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Les tactiques onusiennes de la Palestine

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 06 mai 2014

L’adhésion de la Palestine à une quinzaine de traités et de conventions internationaux est une mesure tactique visant à faire pression sur Washington.

Palestine
(Photo : Reuters)

Deux semaines avant la fin du moratoire de 9 mois lancé en juillet dernier pour relancer les négociations, Mahmoud Abbas, sous les caméras de la télévision locale, avec à sa droite Saëb Erakat, le négociateur palestinien, signait les formulaires d’une quinzaine de demandes d’adhésion à des organisations internationales ou des traités. En faisant ainsi, Mahmoud Abbas brandissait enfin « son arme nucléaire », comme le disait, un jour, le médiateur américain John Kerry. Ce dernier, pour montrer son mécontentement, avait annulé sa visite prévue à Ramallah. Une visite durant laquelle il devait essayer d’obtenir une prolongation des négociations de plusieurs mois. La demande palestinienne d’adhésion aux organisations internationales était motivée, selon Abbas, par la non-libération du quatrième contingent de prisonniers par Israël, qui était censée avoir lieu le 29 mars. Lors de la reprise des pourparlers en juillet dernier, l’Autorité palestinienne s’était engagée à suspendre toute démarche d’adhésion aux 63 organisations et conventions internationales auxquelles le statut d’Etat observateur obtenu le 29 novembre 2012 à l’Onu lui donnait accès en échange de la libération de 104 prisonniers palestiniens par Israël.

Jugées « conformes aux procédures internationales », par l’Onu, les demandes palestiniennes d’adhésion aux traités ou conventions internationaux dont les Nations-Unies sont dépositaires ont été toutes admises. Et, la Palestine est devenue aujourd’hui membre signataire de 5 traités fondamentaux dans le domaine des droits de l’homme. Il s’agit des Conventions de l’Onu contre la torture, sur l’élimination de la discrimination raciale, sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, sur les droits des handicapés et sur les droits des enfants. En outre, l’adhésion de la Palestine au protocole facultatif de la Convention de l’Onu sur les droits des enfants concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC-OPAC) sera effective le 7 mai, tandis que les deux Pactes de l’Onu sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels entreront en vigueur le 2 juillet. « L’adhésion de la Palestine à ces conventions internationales va contribuer au renforcement du statut juridique de l’Etat de Palestine. Il s’agit d’une reconnaissance implicite d’un Etat palestinien par la communauté internationale. Une reconnaissance qu’Israël avait longtemps prétendu que la Palestine ne recevrait qu’à travers les négociations », dit le politologue Mohamad Gomaa.

L’accord de Genève, outil principal

Mais la démarche la plus importante, comme l’explique Ahmad Réfaat, professeur de droit international à l’Université du Caire, c’est l’adhésion de la Palestine à la Convention de Genève, qui se rapporte aux guerres et à l’occupation militaire. Le gouvernement suisse, dépositaire de la Convention, vient finalement d’autoriser l’adhésion de l’Autorité palestinienne après une tentative ratée qui date de vingt-cinq ans. C’était le 21 juin 1989, la Berne fédérale avait reçu, de la part de l’Organisation de libération de la Palestine, une demande d’adhésion de « l’Etat Palestinien » aux Conventions de Genève. Mais cette demande a été rejetée pour « incertitude au sein de la communauté internationale quant à l’existence ou non d’un Etat de Palestine ». « Aujourd’hui, avec cette adhésion, la Palestine aura le statut d’un pays occupé. Le principal instrument applicable dans les Territoires palestiniens serait la quatrième Convention de Genève, qui définit les droits en temps de guerre et les conditions humanitaires qui doivent être respectées en temps de conflits, comme l’interdiction des colonies et les droits des prisonniers », dit Réfaat.

L’une des normes les plus importantes est celle qui interdit les « colonies de peuplement » dans l’article 49, stipulant que « la force occupante ne peut pas procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de la population civile dans le territoire occupé par elle ». Israël ne reconnaît pas ce texte juridiquement applicable dans le contexte des territoires de 1967.

Les prisonniers palestiniens dans les geôles d’Israël deviennent alors en vertu de cette convention des « prisonniers de guerre », et l’Etat occupant ne peut pas leur infliger une détention illégale, la torture ou les traitements inhumains. Appliquer les textes de ces traités pour qu’ils servent d’instrument juridique face aux violations israéliennes dépendra dans les jours à venir de la volonté politique de l’Autorité palestinienne. Pour Gomaa, Abou-Mazen n’est pas encore prêt à le faire à l’heure actuelle. Il laisse la porte entrouverte à l’option des négociations, pour ne pas susciter le mécontentement des Etats-Unis. La preuve, comme avance Gomaa, c’est que l’Autorité palestinienne a reporté son adhésion au Statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale, qui aurait permis aux Palestiniens de déposer plainte contre Israël. « L’adhésion aux traités internationaux est considérée par l’Autorité palestinienne comme une mesure tactique pour améliorer les conditions des négociations avec Israël et non pas comme une nouvelle stratégie visant à transférer totalement le dossier des négociations aux Nations-Unies pour être régi par le droit international », conclut Gomaa.

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