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Egypte-Palestine : une médiation en dents de scie

Héba Nasreddine, Mardi, 24 septembre 2013

Depuis la détérioration des relations entre le Fatah et le Hamas en 2007, Le Caire joue le rôle de médiateur entre les deux parties. Un rôle qui a connu des succès, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Médiation
le premier succès diplomatique de la médiation égyptienne est survenu après la révolution

Un nouveau cabinet de l’Autorité palestinienne, dirigé par le premier ministre Rami Hamdallah, vient de prêter serment jeudi dernier à Ramallah en Cisjordanie. Les ministres dans ce gouvernement de transition de Hamdallah gardent leurs postes et portefeuilles ministériels. Statut inchangé donc. La réunion qui devait avoir lieu au Caire entre les factions palestiniennes en juin dernier pour discuter de la formation d’un gouvernement de coalition n’a jamais eu lieu. L’Egypte, le médiateur interpalestinien, est éclipsée au profit des changements majeurs à la tête du pays. Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007, l’Egypte déploie des efforts multiples pour tenter de régler les litiges entre le Hamas à Gaza et le Fatah à Ramallah, chacun ayant son propre gouvernement. Or, le premier succès diplomatique de cette médiation est survenu après la révolution du 25 janvier, soit après 4 ans de division palestinienne.

Le Conseil militaire, qui a géré le pays, a réussi à conclure un accord entre les deux parties, signé le 4 mai 2011. Il a d’ailleurs pris d’autres mesures saluées par la partie égyptienne, ainsi que les parties palestiniennes et arabes, pour alléger le blocus de Gaza, en rouvrant le terminal de Rafah. Et dans un geste symbolique, les dirigeants du Hamas ont été reçus par le maréchal Mohamad Tantawi, président du Conseil militaire. « Un nouvel esprit positif et un changement évident dans la politique qui était adoptée avant cette date », s’exprimait à l’époque Mahmoud Al-Zahar, ministre des Affaires étrangères du Hamas. Même son de cloche du côté égyptien. « Le Conseil militaire a mené une médiation impartiale entre les deux factions. Plus préoccupé par la sécurité nationale, il a voulu faire d’une pierre deux coups : acquérir une crédibilité aux yeux de la population en soulignant l’importance du rôle régional de l’Egypte et l’indépendance de sa décision, et assurer la sécurité à la frontière avec la bande de Gaza », explique Moustapha Kamel Al-Sayed, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. C’est de là que s’est développé l’accord que Moubarak n’est pas parvenu à conclure depuis 2007.

L’Egypte sous Moubarak a organisé des discussions directes et plusieurs rencontres avec les deux factions et souvent avec l’ensemble des mouvements palestiniens, mais en vain. Un plan de dialogue national a été présenté en octobre 2008 basé sur la reconstruction de l’OLP, la tenue d’élections, une restructuration des services de sécurité et un pacte d’honneur intérieur palestinien. Pourtant, ce dialogue, qui a nécessité 7 séances, n’a porté aucun fruit. Non seulement à cause du désaccord profond sur les problèmes-clés, mais aussi à cause de la politique partisane adoptée par l’ancien président. « Moubarak n’avait aucun intérêt à mettre le Hamas sur un pied d’égalité avec le Fatah, vu sa filiation idéologique avec les Frères musulmans qui menacent son pouvoir. D’ailleurs, il n’était pas pressé de parvenir à une réconciliation qu’Israël ne voulait pas », souligne le politologue Saïd Okacha. Sa décision de fermer le terminal de Rafah, qui a aggravé le blocus de Gaza imposé par Israël, a fait que le Hamas a considéré l’Egypte comme un adversaire plutôt qu’un médiateur. Par conséquent, le mouvement de résistance a rejeté presque toutes les propositions avancées par les Egyptiens, notamment après l’interdiction de passage de ses responsables en Egypte.

« Aucun signe de progrès »

La situation s’est inversée sous le successeur de Moubarak. « A l’instar de Moubarak, Morsi accordait beaucoup d’intérêt à la question palestinienne, avec la différence que Morsi faisait plus confiance au Hamas. Il a mené un dialogue avec chaque faction séparément pour évoquer l’accord de 2011 jamais mis en oeuvre. Pourtant, aucun signe de progrès n’a été enregistré », note Al-Sayed. Le récent conflit à Gaza, en 2012, entre Israël et le Hamas, a semblé rapprocher les deux factions. Le Fatah et l’Autorité palestinienne ont soutenu le Hamas pendant les huit jours d’affrontement, et le Hamas a encouragé la démarche de Mahmoud Abbas pour obtenir un statut d’Etat observateur à l’Onu. Pourtant, aucun camp n’a accepté la réconciliation aux conditions de l’autre. Entre-temps, l’Egypte de Morsi parvient à conclure une trêve entre le gouvernement gazaoui et Israël.

Mais les relations avec le Hamas se sont refroidies suite au développement de la situation dans le Sinaï et le meurtre de soldats égyptiens. Les choses se sont davantage compliquées après la chute de Morsi et l’arrestation de plusieurs membres du Hamas, accusés d’implication dans des attaques terroristes dans le Sinaï et d’ingérence dans les affaires du pays.

Actuellement, la relation entre Le Caire et le Hamas est plus tendue que sous Moubarak, voire pire. Plus personne au Caire ne s’attend à un accueil officiel des factions palestiniennes. Al-Sayed prévoit que « dans un avenir proche, le rôle égyptien de médiateur interpalestinien ne pourra que rester assez timide ».

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