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Vers un marasme juridique

Aliaa Al-Korachi, Lundi, 09 décembre 2013

Les articles 229 et 230, rejetés par le comité des 50, sont laissés à l’appréciation du « législateur », en l’occurrence Adly Mansour. Quoi qu’il en soit, ils ouvrent la porte à un imbroglio juridique.

Vers un
AP Reuters Le destin d'une dizaine de partis religieux sera remis en cause par la Constitution. Le mode de scrutin, et la présidentielle passe en premier ou les législatives : deux grandes questions laissées au législateur. (Photo: AP)

Au siège du Conseil consultatif, le vote des articles de la Constitution s’est fait avec souplesse, sauf quatre fois quand il a été question de voter « les clauses transitoires ». Les 229 et 230 sont parmi les articles qui n’ont pas obtenu les 75 % de voix requis. Le premier prévoyait une modalité mixte pour le scrutin électoral : « deux tiers pour l’individuel et un tiers pour les listes ». Le second stipulait que « les élections législatives précèdent le scrutin présidentiel », conformément à la feuille de route.

Ces deux articles ont divisé la constituante. Après trois heures de discussions à huis clos, le comité des 50 finit par les « remettre au législateur », actuellement le président Adly Mansour.

Une interrogation juridique se pose désormais sur le fait de recourir au président — portant notamment son caractère « par intérim » — pour trancher ces questions, charnières pour la période transitoire. Pour le juriste Essam Al-Islambolli, il n’y a pas de controverse juridique dans le fait de laisser Adly Mansour décider. En effet, selon la déclaration constitutionnelle de juillet, il détient le pouvoir législatif jusqu’à l’élection du nouveau Parlement.

L’expertise constitutionnelle de Mansour, ancien président de la Cour constitutionnelle, est par ailleurs considérée comme un avantage. « Il va certainement chercher à éviter toute faille législative », estime Islambolli.

Après le rejet de l’article 229, c’est l’article 102 qui laisse au législateur le soin de déterminer « les conditions de la candidature, la répartition des circonscriptions » et de se prononcer sur une des trois possibilités de modalité électorale : « la liste, l’uninominal ou le mixte ».

Si Adly Mansour opte pour le système mixte, le Parlement risquera de subir le même sort que le dernier, à savoir la dissolution. Le scrutin mixte pourrait en effet contredire un autre principe constitutionnel qu’est « l’égalité des chances ». Selon Amr Hachem Rabie, expert en systèmes électoraux, des considérations politiques entrent aussi en jeu. « L’uninominal est préférable. Il pourrait échapper à toute poursuite judiciaire et permet de couper le chemin aux islamistes », affirme Rabie.

La présidentielle en premier : un conflit d’articles

L’article 230 donne au législateur le droit de déterminer quel scrutin se tiendra en premier. Le texte reformulé stipule que les procédures pour la « première élection doivent commencer au moins 30 jours et au plus tard 90 jours après l’adoption de la Constitution. Les procédures pour l’autre élection doivent commencer dans les six mois suivant le référendum ». Une possibilité de tenir le scrutin présidentiel avant les législatives, à l’inverse de ce qui est déterminé par la feuille de route, devient alors possible.

Une contradiction pourrait donc naître entre la feuille de route imposée par l’armée et la possible décision de Adly Mansour sur une inversion de la tenue des scrutins.

« Un cas impossible », selon Nasser Amin, directeur du Centre de l’indépendance des juges, puisqu’après la ratification de la Constitution, « la feuille de route n’aura aucun poids juridique ». Mais le chemin est bloqué. Le comité des 50, en rédigeant l’article 230 « à la hâte », comme l’explique Nour Farahat, expert juridique, a oublié l’existence d’un autre article, à savoir le 142 concernant les conditions de validité des candidatures pour la présidentielle, qui rend impossible l’élection du président avant celle du Parlement.

Cet article stipule que « chaque candidat doit réunir le parrainage d’au moins 20 parlementaires ou 25 000 citoyens provenant de 15 gouvernorats au minimum ». Priver le candidat d’une de ces chances pourrait être jugé inconstitutionnel. Cette interprétation pourrait être aussi justifiée par le principe juridique qui dit que « si un article transitoire se contredit avec un autre permanent, le transitoire est annulé ».

L’article 162 vient compliquer la donne : selon Rabie, il accorde, dans le contexte actuel, la priorité à l’élection présidentielle. Il stipule en effet que « si la vacance de la présidence de la République coïncide avec la tenue d’un référendum ou l’élection de la Chambre des représentants, la priorité est accordée à l’élection du président de la République ».

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