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Armement : Les Russes restent numéro 2

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 19 novembre 2013

Malgré des relations en dents de scie, la coopération militaire entre l'Egypte et la Russie a toujours été importante depuis les années 1950. Après Washington, Moscou demeure le plus important fournisseur d'armes du Caire.

Armement
Sadate rencontre Alexei Kosygin, président du Conseil des ministres de l'URSS, en 1971, un an avant l'expulsion des experts russes de l'Egypte. (Photo : Ria Novosti)

« Nous avons pris des armes de la Russie. Oui, je dis : la Russie et non la Tchécoslovaquie. Nous avons conclu avec la Russie un accord pour nous fournir des armes. On nous dit : ce sont des armes communistes ! Je demande : y a-t-il des armes communistes et des armes non communistes ? Les armes, une fois arrivées en Egypte, s’appellent des armes égyptiennes».

Voilà ce que disait Gamal Abdel-Nasser le 26 juillet 1956 sur la plus grande place d’Alexandrie, lors du discours déclarant la nationalisation du Canal de Suez. Cet accord mentionné par Nasser fut conclu secrètement avec l’Union soviétique en septembre 1955. La livraison des armes se faisait par l’intermédiaire de la Tchécoslovaquie. Un coup dur pour l’Occident qui s’opposait, sous la pression de la Grande-Bretagne, aux tentatives de Nasser de reconstruire l’armée égyptienne. Nasser s’est alors dirigé vers l’Est.

La Russie devient ainsi le plus grand fournisseur d’armes de l’Egypte, lui accordant des facilités de paiement comme l’indique Talaat Mossallam, expert militaire. Un flux d’armes soviétiques submerge alors Le Caire pour remplacer et rénover les vieilles armes britanniques.

Des avions Mig 23, des missiles sol-air SA-6, des roquettes antichars RPG-7 et des missiles guidés anti-tanks AT-3 Sagger sont fournis à l’armée égyptienne. L’historien Mohamad Hassanein Heikal, dans son livre La Politique et l’arme, indique que l’importation des armes soviétiques a coûté lors de cette période, allant de 1955 à 1975, 20 milliards de dollars, une somme que l’Egypte devait rembourser jusqu’en 2000.

La coopération militaire ne se limitait pas seulement à l’armement. Des délégations d’officiers égyptiens partaient en Union soviétique pour des entraînements. La Russie était très présente, fournissant une assistance technique et de nouveaux matériaux à l’armée : une fois après l’invasion tripartite de 1956, et une autre fois après la défaite de 1967. Une unité spéciale d’experts russes a même été créée au sein de l’armée égyptienne.

Changement de cap

Mais cette assistance militaire était loin d’être idéale. Après la défaite de 1967, Nasser lance : « Les Egyptiens m’interrogent : où sont nos amis soviétiques ? ». En effet, la politique de la Russie consistait à fournir les armes et certainement pas la technologie nécessaire à leur fabrication. La Russie restait passive à chaque fois que Nasser lui demandait de coopérer pour développer l’industrie militaire en Egypte. Autre point négatif : le refus de fournir à l’Egypte des armes aussi sophistiquées que celles livrées à Israël.

Avec Anouar Al-Sadate, la confrontation est devenue directe. Il expulse en 1972 les 20 000 experts militaires russes présents en Egypte. Cette mesure est prise, comme le raconte Abdel-Moneim Saïd, ancien directeur de la cellule des opérations au sein de l’armée, après que Sadate eut réalisé que l’Union soviétique tergiversait pour fournir à l’Egypte les armes demandées depuis 1970 pour la libération du Sinaï. « Les Soviétiques voulaient éviter un conflit entre l’Egypte et Israël pour ne pas être entraînés eux aussi dans un conflit ouvert avec Washington », précise Abdel-Moneim Saïd.

Après les accords de Camp David en 1979, l’Egypte change de fournisseur. Une aide militaire américaine de 1,3 milliard de dollars est versée annuellement à l’Egypte pour moderniser son armée. Mais 40 % des matériaux restent de fabrication russe.

Les relations militaires avec les Russes reprennent en 1995 sous Moubarak, un officier formé dans des académies militaires russes. Elles restent cependant à un niveau très bas.

« Elles se limitaient à des échanges de visites officielles de responsables militaires et à l’achat d’un nombre limité de matériel russe », reprend Mossallam.

Malgré tout, durant la dernière décennie, Moscou modernise les missiles de défense aérienne des années 1970 : les S-125 Petchora, et fournit à l’Egypte de nouveaux systèmes de missiles de courte et moyenne portée, Bouk-M1-2 et Tor-M1E.

Pour Hani Shadi, spécialiste des affaires économiques et politiques basé à Moscou, les estimations russes indiquent que le volume total de la coopération militaire russo-égyptienne est d’environ 1,9 milliard de dollars pour la période entre 2005 et 2012. Un chiffre faible à comparer aux 7 milliards que représente le volume de coopération militaire avec les Etats-Unis durant la même période. « La Russie a tenu à conserver ses relations militaires avec l’Egypte, même si elle est numéro 2 », conclut Shadi.

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