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Antonio Guterres : L’investissement dans les énergies renouvelables est vital

Mercredi, 09 novembre 2022

Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui participe à la COP27, s’exprime sur le défi du changement climatique et sur les perspectives de règlement des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient.

Antonio Guterres

Alaa Sabet,
Rédacteur en chef d’Al-Ahram

Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous l’intérêt du Sommet de la COP27 à la lumière des répercussions de la guerre russo-ukrainienne ?

Antonio Guterres : La crise énergétique mondiale aggravée par la guerre en Ukraine a vu une dangereuse augmentation de la consommation. Alors que les pays continuent de poursuivre des stratégies pour remplacer les combustibles fossiles russes, des mesures à court terme pourraient créer une dépendance à long terme aux combustibles fossiles et fermer la fenêtre à l’objectif de 1,5oC. Nous avons également assisté à un recul dans certains secteurs économiques, tandis que les acteurs climatiques les plus dynamiques du monde des affaires continuent d’être entravés par des cadres réglementaires obsolètes, des formalités administratives et des subventions préjudiciables qui envoient de mauvais signaux aux marchés.

Chaque gouvernement, chaque entreprise, chaque investisseur, chaque institution doit prendre des mesures concrètes pour le climat en faveur de la carboneutralité. Ils ne devraient pas revenir en arrière et investir dans ce qui nous a conduits à des catastrophes climatiques. Il est important que nous apprenions de ce qui se passe. L’investissement dans les énergies renouvelables est vital, et il est absolument vital d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables et de veiller à ce qu’elle soit juste et inclusive. Il est absolument immoral pour les compagnies pétrolières et gazières de tirer des profits records de cette crise énergétique sur le dos des personnes et des communautés les plus pauvres, et à un coût énorme pour le climat. C’est pourquoi j’ai exhorté tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs et à utiliser les fonds pour soutenir les personnes les plus vulnérables en ces temps difficiles.

— Comment pouvons-nous réduire les effets du changement climatique sur les pays en développement ?

— Premièrement, nous devons reconnaître que les pays en développement sont parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques. La sécheresse au Sahel, la montée des eaux dans les îles du Pacifique et les ouragans dans les Caraïbes sont tous des exemples des impacts du changement climatique.

Les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre ont la responsabilité morale de soutenir les communautés les plus vulnérables, celles qui ont le moins contribué à la crise climatique. J’ai appelé toutes les économies développées à taxer les bénéfices exceptionnels des entreprises de combustibles fossiles. Ces fonds devraient être réorientés de deux manières : vers les pays qui subissent les pertes et les dommages causés par la crise climatique, et vers les personnes aux prises de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. C’est un test décisif pour les pays qui se réunissent à Charm Al-Cheikh. C’est l’une des plus grandes tâches que nous avons à la COP27 : rétablir cette confiance entre pays développés et pays en développement. Les pays développés doivent prendre au sérieux le financement dont les pays en développement ont besoin. Ils nous ont dit à Glasgow que 100 milliards de dollars seraient entièrement livrés en 2023. Lors de la COP à Charm Al-Cheikh, ils doivent concrétiser sa mise en oeuvre et veiller à ce que ceux qui ont le plus besoin de financement puissent y accéder. Nous avons également besoin de voir des preuves sur le financement de l’adaptation à au moins 40 milliards de dollars d’ici 2025, comme indiqué dans le Pacte de Glasgow l’année dernière. Ce n’est qu’un point de départ, car nous savons que les besoins de financement de l’adaptation devraient atteindre 340 milliards de dollars par an.

— Comment l’Onu peut-elle combler le fossé entre les Etats-Unis et la Chine en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone, puisqu’ils sont à l’origine de 40 % de ces émissions ?

