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Revers de destin pour les jeunes Egyptiens

Amira Samir, Lundi, 17 février 2014

Après le fameux procès des djihadistes « revenants d’Afghanistan », les jeunes Egyptiens partis combattre en Syrie, considérés « courageux » sous Morsi, sont aujourd’hui qualifiés de « terroristes ».

Jeunes Egyptiens
Une conférence de soutien à la révolution syrienne tenue par l'ex-président Morsi.

Partir pour le djihad en Syrie est, depuis le début de la crise en 2011, le projet de nombreux jeunes Egyptiens, et ils sont nombreux à être aujourd’hui directement impliqués dans le conflit aux côtés des révoltés syriens. Le secret entourant leurs mouvements rend extrêmement difficile l’évaluation exacte de leur nombre et influence.

Certains de ces jeunes Egyptiens partis faire le djihad en Syrie ont été tués sur le terrain, mais d’autres sont récemment rentrés en Egypte. Ces derniers sont devenus la bête noire des médias et du ministère de l’Intérieur, qui vient de démanteler une cellule dite « les revenants de Syrie » composée de 18 Egyptiens et de 2 Palestiniens. Le ministère prétend qu’ils sont impliqués dans la planification d’attentats et attaques terroristes en Egypte. Il sont même accusés d’avoir organisé l’attentat raté contre le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, en septembre dernier. Une intense campagne s’est mise en place contre eux. Certains analystes et experts en sécurité estiment que ces « revenants de Syrie » risquent à l’avenir de présenter un réel danger, car historiquement, nombre de terroristes ont d’abord été des combattants qui se sont rendus sur les champs de bataille djihadistes. « Cela pourrait conduire à la situation des revenants d’Afghanistan. L’Egypte a fait face à un problème similaire, lorsque le régime soviétique est tombé et que les combattants égyptiens sont revenus au pays dans les années 1990. Certains ont mené des attentats terroristes », indique Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamiques et chercheur au Centre Al-Nil pour les études stratégiques. En effet, tous les revenants d’Afghanistan, même ceux qui ne se sont jamais personnellement impliqués dans des attaques terroristes, ont été condamnés par la justice égyptienne à des peines qui dépassaient les 15 ans de prison. Selon Ahmad Ban : « Ces jeunes reviennent du front syrien avec de l’expérience, de l’entraînement et des réseaux qui peuvent être utilisés à des fins terroristes dans leur propre pays. Certains de ces djihadistes partent se battre, et rentrent ravivés de colère ».

En effet, un grand nombre de ces volontaires égyptiens ont été encouragés au djihad en Syrie suite à la conférence de « soutien à la révolution syrienne » tenue au stade du Caire en présence de l’ex-président Mohamad Morsi, et aux déclarations de son secrétaire aux Affaires étrangères selon lesquelles le gouvernement ne peut empêcher les jeunes Egyptiens de se porter volontaires en Syrie, surtout pour des opérations de secours. « Le droit de voyager ou de prendre certaines positions est pour tous les Egyptiens. Mais nous n’appelons pas les Egyptiens à partir combattre en Syrie », a-t-il assuré à l’époque. Ces « combattants » étaient donc rassurés qu’à leur retour en Egypte, ils ne seraient pas jugés comme ceux revenus d’Afghanistan ou d’Albanie.

« Je ne suis partisan de rien »

Ziyad, 32 ans et père de deux enfants, s’est alors interrogé sur l’opportunité de son départ. Il a eu recours à plusieurs cheikhs pour « comprendre la position de la charia au sujet du djihad en Syrie ». Après avoir assuré aux cheikhs qu’il ne voulait pas aller au djihad pour échapper à des problèmes familiaux ou professionnels, on lui affirme que la charia permet de partir pour le djihad en Syrie. « Je ne suis partisan de rien, ni des Frères musulmans, ni des salafistes. Mais je regarde quotidiennement les informations, les images des enfants et femmes torturés par les milices de Bachar qui se livrent à des nettoyages ethniques. Je pleure tous les jours devant les nouvelles de ces massacres à grande échelle. Il faut secourir ce peuple opprimé », explique-t-il. Ziyad — un pseudonyme — a beaucoup d’amis médecins de différentes spécialités déjà sur place, en Syrie. Certains d’entre eux font régulièrement les allers-retours pour apporter des aides humanitaires. D’autres sont devenus militants et ne quitteront le champ de bataille qu’après la victoire de l’armée libre. Voilà comment Ziyad a décidé de s’impliquer en Syrie.

La préparation du voyage n’a pas été difficile, explique-t-il à l’Hebdo. Beaucoup de volontaires égyptiens sont en contact avec l’armée libre syrienne sur Facebook. Le voyage passe généralement par la Turquie ou la Jordanie. « On achète un billet d’avion, un aller simple, car on cherche à être martyr et on ne pense pas au retour. On combat jusqu’à la mort ou la victoire », souligne Ali, un Egyptien combattant qui vient de rentrer en Egypte et se prépare à retourner en Syrie. Et d’ajouter : « La majorité des combattants égyptiens qui quittent le champ de bataille sont blessés et rentrent pour se soigner ou sont mutilés, ne pouvant plus combattre. Certains préfèrent aider les autres djihadistes à trouver des fonds. Mais personne d’entre nous ne pense reproduire le scénario syrien en Egypte. Aujourd’hui, la Syrie est en ruine et son peuple est fait de martyrs, mutilés, réfugiés ou combattants. On a appris les leçons de l’Afghanistan dans les années 1980 et de la Syrie aujourd’hui », affirme l’Egyptien, dont le prénom Ali est un pseudonyme.

Joint par téléphone, il affirme bientôt retourner en Syrie, contrairement à d’autres qui ont quitté le champ de bataille syrien suite à des différends entre factions d’opposition syrienne. C’est le cas d’Ahmad, qui a intégré un bataillon devant combattre Bachar Al-Assad. Sur place, il apprend toutefois que c’est une division d’Al-Qaëda infestée d’agents de la CIA et de membres du Hezbollah soutenant le régime syrien. De retour en Egypte, son destin est incertain.

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