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Mahrous, passé à tabac au commissariat

Mavie Maher, Mardi, 23 octobre 2012

Mahrous, un chauffeur de taxi, affirme avoir été insulté et frappé par la police pour avoir dénoncé un officier qui refusait de donner suite à sa plainte pour insulte.

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( Photo: Hachem Aboul-Amayem)

« Je veux renoncer à ma nationalité égyptienne et partir dans n’importe quel pays où la dignité humaine est respectée. Même si c’est un pays ennemi, tout ce que je veux c’est partir ». Le visage de Mahrous Ahmad est las et plein d’amertume. Ce chauffeur de taxi, âgé de 39 ans, raconte son malheur. Il a été frappé et torturé par des policiers. C’était en septembre dernier. Tout commence lorsque Mahrous fait une remarque à un automobiliste qui venait en sens inverse : « Vous n’avez pas le droit de circuler en sens inverse, vous transgresser le code de la route ». Ces mots très ordinaires vont ouvrir les portes de l’enfer pour Mahrous, qui se retrouve inondé d’insultes sous prétexte que l’affaire ne le concerne pas.

Originaire de la Haute-Egypte, mince, brun, Mahrous n’a pas supporté l’insulte, surtout qu’il n’est pas le fautif. Pour lui, il n’était pas question de se laisser faire. Il décide de porter plainte. « Je ne vais pas renoncer à mon droit », s’est-il dit avant de se rendre au commissariat de police. Mais il suit d’abord l’automobiliste qui l’a insulté et le force à s’arrêter devant un commissariat de police. Mais après 15 minutes d’interrogatoire avec l’automobiliste en question, l’officier décide de le lâcher et l’invite à rentrer chez lui.

C’est alors que les choses se compliquent pour Mahrous. « Je ne comprenais pas pourquoi on a relâché ce type ? L’officier m’a dit que c’était dans mon intérêt ! », raconte Mahrous. Croyant que la corruption est finie avec la révolution, Mahrous refuse de renoncer à ses droits. Furieux, il se rend au poste de police de Doqqi pour porter plainte cette fois-ci contre le policier. Mais les officiers font la sourde oreille. Ils refusent de rédiger une plainte contre leur collègue. « Là, je me suis dit que ce n’était pas la peine de faire plus d’effort. J’ai compris que rien n’avait changé en Egypte ».

Le calvaire ne fait que commencer

Triste, Mahrous s’est dit que sa terrible journée allait prendre fin, alors qu’en réalité, elle ne faisait que commencer. « Les officiers du commissariat m’ont dit avant que je ne parte que je ne devais pas m’approcher de leur collègue ». En effet, avant de quitter les lieux, Mahrous a découvert avoir été condamné à payer une amende de 1 000 L.E. et que son taxi a été confisqué jusqu’au paiement de l’amende. Il ne sait pas pourquoi cette amende lui a été imposée. Il ne comprenait plus ce qui se passe. Le taxi ne lui appartient pas. Il le loue à 100 L.E. la journée, soit 12 heures à peu près. Il ne lui reste alors qu’une somme comprise entre 30 et 50 L.E. « J’ai dû vendre la boucle d’oreille de ma fille pour payer l’amende », raconte Mahrous sur un ton amer, les larmes aux yeux.

Il paye l’amende donc, mais avant de récupérer son véhicule, on l’oblige à descendre au rez-de-chaussée du poste de police où il est détenu dans une pièce de 3 x 2 m. Cinq personnes l’accrochent à une grande porte en fer et lui menottent les mains. Il reçoit des coups violents, notamment sur le visage. Aujourd’hui, il n’entend pas bien avec son oreille droite. « J’ai porté plainte pour avoir été insulté et c’est moi qui me fait insulter et de la manière la plus vulgaire. En plus sachant que je suis saïdi, ils m’ont provoqué en insultant ma mère, et ont menacé de m’agresser sexuellement ».

Blessé, fatigué et stressé, Mahrous ne rentre pas chez lui. Il trouve un petit et dernier souffle de résistance et décide de se diriger vers la direction de la sécurité de Guiza. Un commissaire lui conseille de se rendre à l’hôpital pour recevoir un rapport médical prouvant la torture qu’il vient de subir. « Là aussi, les choses n’ont pas marché. On a refusé de m’accorder un rapport sans présenter une demande du commissaire. Je suis revenu donc à la direction, mais je n’ai pas trouvé le commissaire. J’ai dû revenir le lendemain ». Il poursuit avec un grand soupire : Le lendemain, le policier lui a dit qu’il le comprenait, mais qu’il ne pouvait pas rédiger une telle demande.

En quête de la justice

Il était 3h du matin lorsque Mahrous rentre chez lui à Boulaq Al-Dakrour. Sa femme et ses trois enfants pleurent dès qu’ils le voient dans cet état. Mahrous a senti qu’il n’avait plus de valeur, sa dignité a été brisée.« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter toutes ces humiliations ? », dit-il. Et d’ajouter : « Mes proches en Haute-Egypte m’ont conseillé de ne pas lâcher mes droits. Il m’ont proposé de prendre ma vengeance par la force ». Mahrous pouvait peut-être supporter les conditions de vie difficiles, mais il ne pouvait pas renoncer à sa dignité. « J’ai participé à la révolution, mais maintenant je trouve que la situation se détériore dans notre pays. Le seul espoir pour moi est de quitter le pays. Je pense que le gouvernement est responsable de cette injustice à mon égard », conclut Mahrous.

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