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Les forces politiques

Lundi, 24 mars 2014

Des islamistes aux libéraux en passant par l'armée et les milices indépendantes, le paysage politique libyen est profondément divisé. Passage en revue des forces en présence.

Les forces politiques
Le CGN sert de Parlement de transition.

L’Alliance des Forces Nationales (AFN) :

Fondée en février 2012, l’AFN est une coalition de petits partis libéraux et d’ONG. Elle est dirigée par Mahmoud Jibril, architecte de la révolution libyenne. Arrivée en tête des élections législatives en juillet 2012, l’AFN a occupé 39 sièges sur les 80 soumis au scrutin à la proportionnelle. Toutefois, sa victoire aux urnes ne s’est pas traduite par une majorité au sein du CGN. La plupart des indépen­dants (120 sièges) se sont ralliés aux islamistes. L’alliance a reçu un coup dur après le retrait de 10 de ses députés après la promulgation de la loi sur l’isolement politique passée en force. « Cette loi a engendré un changement radical dans la carte des alliances au sein du CGN en affaiblissant les libéraux », explique Khaled Hanafi, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. La position de l’AFN sème parfois la confusion. Alors que le parti déclarait qu’il est contre le prolongement « non démocratique » du CGN, qui devait s’achever le 7 février, ses députés ont voté en faveur d’une prolongation de leur mandat de 10 mois.

Parti de la Justice et de la Construction (PJC) :

Arrivé deuxième aux législatives avec 22% des voix, le PJC, bras politique des Frères musulmans, se présente comme le cas contraire des islamistes tunisiens ou égyptiens qui ont remporté les élec­tions dans leurs pays respectifs. Créé en 2012, le PJC est le parti le plus organisé sous l’hémicycle. Il a réussi à gagner en influence en formant avec les députés des partis d’Al-Watan, des djihadistes repentis, et du Wafa, plus radical, un bloc d’islamistes constituants. Ce bloc est accusé de manipuler des milices armées, pour faire passer leurs politiques. C’est sous le forcing des milices armées isla­mistes, qui ont assiégé pendant des heures le CGN, que la loi d’isolement, taillée par ce bloc, est passée.

Le retrait de confiance au gouvernement de Ali Zeidan, voté par le Congrès, a été une autre victoire pour les islamistes, qui ont tenté à plusieurs reprises de faire tomber ce premier ministre, un indé­pendant appuyé par les libéraux. Selon Maher Chabaab, professeur à l’Institut des études africaines à l’Université du Caire, le renversement de Zeidan renforce la position des islamistes, surtout que le nouveau chef du gouvernement, Abdallah Al-Theni, ministre de la Défense, est considéré comme plus proche des islamistes.

Une armée fragile

Marginalisée sous Kadhafi, qui craignait un putsch, l’armée libyenne a souffert d’une dégradation profonde au niveau des équipements. A l’époque, sur le papier, Kadhafi disposait d’une force de 76000 soldats. Par ailleurs, il a formé une Garde révolutionnaire, composée de 20000 soldats, bien équipés. Pendant la révolution, les forces armées étaient divisées entre le régime et le peuple, et une grande partie de leurs effectifs ont disparu. Contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, l’armée libyenne n’a pas pu organiser la transition du pouvoir. Créée en octobre 2011, l’armée nationale libyenne a remplacé les forces armées de la Jamahiriya arabe libyenne de Kadhafi. Elle peine aujourd’hui à trouver une place dans le nouveau paysage politique libyen. La construction d’une armée professionnelle fait, en effet, face à d’énormes défis, comme l’explique le politologue Khaled Hanafi. « Le grand problème c’est la collecte des armes détenues par les milices, qui affichent une défiance envers le pouvoir transitionnel et son institution militaire », assure-t-il.

La modernisation de l’équipement est également un autre défi pour l’armée, qui a hérité du matériel usé de l’ancien régime. Des contrats d’achat d’armement ont été bloqués par certains pays occidentaux, comme la Tchèque, de peur que les munitions ne finissent dans les mains des milices rigoristes.

Depuis 2013, le gouvernement libyen envoie des militaires s’entraîner à l’étranger. « Environ 400 stagiaires se trouvent en Turquie. 400 autres seront envoyés prochainement en Italie. La Grande-Bretagne, qui va former un total de 2000 stagiaires, en recevra tout d’abord 400. Nous avons en outre installé 10 casernes dans les différentes régions du pays, pour recevoir ces stagiaires », a déclaré au public Ali Zidan, le premier ministre en janvier dernier avant son renversement. Le nombre de militaires qui s’entraînent hors du pays reste faible pour une armée qui compte aujourd’hui 40000 soldats.

Les milices : un Etat dans l'Etat

1 700. C’est le nombre estimé des milices qui mettent actuellement à feu et à sang la Libye. Après la chute de Kadhafi, et avec lui tout le système sécuritaire, le Conseil national transitoire, la nouvelle autorité en charge de la transition, avait demandé aux ex-rebelles d’assurer la sécurité du pays. Mais avec le temps, le conseil a perdu tout contrôle sur ces factions. Puisées dans l’arsenal hérité de l’ancien régime, ces milices, organisées selon les affinités locales, régionales ou idéologiques, n’hésitent plus aujourd’hui à recourir aux armes pour défendre leurs intérêts, alors que leur désarmement est une affaire très loin­taine. La réintégration de certaines milices au sein des ministères de la Défense et de l’Intérieur va compliquer davantage, selon le politologue Khaled Hanafi, la situation, « puisqu’elle va mener à une sorte d’institutionnalisation de ces milices qui obéissent en premier lieu à leurs chefs ». Dans l’ouest libyen, Tripoli est l’enjeu d’une lutte entre plu­sieurs milices. Parmi les plus puissantes se trouvent les troupes de Misrata, connues sous le nom de « Bouclier de la Libye », dont les miliciens ont lynché à mort Kadhafi. Cette milice possède plusieurs centres de détention qualifiés par Amnesty International d’inhu­mains. Zentan est une autre milice implantée dans la capitale et qui dispose de plus d’ar­mement que le pouvoir central. Ces deux milices ont une grande influence au point d’im­poser des personnalités originaires de ces deux villes à des postes-clés au sein du gouver­nement, comme l’ancien chef d’état-major, le général Youssef Al-Mangoush, originaire de Misrata, et l’ancien ministre de la Défense, originaire de Zentan, Oussama Al-Jouwaili.

A l’est, il y a les milices des fédéralistes qui bloquent les sites pétroliers et qui ont créé leur propre gouvernement (lire article sur le pétrole). La capitale de la Cyrénaïque, Benghazi, vit sous la loi d’Ansar al-charia, connue pour son affiliation à Al-Qaëda. La Brigade des martyrs du 17 février est une autre grande milice de la Cyrénaïque, disposant de près de 3000 hommes et d’un arsenal impressionnant.

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