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Un référendum à valeur de présidentielle

SamarAl-Gamal, Lundi, 13 janvier 2014

Pendant deux jours, les Egyptiens se prononcent sur leur 3e Constitution en trois ans. Les enjeux du référendum dépassent le simple « Oui » vers lequel semble se diriger le pays.

Un référendum1
(Photos : AP)

Une vidéo de 5 minutes diffusée sur Facebook par le porteparole des Forces armées, colonel Ahmad Mohamad Ali, montre des formations militaires. Ils seraient 160 000 officiers et soldats épaulés par des unités de l’armée de l’air, de la marine, des forces spéciales, de la police militaire, des parachutistes et d’hélicoptères. Une impression d’un va-t-en-guerre pour un va-ten- urnes. Ils sont déployés pour « sécuriser » le référendum sur le projet de Constitution et gérer « le chaos », les manifestations et les tentatives de bloquer le processus, selon le porte-parole.

Environ 53 millions d’Egyptiens sont appelés à se rendre aux urnes depuis hier pour la 7e fois depuis la chute de Moubarak en 2011, pour ratifier une nouvelle Constitution, remplaçant celle de l’an dernier tombée avec la destitution de Morsi en juillet. Un scrutin qui donne pourtant le ton d’élection présidentielle, alors que le chef de l’armée, le général Abdel-Fattah Al-Sissi, laisse entendre qu’il serait candidat.

Pour le référendum lui-même, la partie est entièrement jouée d’avance, et tout porte à croire que le texte passera avec un « Oui » massif. Le président de la constituante, Amr Moussa, a déjà prédit un aval autour de 75 %. Le « Oui » doit dépasser en tout cas les 64 % (pourcentage de « Oui » au référendum de 2012).

Mais le gouvernement et ses partisans cherchent avant tout une forte participation, un chiffre qui dépasse le taux de 33 % réalisés lors du vote sur la Constitution des Frères. D’où cette importante campagne de plusieurs millions de L.E. avant même que le texte ne soit achevé par la commission des 50 chargée de rédiger le texte fondamental.

Le « Oui » est assimilé à un acte « patriotique » alors que les partisans du « Non » sont qualifiés par un bon nombre de responsables, à l’instar du gouverneur de Qalioubiya, de « traîtres ». Ils ont été police en plus d’être accusés de chercher à déstabiliser le régime.

Des dizaines de militants opposés à certains articles de la Constitution, notamment les procès militaires de civils, ont également été arrêtés et certains condamnés à la prison. Le « Non » n’est pas une option pour le gouvernement qui n’a pas essayé d’expliquer quelles seraient les conséquences du rejet du texte.

L’adoption de la Constitution est plus importante que son contenu, car comme l’explique le professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Ahmad Abd-Rabbo, l’alliance née du 3 juillet n’a pas été testée par des élections, et sa légitimité est jusqu’à présent basée uniquement sur les manifestations du 30 juin, et le blanc-seing réclamé par Sissi.

« Le référendum est la première étape pour apporter une légitimité constitutionnelle à l’extérieur », explique-t-il.

La sécurité comme test principal

Les défis du scrutin ne sont pas à négliger. Les analystes évoquent en premier la sécurité comme test principal. « Que les files d’attente des Egyptiens devant les urnes ne soient pas la cible d’une attaque terroriste ». Et pour obtenir la reconnaissance internationale, il faudrait faire preuve d’intégrité et de transparence, puisque ce référendum marquera la première étape de la feuille de route et ouvrira la voie aux législatives et à la présidentielle.

En effet, des élections parlementaires, puis présidentielle devraient normalement suivre, mais la tendance semble désormais vers un renversement de l’ordre des élections. Un président, une fois élu, pourrait facilement avoir un Parlement qui lui sera favorable. Deux jours avant le référendum, Sissi a déclaré présidentielle s’il était « mandaté par le peuple et l’armée ». Sa candidature serait controversée en soi, puisqu’il a conduit, suite à une mobilisation populaire, la destitution de Morsi. Le 3 juillet déjà, il annonçait qu’il « ne serait pas candidat pour ne pas permettre à l’histoire de dire que l’armée a agi pour des intérêts personnels ».

Son discours semblait avoir pour vocation une restauration de la démocratie, mais la situation a changé aujourd’hui, estiment les partisans de sa candidature. Les mois qui ont suivi ont permis un retour à un système semi-autoritaire à la Moubarak, voire plus. « C’est ce qu’on appelle en anglais, le upgraded authoritarianism », précise Abd-Rabbo.

Le chef de l’armée pourra toutefois remporter confortablement le siège de la présidence s’il décide de disputer la course, mais les enjeux liés à l’implication de l’armée de façon aussi directe dans la politique restent énormes, surtout face à un champ politique plus que jamais polarisé. Quand l’armée a pris le pouvoir après la chute de Moubarak, elle se disait en mission transitoire, appelant les Egyptiens à se rendre aux urnes pour élire un Parlement, puis un président en maintenant son statut spécial, afin qu’elle puisse bénéficier du contrôle de son budget et sauvegarder ses intérêts économiques.

Avec l’évincement de Morsi, elle a préféré désigner un président et un gouvernement civil, et rester, au moins publiquement, en retrait. Un ministre de la Défense candidat à la présidentielle, puis président, la placera sans aucun doute sur le devant de la scène et de la bataille politique.

En réalité, l’armée n’a jamais cessé d’être un acteur-clé du jeu politique en Egypte, en présentant tous les candidats à la présidentielle à l’exception de Morsi, qui n’a pas non plus cherché à renvoyer l’armée dans ses casernes, mais en a fait davantage un acteur incontournable, y compris par les textes de la Constitution de 2012. Un privilège multiplié par deux dans le texte de 2013.

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