment la fin des attributions de permis d’exploration d’hydrocarbures sur le territoire national ou encore la mise en place de dispositifs de soutien aux énergies renouvelables. Des mesures importantes ont également été prises dans le secteur des transports (accompagnement des Français pour l’acquisition de véhicules moins polluants via le renforcement du bonus écologique et de la prime à la conversion par exemple), mais aussi dans le secteur du bâtiment, via la rénovation thermique des logements (France Rénov’) et des bâtiments tertiaires. Par ailleurs, en 2021, la France a engagé les travaux d’élaboration de la future Stratégie Française sur l’Energie et le Climat (SFEC). Celle-ci constituera la feuille de route actualisée du pays pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour assurer son adaptation aux impacts du changement climatique. Dans ce cadre, j’ai lancé, le 20 octobre 2022, une grande concertation nationale sur notre mix énergétique.

Au niveau européen, les Etats ont adopté, sous présidence française de l’UE, 13 textes juridiquement contraignants qui couvrent l’ensemble des sources d’émissions: la fin des véhicules thermiques en 2035, des exigences beaucoup plus fortes sur l’isolation des bâtiments, un renforcement du marché du carbone européen et son extension, notamment aux secteurs maritime et aérien, un très fort renforcement des énergies renouvelables. Il s’agit du paquet de mesures le plus complet et le plus ambitieux au monde.

— La France vient de lancer le plan de sobriété. En quoi consiste-t-il ?

— La sobriété énergétique passe par des efforts collectifs, proportionnés et raisonnables pour faire la chasse au gaspillage d’énergie. L’ensemble des mesures du plan sobriété (+lien vers DP) ont été co-construites et concertées avec les différents secteurs (transport, industrie, numérique, logement, etc.), afin qu’elles soient immédiatement applicables et efficaces au sein de l’Etat, des collectivités locales et dans les entreprises. La réussite du plan sobriété dépend de la responsabilité collective: chaque acteur a vocation à appliquer son plan d’action pour réduire de 10% sa consommation d’énergie sur les deux prochaines années. Ces mesures d’économies d’énergie seront utiles pour le passage de l’hiver, mais elles sont aussi et surtout indispensables pour garantir notre indépendance énergétique dans la durée et atteindre notre objectif de neutralité carbone.

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