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Les multiples démarches de l’Egypte

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 02 mars 2022

L’Egypte s’active sur plusieurs volets, tant internes qu’externes, pour faire face aux répercussions économiques de la guerre en Ukraine, et pour assurer une sortie sécurisée des ressortissants égyptiens de l’Ukraine.

Les multiples d marches de l Egypte

Malgré la vaste distance géographique qui sépare l’Egypte de l’Ukraine, le conflit préoccupe profondément l’Egypte qui s’active sur plusieurs volets. « L’Egypte suit avec inquiétude les développements de la situation en Ukraine », selon un communiqué publié le 24 février par le ministère égyptien des Affaires étrangères après le déclenchement du conflit, mettant en garde contre les répercussions régionales et mondiales de la guerre en Ukraine. « L’Egypte confirme l’importance de faire prévaloir le dialogue et la voie diplomatique, ainsi que les efforts visant à accélérer le règlement de la crise afin d’éviter la détérioration de la situation humanitaire et économique et son impact sur la région et au niveau mondial », ajoute le communiqué.

Au-delà des calculs stratégiques et sécuritaires, les répercussions économiques et humanitaires restent la grande crainte du monde qui s’efforce déjà à s’adapter à l’après-Covid. C’est pourquoi la diplomatie égyptienne a convoqué une réunion extraordinaire de la Ligue arabe, le lundi 28 février au niveau des représentants, pour examiner les développements en Ukraine. « Cette démarche est d’une grande importance », comme l’explique Mohamed Shadi, analyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS), en soulignant l’importance de parvenir à « une vision arabe commune et à une position unifiée vis-à-vis de la crise ukrainienne pour protéger les intérêts des pays arabes qui entretiennent, y compris l’Egypte, de bonnes relations avec la Russie et l’Ukraine dans des divers domaines ».

Maîtriser les retombées

Comment le citoyen égyptien est-il affecté par les répercussions du conflit Russie-Ukraine ? Le Caire est en train d’examiner les plans et de chercher les alternatives pour faire face aux impacts économiques de la crise russo-ukrainienne qui pourraient toucher directement les prix de blé, le flux du tourisme et les cours du pétrole. Selon l’ambassadeur Nader Saad, porte-parole du Conseil des ministres, ce conflit pourrait augmenter les prix du blé et perturber l’approvisionnement en Egypte, tout en assurant que l’Etat essaie autant que possible d’atténuer la hausse des prix sur le citoyen. « Avant même que la crise ne se transforme en véritable guerre, le gouvernement égyptien se préparait à toute éventualité pour gérer les fluctuations du prix des biens stratégiques causées par ce conflit entre la Russie et l’Ukraine, deux des principaux exportateurs mondiaux de blé », ajoute-t-il. L’année dernière, l’Egypte a importé 50 % des besoins du pays en blé de Russie et 30 % d’Ukraine. D’ailleurs, l’Egypte prépare un plan pour diversifier les sources d’importation de blé pendant cette crise et qui consiste à se diriger vers d’autres pays hors d’Europe, tels les Etats-Unis, l’Argentine, le Canada et le Paraguay. C’est ce qu’a dévoilé le premier ministre, Moustapha Madbouli, au cours de sa réunion avec le gouvernement pour discuter de l’impact de la crise russo-ukrainienne sur l’Egypte, en soulignant que l’Egypte dispose de réserves de blé suffisantes pour plus de quatre mois. Selon les données publiées par le ministère de l’Approvisionnement en décembre 2021, l’Egypte a importé 5,5 millions de tonnes de blé, avec plus de 3,5 millions de tonnes produites localement. « Les réserves stratégiques de l’Egypte en produits alimentaires de base — y compris le blé, le riz, la viande et la volaille — dureront des mois », a affirmé le ministre de l’Approvisionnement, Ali Mosselhi.

Le gouvernement est également en train d’examiner l’impact possible de la crise sur les prix du pétrole. En fait, dès le déclenchement de la crise, ses effets négatifs se sont directement répercutés sur les prix de l’énergie, ce qui a entraîné une hausse des prix du pétrole dépassant plus de 105 dollars, alors que la guerre en Ukraine a mis en péril l’approvisionnement énergétique de l’Europe de l’Ouest. Selon Saad, la hausse des prix du pétrole pèse lourdement sur le budget de l’Etat égyptien. Les prix de l’essence sont déterminés en fonction du prix international du pétrole, du coût de production et du taux de change de la livre égyptienne par rapport au dollar américain, explique Ahmad Hachem, expert économique. Il souligne que « l’augmentation du prix du pétrole entraînera directement la hausse des prix de produits et services divers, ce qui mènera à la création de vagues inflationnistes. Cette crise intervient alors que le gouvernement poursuit ses projets de conversion des véhicules à essence pour fonctionner avec le gaz naturel, une étape qui devrait contribuer à réduire le coût des produits pétroliers subventionnés dans le budget de l’Etat ».

