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« Il n’y a pas de changements prévisibles attendus »

Propos recueillis parMavie Maher, Mardi, 06 novembre 2012

L’écrivain et chercheur copte Sameh Fawzi estime qu’il n’y aura pas d’évolution majeure dans la relation entre l’Etat et l’Eglise, suite à la désignation du nouveau pape.

Sameh
Sameh Fawzi

Al-Ahram Hebdo : Plusieurs sujets urgents attendent le nouveau pape. Par quel dossier devra-t-il entamer sa mission, selon vous ?

Sameh Fawzi : Le nouveau pape, Tawadros II, doit absolument renouveler les institutions académiques chrétiennes pour créer un nouveau discours religieux, qui réconcilie la démocratie avec les traditions, entre la citoyenneté et la seconde vie au paradis.

La charte de 1957 sur le mode de scrutin du pape doit changer pour élargir ses électeurs et inclure plus de femmes et de jeunes et ne pas se limiter au nombre choisi de chaque diocèse. Mais il faut savoir que cela va engendrer des débats et aura besoin d’un esprit compréhensif et de dialogues intensifs. Le nouveau pape doit ouvrir un débat sur le divorce et le règlement de 1938, et lui trouver une solution qui ne serait pas vue comme à l’encontre de l’Evangile.

Le patriarche Tawadros doit surtout chercher à effacer les images et expériences négatives accumulées tout au long des années passées. Parfois, les chrétiens deviennent radicaux pour faire face à la radicalisation islamique, et c’est une réaction que la majorité doit aussi comprendre changeant son discours envers la minorité chrétienne.

— La politique de l’Eglise changera- t-elle avec un régime islamiste au pouvoir aujourd’hui ?

— Il n’y a pas de changements prévisibles attendus en ce qui concerne la relation entre l’Eglise et l’Etat sous le régime des Frères musulmans. Malgré les critiques adressées par les Frères au régime déchu de Moubarak autour de la relation entre l’Etat et l’Eglise, ils vont, à mon avis, suivre la même politique de l’ex-régime. Autrement dit, les Frères musulmans considèrent les chrétiens comme un relais à l’intérieur de l’Eglise. Et c’est plus facile pour eux, comme ils sont une organisation politique et religieuse très bien disciplinée, de communiquer avec une organisation similaire du côté chrétien comme l’Eglise.

— La participation des chrétiens à la manifestation du 25 janvier 2011 en dépit de la volonté de l’ancien pape aura-t-elle une influence sur son successeur ?

— Le 25 janvier était un moment où les Egyptiens, non seulement les chrétiens, sont sortis de leurs communautés dépassant leurs illusions les uns envers les autres. C’était le cas aussi lors du soulèvement de 1919. Mais dans les deux cas, il s’agit de moment court dans l’histoire, avant que les tensions religieuses ne resurgissent. Les chrétiens réagissent comme citoyens lorsqu’ils trouvent un environnement basé sur les droits de la citoyenneté. Mais si les chrétiens font face à des difficultés par exemple pour construire des églises ou à une représentation politique limitée et une exclusion des postes-clés de l’Etat, l’Eglise se voit forcée de s’impliquer pour défendre les droits de ses fidèles.

— Cet état des choses ne fait-il pas de l’Eglise un Etat à l’intérieur de l’Etat, et d’ailleurs, une des critiques à l’encontre de l’ancien pape était qu’il faisait trop de politique ?

— L’Eglise n’a jamais été un Etat à l’intérieur de l’Etat. Cette idée a été propagée par les islamistes et utilisée pour faire pression sur l’Etat et l’Eglise à la fois. Les chrétiens retournent à l’Eglise quand ils ne trouvent pas refuge dans les institutions qui, parfois, exercent une discrimination contre eux. Prenons l’exemple de la petite Sara Isaac, séduite par un salafiste à Marsa Matrouh. Il l’a poussée à se convertir à l’islam et à l’épouser alors que, selon la loi, la jeune fille est mineure. Sa famille s’est adressée à la police, le procureur général, le Conseil suprême des femmes et le président lui-même, sans résultat. Finalement, la famille s’est adressée à l’Eglise. Peuton donc considérer cela comme une intervention de la part de l’Eglise dans les affaires de l’Etat ? Il faut d’abord que les institutions de l’Etat soient efficaces pour que l’Eglise se contente de son rôle initial de prédication .

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