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Le casse-tête de la suppression des subventions

Amira Samir, Lundi, 28 avril 2014

Principales causes du déficit budgétaire, les subventions ont toujours été un problème majeur pour les gouvernements suc­cessifs de ces dernières décennies. Les tentatives de suppression, même timides, ont toujours été vouées à l’échec.

Subventionner le pain
L’Egypte a dépensé 21,3 milliards de L.E. pour subventionner le pain dans le budget 2013-2014. (Photo: AP)

En Egypte, les subventions sont définies comme le moyen d’assurer des services à un prix abordable aux ménages à faible revenu. Cela fait plusieurs décennies qu’elles ont été adoptées, mais aujourd’hui, les subventions à l’énergie et à certains produits alimentaires, comme la farine et donc le pain, sont au centre des préoccupations gouvernementales. Car ces subventions pèsent de plus en plus lourdement sur le budget de l’Etat.

La suppression des subventions est souvent recommandée par les experts de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI). Argument : les subven­tions profitent plutôt aux riches. « Les subven­tions, par leur ampleur et leur croissance per­manente, causent les déficits structurels du budget. Le pays s’est donc efforcé de les restructurer. Ce processus doit être révisé à la lumière des réalités écono­miques et politiques qui s’imposent à l’heure actuelle. De nouvelles recherches et analyses sont donc nécessaires », estime Mohamad Abou-Bacha, écono­miste auprès de la banque d’investisse­ment EFG-Hermes.

Les subventions accordées à l’énergie représentent une part grandissante du budget de l’Etat. Elles sont passées de 36 milliards de L.E. en 2005/2006 à 128 milliards en 2013-2014. Ainsi, elles représentent plus de 70 % du total des subventions et environ 22 % du budget de l’Etat. Plus de la moitié de ce pour­centage est consacrée aux produits pétro­liers tandis qu’un tiers est absorbé par l’électricité et environ 15 % par le gaz naturel. De plus, la fixation du prix de l’énergie maintenu à un niveau bas a entraîné une consommation d’énergie excessive. C’est ainsi que l’Egypte est passée de pays exportateur à un pays importateur de pétrole. Cette réorienta­tion a mis en évidence la nécessité de réduire les subventions à l’énergie. « Les subventions visent souvent à aider les pauvres, mais ce sont les riches qui pro­fitent de 35 à 50 % de ces subventions. La catégorie sociale aisée peut acheter des voitures consommatrices de carburant, et prive ainsi les pauvres d’importantes ressources budgétaires qui pourraient servir à financer d’autres objectifs de développement, notam­ment la santé ou l’éducation. Les mesures du gouvernement à cet égard auraient dû être prises depuis longtemps », explique Omar El-Shenety, directeur exécutif de Multiple Group.

La viabilité des subventions énergétiques n’a été mise en cause qu’au cours des dernières années du fait de la hausse vertigineuse des coûts de l’énergie dans le monde et de l’aggra­vation du déficit public. Toutefois, la question de la suppression des subventions du carburant est extrêmement sensible en Egypte.

Les gouvernements égyptiens successifs ont lancé divers programmes de réforme des sub­ventions à l’énergie. Sous Moubarak, de 2005 à 2008, un de ces programmes est entré en vigueur pour réaliser le recouvrement complet des coûts à l’horizon 2014. Ce programme a été suspendu en 2009 après la dégradation de la situation économique. Situation qui s’est dégradée avec la révolution de 2011. En jan­vier 2013, sous Mohamad Morsi, le gouverne­ment a mis en place un système de coupons pour la distribution d’essence et une augmen­tation du prix de l’octane 95. Mais le système de coupons a été fortement contesté par une catégorie de consommateurs. Et aujourd’hui, ce système réapparaît. Il sera bientôt appliqué. Le gouvernement affirme qu’il a déjà distribué plus de 2,5 millions de cartes intelligentes sur un total de 5 millions. Cette carte garantit une quantité limitée de carburant. S’il dépasse la quantité subventionnée, le consommateur achètera le carburant au prix normal.

Lutte contre la pauvreté

La politique des subventions alimentaires est un instrument-clé pour le gouvernement égyp­tien dans la lutte contre la pauvreté. Les sub­ventions alimentaires couvrent surtout le pain (et donc la farine), un aliment essentiel pour une grande partie de la population. Premier importateur mondial de blé, l’Egypte a dépen­sé 21,3 milliards de L.E. pour les subventions du pain dans le budget de l’Etat pour l’an 2013-2014. Par ailleurs, le gouvernement distribue mensuellement des quantités limi­tées de certains produits alimen­taires (sucre, huile de cuisson, riz, macaroni) par le biais des cartes de rationnement « betaqet al-tam­win ». Le rationnement de ces pro­duits a coûté en 2013-2014 à l’Egypte 11,5 milliards de L.E.

Ainsi, le gouvernement actuel vient de lancer un plan de réforme du système des subventions ali­mentaires. Celui-ci commencera par la libéralisation du prix de la farine et la fixation d’un quota pour la consommation de pain par per­sonne. La distribution du pain sub­ventionné sera aussi contrôlée grâce à des cartes à puce.

Réformer le système de subven­tion sans engendrer une grogne populaire, comme « les émeutes du pain » de 1977 sous la présidence de Sadate en réaction aux coupes dans les subventions et qui ont fait près de 80 morts, sera donc l’un des principaux défis de la mandature du prochain régime.

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