Envisager des solutions pour le tourisme

Si la Russie et l’Ukraine sont à la tête de la liste des pays exportateurs de blé pour l’Egypte, elles représentent également 50 % des touristes arrivant annuellement en Egypte, notamment à Hurghada et Charm Al-Cheikh. L’Ukraine se classe au premier rang en termes de nombre de touristes ayant visité les stations balnéaires égyptiennes en 2020 pendant la pandémie, alors que plus de 700 000 Russes sont venus en Egypte l’année dernière. Les premiers vols directs en provenance de Moscou ont repris en 2021, après une interruption de 6 ans depuis août 2015 suite au crash d’un avion russe en Egypte. Amr Al-Qadi, président de l’Autorité de promotion du tourisme, a déclaré que « c’est une chose normale que le mouvement touristique en provenance de ces deux pays en conflit vers l’Egypte soit affecté en raison de la guerre. Mais il est encore prématuré de déterminer l’ampleur de cet impact sur le secteur du tourisme en Egypte et dans le monde. Puisque les répercussions de cette guerre ne se limitent pas en Egypte, mais pourraient s’étendre à d’autres pays qui accueillent les touristes provenant de ces deux pays ».

Afin de faire face aux premiers effets de la crise sur les touristes actuellement en Egypte, qui ne peuvent pas retourner dans leur pays, le ministère du Tourisme et des Antiquités a décidé que « les touristes ressortissants de pays où le trafic aérien est perturbé pourront rester dans les hôtels où ils se trouvent en Egypte jusqu’à ce qu’ils puissent bénéficier d’un retour sécurisé chez eux ». Sur un autre volet, le gouvernement a déclaré qu’il redoublerait d’efforts pour rechercher des marchés touristiques alternatifs au cas où la crise s’aggraverait, telles l’Europe centrale, l’Italie, la Suisse, la Scandinavie et la Grande-Bretagne, des pays qui ont commencé à assouplir les restrictions de voyage liées à la pandémie.

Rapatrier les Egyptiens de manière sécurisée

Assurer une sortie sécurisée des ressortissants égyptiens en Ukraine, qui se retrouvent au coeur d’une guerre qui ne les concerne pas, telle est la grande mission de la cellule de crise formée au sein du ministère de l’Immigration et des Affaires des expatriés égyptiens pour suivre 24h sur 24 les conditions des ressortissants égyptiens résidant en Ukraine, comme l’a assuré Nabila Makram, ministre de l’Immigration. De même, l’ambassade d’Egypte à Kiev a annoncé qu’en coordination avec les ambassades égyptiennes dans les pays voisins, Pologne, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, ainsi qu’avec le ministère ukrainien des Affaires étrangères, des instructions ont été données aux gardes-frontières ukrainiens pour permettre aux Egyptiens de partir des points frontaliers avec tous les pays voisins. Le nombre de la communauté égyptienne en Ukraine est de 6 000 citoyens, située dans 21 villes, alors que le nombre d’étudiants est de 3 000, souligne Nabila Makram, avant d’ajouter que la salle des opérations est en contact permanent avec les chefs de la communauté égyptienne en Ukraine.

De leur côté, les ambassades égyptiennes à Bucarest et à Varsovie ont publié des communiqués sur leurs pages Facebook avec leurs numéros de téléphone d’urgence pour communiquer avec les Egyptiens traversant les frontières de la Roumanie et la Pologne depuis l’Ukraine, afin de leur « faciliter les réservations d’hôtel et les billets de retour vers l’Egypte dans les plus brefs délais ».

« L’Etat ne ménage aucun effort à l’égard de ses enfants en Ukraine, afin de les aider soit à surmonter cette crise, soit à retourner dans le pays », a déclaré Nabila Makram, en appelant « les expatriés à ne prêter aucune attention aux rumeurs diffusées au cours de cette période, à ne se fier qu’aux communiqués publiés par les autorités publiques égyptiennes, en tête desquelles les ambassades d’Egypte à Kiev et dans les pays voisins, et à ne pas sortir tout seul surtout dans les régions qui sont en proie aux affrontements ».

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