Suite à la destitution du président Mohamad Morsi en juillet dernier, le pays est entré dans un engrenage de la violence. Les défis sécuritaires sont nombreux: attaques contre les forces de l’ordre et les établissements dépendant du ministère de l’Intérieur, attentats ciblant des touristes, outre le trafic d’armes.
Le Sinaï est en proie à des violences quasi quotidiennes, même avant le renversement de Morsi. Des groupes djihadistes de différents noms mènent des attaques visant les forces de l’ordre. Bilan: des dizaines de policiers et soldats tués depuis juillet dernier. Le groupe Ansar Beit Al-Maqdes (les partisans de Jérusalem) a revendiqué la plupart des attentats et des attaques dont ceux contre le gazoduc d’Al-Arich. En réponse, l’armée égyptienne mène des opérations majeures dans la péninsule. « Ces violences quasi ininterrompues ont gravement affecté les organes du pays. C’est le plus important défi que doit relever le nouveau président, parce que les attaques terroristes ne s’arrêteront pas après la présidentielle. Au contraire, les groupes terroristes continueront leurs opérations », explique Mahmoud Katari, expert en matière de sécurité.
Abdel-Fattah Al-Sissi, en passe de devenir le prochain président, a promis, lors d’une interview télévisée, de « débarrasser l’Egypte du terrorisme ». Sissi a également accusé la confrérie des Frères musulmans d’utiliser des groupes terroristes dans le Sinaï, pour bloquer la région et mener une confrontation dans la société égyptienne vers une guerre inévitable. Les voitures piégées, surtout au Caire, et les bombes à retardement dans différents gouvernorats ont été donc liés dans une conspiration de la confrérie, selon lui. Celle-ci est déclarée par la justice « groupe terroriste ». Ainsi, chaque partisan des Frères musulmans est un présumé « terroriste » susceptible d’être mis à mort. Il peut être aussi soumis à un procès militaire avec une possible peine de mort. « Les propos de Sissi sur le terrorisme étaient très fermes, mais du point de vue technique, les opérations menées pour la lutte contre le terrorisme ne sont pas suffisantes et ne sont pas scientifiques. C’est la police qui doit seule se charger de ces opérations et non l’armée. Or, la police égyptienne est un appareil endommagé à qui il faut une réforme de base, voire une reconstruction interne », souligne Mahmoud Katari.
Toutefois, depuis son début, la guerre contre le terrorisme dans le Sinaï se joue à huis clos sans qu’aucun journaliste puisse démentir la version officielle. Les communications téléphoniques dans le Sinaï sont coupées de 6 à 12 heures par jour, et les principales voies routières sont soumises à un couvre-feu. « Les informations sur les opérations de l’armée ne sont pas disponibles. Il n’est actuellement pas possible pour un chercheur de mener des entrevues avec les différentes parties dans la zone de combat, ni de voyager ou de suivre les conséquences des opérations de façon détaillée », regrette le journaliste Ismaïl Al-Exandarani, dans un article publié par le centre de recherche Reform Arab Initiative. Seules les versions officielles ou les revendications de victoires faites par les groupes armés, comme Ansar Beit Al-Maqdes témoignent, de cette guerre clandestine contre le terrorisme.
Des activistes utilisent sur les réseaux sociaux un hashtag « Sinaï hors couverture », pour rappeler combien ces opérations sont inaudibles. « Ce que je crains maintenant, c’est que tout en gagnant la guerre contre le terrorisme, nous perdons les coeurs et les esprits des habitants du Sinaï », écrit la blogueuse Zenobia. Sans compter que personne ne parle de la population bédouine vivant dans cette partie de l’Egypte, longtemps marginalisée par l’administration centrale et plongée depuis plusieurs mois dans une guerre meurtrière.
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