Le 18 février prochain. C’est la date de la tenue, aux Etats-Unis, d’un sommet destiné à combattre l’extrémisme et le terrorisme. L’annonce a été faite par le secrétaire américain à la Justice, Eric Holder, car l’initiative est américaine. Depuis le massacre au journal
Charlie Hebdo à Paris, manifestations et réunions se multiplient. Lundi matin, le président français, François Hollande, a réuni autour de lui son premier ministre Manuel Valls, les ministres de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, et de la Justice, Christiane Taubira, ainsi que les responsables des services de sécurité. La veille, c’était une conférence internationale sur le terrorisme qui avait eu lieu à Paris.
Toutes ces rencontres au sommet font suite aux récents événements en France: l’attentat contre le journal Charlie Hebdo et ce qui s’ensuivit. En effet, l’affaire Charlie Hebdo a donné lieu à un élan de mobilisation à travers le monde. Le dimanche 11 janvier a ainsi été qualifié de journée historique, aussi bien en France que dans le monde entier. Plus de 3,7 millions de personnes ont participé à la marche républicaine à Paris et dans les différentes villes françaises, dont 1,6 million à Paris, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur français, pour dire non au terrorisme. Des manifestations de soutien ont aussi eu lieu dans de nombreuses villes européennes et américaines.
La marche républicaine était conçue initialement comme un hommage aux victimes des trois djihadistes revendiqués, dont les dessinateurs de Charlie Hebdo tués mercredi dernier, une jeune policière municipale tuée jeudi et quatre juifs assassinés dans une supérette casher vendredi. Elle a finalement été inédite par sa dimension planétaire et l’image stupéfiante de dirigeants étrangers défilant bras dessus, dessous sur quelques centaines de mètres : François Hollande entouré du Malien Ibrahim Boubacar Keita et de la chancelière Angela Merkel, le président palestinien Mahmoud Abbas à quelques mètres du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, le Britannique David Cameron, le roi de Jordanie, l’Italien Matteo Renzi, en tout, des dirigeants de près de 60 pays.
Plusieurs dilemmes
Mais au-delà des élans de solidarité, des émotions, des larmes, des « Je suis Charlie », la question la plus importante est désormais de savoir ce que Paris, Washington et les autres « grands » de ce monde comptent faire et comment ils ont l’intention de combattre le terrorisme.
Pour l’heure, les déclarations sont peu précises. La seule idée concrète lancée lors de la réunion tenue dimanche dernier à Paris, entre les ministres européen et américain de l’Intérieur, est le renforcement des contrôles des mouvements aux frontières extérieures de l’Union Européenne (UE) : contrôles aux frontières de l’UE, échanges de données sur les passagers aériens, prévention de la radicalisation. A défaut de mesures immédiatement applicables, les différents ministres ont rappelé, dans une déclaration commune, que le combat contre l’extrémisme reposait « à la fois sur la lutte contre la radicalisation, notamment sur Internet, et sur le renforcement des moyens destinés à contrecarrer l’action des différentes formes de réseaux terroristes », notamment en entravant leurs déplacements. L’un des chantiers à « faire aboutir très rapidement » est celui engagé, « sous la responsabilité de la Commission pour renforcer, à droit européen inchangé, les contrôles des ressortissants européens lors du franchissement des frontières extérieures de l’Union » européenne, a expliqué M. Cazeneuve. Le ministre espagnol de l’Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, réclamait, quant à lui, des modifications dans l’accord de Schengen afin d’établir des contrôles aux frontières au sein de cet espace de libre circulation, dans le but d’entraver la mobilité de combattants islamistes de retour en Europe.
Autre casse-tête pour les Européens, les candidats au djihad. Des milliers de ressortissants européens ont rejoint, cherchent à rejoindre ou reviennent de Syrie et d’Iraq, dont plus de 1200 rien qu’en ce qui concerne la France. Pour tenter de mieux les recenser et limiter leurs mouvements, le ministre belge de l’Intérieur, Jan Jambon, a proposé l’établissement d’une « liste européenne des combattants étrangers ». La Belgique avait déjà appelé à un renforcement du dispositif européen après la fusillade du musée juif de Bruxelles en mai 2014, dont l’auteur présumé est un Français qui aurait séjourné en Syrie. Autre domaine qui a retenu l’attention lors de cette réunion: Internet, lieu de radicalisation solitaire de beaucoup d’aspirants au djihad. Les ministres ont plaidé en faveur de la mise en place d’un partenariat avec les opérateurs d'Internet afin d’identifier et de retirer rapidement les « contenus incitant à la haine et à la terreur ». Mais les Européens se trouvent, là, face à un autre dilemme, celui-là même pour lequel le slogan « Je suis Charlie » a été lancé: la liberté d’expression.
La lutte contre le terrorisme n’est donc pas une mince affaire et pose des choix difficiles, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces pays.
Si à l’intérieur de la France, l’on craint des amalgames et des représailles contre la communauté musulmane, malgré tous les appels pour la solidarité, le plus important est de savoir quelles seront les représailles des Français et des Occidentaux au-delà des frontières françaises et européennes, notamment dans les pays considérés comme sources du terrorisme et du djihadisme, tels que le Yémen, la Libye, la Syrie et l’Iraq. Des pays, du reste, en proie à des troubles internes majeurs et où une intervention étrangère n’est pas à exclure.
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