— A la COP27, tous les pays doivent montrer au monde qu’ils sont engagés dans ce combat, et qu’ils y sont ensemble. Mon appel fort ici à tout le monde est de mettre de côté toutes les divisions géopolitiques, de mettre de côté toutes les difficultés pour travailler ensemble dans l’espace sûr fourni par l’Onu. En tant que deux plus grands pays émetteurs au monde, les Etats-Unis et la Chine doivent jouer un rôle de leadership et travailler ensemble. Mais il n’y a pas que ces deux pays. Nous avons besoin de tous les pays, toutes les entreprises, les investisseurs, les villes et les régions, pour intensifier l’action climatique.

— Quels sont les efforts déployés par l’Onu pour régler le conflit entre la Russie et l’Ukraine, notamment à la lumière d’un possible usage de l’arme nucléaire ?

— J’ai à maintes reprises exprimé de graves préoccupations quant à une potentielle menace de l’usage de l’arme nucléaire dans la guerre en Ukraine. Cette rhétorique dangereuse est inacceptable et doit cesser.

— Comment l’Onu peut-elle relever les défis mondiaux, tels le terrorisme nucléaire et les pandémies ?

— J’ai toujours encouragé des solutions collectives aux problèmes que l’on partage. Comme la lutte collective et unifiée de la communauté internationale face au Covid-19. Le multilatéralisme est la seule voie pour régler les problèmes qui n’ont pas de frontières. Il est vital que chaque Etat membre de l’Onu renouvelle son engagement au multilatéralisme.

— Quelles sont les perspectives de règlement des crises en Libye, au Yémen et en Syrie ?

— Si nous sommes armés de la dose correcte de volonté politique, ces crises peuvent être résolues. Et ceci pour le bien-être des gens qui ont souffert pendant longtemps. Mes envoyés spéciaux travaillent avec tous les acteurs en Libye, comme au Yémen et en Syrie, pour arriver à une paix durable. En Libye, nous avons un nouveau représentant spécial, Abdoulaye Bathily, qui travaille avec les belligérants dans le sens d’unifier les institutions nationales et emprunter le plus tôt possible la voie des élections. Au Yémen, l’envoyé spécial Hans Grundberg travaille avec les parties pour parvenir à un accord de paix. En Syrie, l’envoyé spécial de l’Onu, Geir Pedersen, continue de travailler avec les parties pour une reprise des pourparlers constitutionnels. Le conflit ne sera résolu qu’à travers une solution politique. Entre-temps, nous acheminons des aides humanitaires qui sauvent la vie à des millions de Syriens.

— Pourquoi la cause palestinienne ne fait-elle plus partie des priorités internationales ?

— La cause palestinienne n’est jamais tombée dans l’oubli. Elle est toujours considérée comme faisant partie des priorités onusiennes. Nous continuons à prôner la solution des deux Etats. Je souligne l’engagement de l’Onu à travailler avec les Israéliens et les Palestiniens pour que des négociations fructueuses mettent un terme à l’occupation. Mon coordinateur spécial, Tor Wennesland, continue de travailler avec les différentes parties pour les réengager à des négociations avantageuses. Les Nations- Unies continuent d’être engagées avec toutes les parties compétentes pour résoudre le conflit en mettant un terme à l’occupation et en adoptant le principe des deux Etats en référence aux lignes de 1967, les résolutions onusiennes, le droit international et les accords bilatéraux.

Entre-temps, nous avons sur le terrain la plus importante agence onusienne, l’UNRWA. Cette agence est effective depuis 70 ans et applique des engagements continus pour faire face à la souffrance des réfugiés palestiniens. Bien que l’UNRWA affronte d’énormes défis et contraintes, notre équipe continue de procurer l’assistance nécessaire dans l’éducation et les services de santé. L’UNRWA est une bouée de sauvetage, spécialement à Gaza, où un blocus imposé depuis 15 ans limite le mouvement des gens et l’accès aux emplois.

— Comment voyez-vous l’accord sur la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et Israël ?

— J’accueille favorablement la signature de l’accord historique sur les frontières maritimes entre le Liban et Israël. Il peut servir à établir la confiance et à instaurer la sécurité et la stabilité régionale, quitte à procurer des bénéfices économiques pour le Liban, Israël et la région.

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